Sylvain Lacaille: Poursuivre sa route sur une voie peu fréquentée

EN RÉTROSPECTIVE, LA PREMIÈRE COURSE à laquelle il a participé à titre de conducteur semble avoir été un signe précurseur que rien ne serait facile pour Sylvain Lacaille.

Story by Paul Delean / Traduction Louise Rioux

Dès l'âge de sept ans, il a participé à une course de trot pour poneys sur le terrain d'exposition à Rougemont au Québec, aux guides de Tanglewood Pepsi, un cheval appartenant à son père Marcel. À cause de sa très petite taille, ses jambes atteignaient à peine les étriers, et quand il a essayé de changer de position durant la course, il est tombé entre le cheval et le bicycle.

« Le cheval m'a traîné sans que jamais je ne lâche les guides, pour finalement s'arrêter. Je suis remonté et j'ai terminé la course. Quand on est jeune, on rebondit, » dit Sylvain.

Marcel qui le regardait à partir du paddock, s'en souvient comme si c'était hier.

« La foule applaudissait sa détermination. Il n'a pas pleuré. Il n'est pas parti. Il est remonté sur le sulky et a continué. Il a fait cela durant toute sa carrière. »

Tu tombes, relève-toi. Tu échoues, reprends-toi et essaie de nouveau. C'est l'histoire des quarante années de carrière de Sylvain dans l'industrie des chevaux. S'il avait été un joueur de hockey de la LNH, on aurait dit de lui qu'il était un plombier, honnête et professionnel et méconnu , se présentant à tous les soirs pour faire de son mieux.

Bien des gens prétendaient qu'il lui serait facile de réussir puisqu'il était le « gars de Marcel, » le fils de l'un des meilleurs et des plus influents éleveurs auprès des hommes de chevaux.

De fait, il n'a jamais tenté d'exploiter cela, probablement ce qui lui aurait plus nui qu'aidé.

Tout d'abord, son père n'était pas très chaud à l'idée qu'il devienne un homme de chevaux. Marcel avait d'autres intérêts commerciaux, y compris une entreprise de camionnage, d'expédition ainsi qu'une concession automobile, et croyait que l'aîné de ses trois fils serait mieux à travailler dans l'une d'elles.

Sylvain s'est tout de même essayé à la répartition du camionnage, mais très vite, il a abandonné cela. « Ce n'était tout simplement pas pour moi, être confiné entre quatre murs. Je ne pouvais pas me concentrer. »

Les chevaux, voilà ce qu'il aimait. Il avait grandi avec eux, les avait menés en course alors qu'il n'était qu'un enfant sur le dur circuit pour poneys. Son premier travail à sa sortie du secondaire, a été de travailler pour le horseman américain, Carl Allen.

« Mon frère Daniel et moi pensions que nous allions à notre maison de Hallandale. Mon père entre plutôt dans l'entrée de chez Carl Allen à Ocala, et nous annonce 'je vous ai trouvé des emplois, et en prime, vous allez apprendre l'anglais.' J'y suis resté six mois comme palefrenier de bons chevaux comme It's Fritz et Spellcaster, vivant dans un endroit sans isolation. Carl était une bonne personne, il aurait donné sa chemise, mais il était ferme, et il fallait que vous travailliez. »

Au Québec, Marcel avait entrepris la mise en œuvre d'une exploitation d'élevage qui allait éventuellement devenir la plus grande de la province. Mais Sylvain se sentait comme la cinquième roue du carrosse, et à son retour des États-Unis, il prit la décision de partir pour aller travailler auprès d'entraîneurs comme Lesley Turcotte et André Lachance, obtenant sa licence de conducteur pour ensuite démarrer sa propre écurie.

« C'était difficile de ne pas avoir d'écurie pour vous supporter. L'argent se faisait rare. Je devais travailler à deux emplois. De 16 h à 23 h, je travaillais à l'entrepôt IGA. C'était très pénible. »

En 1996, Sylvain fit sa première acquisition solo consistant en un yearling, Habile P J, d'élevage québécois et fils de l'étalon trotteur Promising Catch, propriété de son père, lequel n'avait pas atteint son prix minimum à l'encan.

L'éleveur était l'éminent homme de chevaux français Jean-Pierre Dubois, un ami et voisin des Lacaille à Saint-Bernard de Lacolle, Québec. « Ils en demandaient 8 000 $, mais quand Jean-Pierre a su qu'il s'agissait de moi, il a accepté 5 000 $. C'était le plus que je pouvais payer. J'ai contracté un emprunt de 20 000 $ pour passer l'hiver, et pour lequel ma mère Renée, s'est rendue responsable, » dit Sylvain.

Habile P J était un cheval difficile mais talentueux. Il a gagné plus de 40 000 $ à l'âge de eux ans, terminant sa saison par une troisième place dans la finale de la Canadian Breeders' à Mohawk. À trois ans, Habile P J a débuté sa saison en gagnant une course stake de 37 000 $ du Circuit Régional, mais après continua de diminuer dramatiquement. Sylvain pensant que le meilleur du cheval était derrière lui, l'a vendu à Ferme Brodeur pour beaucoup moins que ce qu'il aurait pu en tirer à 2 ans.

Le cheval a continué de courser jusqu'à l'âge de 7 ans et a rapporté quelque 140 000 $.

Son expérience avec Habile P J l'a laissé avec beaucoup de doute quant à ses habiletés d'entraîneur et d'administration hippique, s'arrêtant pour un certain temps, et préférant agir comme palefrenier pour l'une des écuries de course en démarrage à ce moment-là, soit l'Écurie A. D. dont le propriétaire était Alain Durivage.

Le conducteur attitré de l'écurie Durivage n'était nul autre que Gilles Gendron, mais avec 50 chevaux, des opportunités étaient offertes à d'autres, et c'est ainsi que Sylvain commença à prendre des conduites de relève avec des chevaux qu'il faisait travailler et dont il prenait soin.

Au fur et à mesure que les victoires augmentaient, il est devenu le conducteur de référence de l'écurie, accumulant des bourses de l'ordre de 926 000 $ en 2001, un sommet en carrière.

La course qui aurait pu cimenter son statut - la finale du Prix du Québec 2001 d'une valeur de 200 000 $, pour poulinières ambleuses d'élevage québécois à l'Hippodrome de Montréal - s'est plutôt révélée comme le pire des cauchemars.

Conduisant Touchez Pas La Mor de Durivage, favori à 2-5, Lacaille avait fait le tour du cercle et en était au dernier tournant, amblant avec deux longueurs d'avance sur ses plus proches rivales, Majo Maly, pour se voir disqualifiée et placée à la dixième position, après que les officiels eurent maintenu une objection alléguant que Lacaille s'était déporté de l'intérieur dans la voie de Majo Nad, la compagne d'écurie de Majo Maly, au premier tournant.

« Ce fut comme un coup de poignard au cœur, » dit Sylvain. « Le pire jour de ma vie. L'humiliation totale. Je me suis retrouvé au plancher. »

Il eut une autre chance de briller en 2003 quand Dubois l'a nommé pour mener Taurus Dream, un partant dans l'Hambletonian de l'année précédente, dans la Frank Ryan Trot à Rideau-Carleton. Cela ne s'est pas bien terminé non plus. Il a beaucoup demandé au cheval en partant, pour terminer à quatre longueurs derrière Abbey Road C. Dubois m'a laissé au banc durant un an. Il m'a dit 'ne reviens jamais avec un cheval mort'. Ce fut une bonne leçon. Quand quelqu'un vous parle comme cela de son cheval, écoutez. »

La reconnaissance lui est finalement venue en 2010, quand Sylvain gagna deux des trois finales des deux ans d'élevage québécois à l'Hippodrome de Québec avec Winning Dream et Nuriev Dream, propriétés de Dubois. « Malheureusement, les bourses n'étaient que de 20 000 $ plutôt que de 200 000 $, et il n'y avait pas de trophée non plus. Ce n'était pas la même chose, » dit-il.

Mais encore, il est heureux de la façon dont sa carrière et sa vie, se sont déroulées. À 47 ans, il est l'un des meilleurs conducteurs du Québec, en argent et en victoires, et il coure aussi de façon régulière à Rideau-Carleton. Il a gagné plus de 600 courses et 5 M $ en bourses. Il entraîne une écurie de 10 chevaux et lui et sa femme, Chantal Duval, ont récemment acheté une ferme de 35 acres à Saint-Paul de Joliette, au Québec. Sa fille Kelly, âgée de 13 ans, et la plus jeune de ses quatre enfants, aime autant les courses que lui alors qu'il n'était lui aussi qu'un enfant, et elle l'accompagne dans la plupart de ses déplacements.

« Devenir un horseman polyvalent, comme un Jean-Pierre ou un Yves Filion, voilà mon objectif, » dit Sylvain. « Rien ne m'a été facile mais je garde espoir et je continue de me battre pour réaliser mes rêves. Je n'ai jamais cessé de travailler. J'ai toujours été le premier à entrer au travail et le dernier à en partir. »

Marcel, maintenant âgé de 70 ans, était sceptique au début, mais dit que le parcours de son fils aîné en course atteste de sa persévérance et de son caractère.

« C'est une personne honnête, et crédible. Un professionnel. C'est tellement important pour les courses sous harnais d'aujourd'hui. Il aurait pu tout avoir à notre ferme, mais il a préféré se faire par lui-même, faire ses propres choix. Je lui lève mon chapeau. Il est aujourd'hui le porteur du flambeau d'une industrie que j'aime. »

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