Quelle drôle de conclusion

Je suis une personne de chiffres. Écrivez-moi une histoire – je suis content. Faites-moi un dessin – je le suis encore plus. Mais présentez-moi une feuille de calcul – alors là, je suis aux oiseaux.

Naturellement, vous pouvez vous imaginer le plaisir que j’ai éprouvé à me pencher sur les chiffres ressortis des 57 entrevues menées par l’équipe de Trot auprès d’entraîneurs, conducteurs, éleveurs, propriétaires, exploitants d’hippodromes et de parieurs par tout le pays au cours du mois dernier, pour tenter de savoir à quoi ressemblerait l’industrie des courses en l’an 2050, selon eux.

J’ai bien apprécié toutes les opinions de même que les données obtenues, et nous avons bien pris soin de nous assurer que les moyennes soient équitablement calculées. Mais une partie de l’information m’a frappé, parce qu’à la fois bizarre et extrêmement révélatrice. (p. 56)

Quand on a demandé aux participants quelles étaient, à leur avis, les possibilités que l’industrie des courses attelées soit autosuffisante en 2050 (n’oubliez pas, on parle ici de 41 ans), la moyenne des réponses des divers intervenants de l’industrie a été de 60 contre 1. Ce qui veut dire, toujours en vertu de cette section, que si nous devions vivre cette période de 41 ans 61 fois, seulement un de ces essais résulterait en une industrie des courses attelées autosuffisante.

De plus, le secteur qui a présenté les possibilités les plus faibles, encore une fois par un score peu impressionnant de 43 contre 1, a été les exploitants d’hippodromes – souvent considérés comme les intervenants les plus cyniques de l’industrie. Dix personnes ont accordé une cote sous les 10 contre 1 et une seule personne a établi une chance plus grande que 50 % d’autosuffisance en 2050. Réciproquement, 17 personnes ont évalué les chances à 100 contre 1 ou plus.

Nous avons poursuivi avec la question suivante : « Quelles sont les possibilités qu’il n’y ait plus de courses attelées en 2050? » Ce même groupe pense que la probabilité qu’il n’y ait plus de courses en 2050 se chiffre à 58 contre 1. Cette fois-ci, les exploitants d’hippodromes sont arrivés en tête de liste avec une cote de 74 contre 1. Encore une fois, seulement une personne évaluait les possibilités de disparition de l’industrie à 50/50 ou mieux.

Alors, suivez-moi bien. Ces mêmes personnes qui se sont prononcées presque à l’unanimité à l’effet que l’industrie ne serait pas autosuffisante en 2050, seraient complètement et entièrement commotionnées si l’industrie des courses attelées n’existait plus du tout à cette date.

Bien que je respecte les opinions et les réponses véhémentes que nous avons reçues, sachant ce groupe bien pensant, quelque chose ne concorde pas. N’est-ce pas illusoire de croire que les courses attelées survivront grâce aux subventions durant les cinquante prochaines années et ne pas envisager la réelle menace d’une fermeture complète?

Je comprends bien cette rationalisation puisque ces réponses s’articulent autour de l’impression que même si les courses perdent beaucoup de leur lustre et de leur financement, elles survivront malgré tout.

Au cours de la seule dernière année, j’ai vu l’industrie des courses attelées du Québec confrontée à la possibilité d’un effondrement total et ce, à cause principalement de son incapacité à s’autosuffire. J’ai été témoin d’un autre quasi effondrement à Fort Erie, l’un des deux seuls hippodromes pour thoroughbreds en Ontario. J’ai vu l’État du Massachusetts interdire les courses de lévriers sur son territoire, de même qu’une campagne à grand déploiement de l’organisme des droits des animaux visant à délégaliser les calèches tirées par des chevaux dans plusieurs des plus grandes villes du monde.

Partout autour de nous, j’entends les appels à un changement réel et systémique mais je me demande souvent pourquoi les mots ne sont pas appuyés par un financement significatif et par une approche ‘faites-le à tous prix’. Comme c’est souvent le cas, les chiffres ne mentent pas.

À mes yeux, les chances d’autonomie de l’industrie des courses attelées en 2050 sont à 3 contre 1. Rappelons-nous que les courses de chevaux sont autosuffisantes et plutôt rentables dans la majeure partie de l’Europe, en Asie et en Australie. Notre épouvantable modèle d’affaire est beaucoup plus l’exception que la règle mais ne constitue certainement pas une raison de lancer la serviette.

Quant à la possibilité que l’industrie des courses attelées n’existe plus en 2050, j’estime les cotes à 8 contre 1.

Bien des événements peuvent survenir en 41 ans. Mon espoir est de voir l’édition 2050 portant sur le rapport « l’État de l’industrie », republier nos cotes, sous le titre : « La preuve qu’ils avaient tort - Pourquoi, en 2009, l’industrie croyait si peu en son avenir. »

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