Devenir Casie

Elle est la professionnelle prééminente du cercle des hommes de chevaux au Canada – double gagnante du prix O’Brien Award à titre de meilleur entraîneur au pays, et qui a mis sur pied une solide écurie de chevaux tant en Ontario qu’au New Jersey.

Mais pour vraiment savoir ce qui a amené Casie Coleman à ce stade-ci de sa vie, il faut fouiller plus profondément. Remonter à ses racines en Colombie-Britannique – l’endroit où elle a développé son amour pour les chevaux ainsi que son esprit de compétitivité reconnu et tellement évident aujourd’hui.

On pourrait même dire que cette femme de 28 ans a vu le jour dans l’industrie.

Ses parents, Phil et Linda, ont entraîné et fait courir des chevaux à la piste de Fraser Downs de Surrey, dans la banlieue de Vancouver Son père, qui a déménagé l’exploitation familiale à Flamboro Downs en 2000, est né tout près du défunt Patterson Park à Ladner, C.-B., et c’est là qu’il s’est découvert un intérêt pour ce sport.

Bien que son frère Kyle, de deux ans son aîné, ne démontre aucun intérêt pour l’industrie, Casie en revanche, a très tôt fait montre de sa passion pour la race équine. Sa passion de fait, remonte à ses cinq ans. À ce moment-là, les Coleman entraînaient un cheval du nom de Comando Jobe. C’était une masse de 17 mains de hauteur qui dominait tellement la jeune fille qu’il la faisait paraître encore plus petite qu’elle ne l’était, et qui sut développer une amitié avec lui et qui lui mettait des oursons dans sa stalle.

« Elle marchait ce cheval sur toute la piste et tout le monde la regardait en riant. Ils ne pouvaient tout simplement pas croire ce qu’ils voyaient, » se rappelle Linda Coleman. « Nous l’avons eu durant quelque deux ans et il nous a gagné bien des courses et partout, elle le faisait marcher. Je pense que c’est le premier cheval auquel elle s’est autant attachée. »

Casie ne se souvient pas du cheval bien qu’elle admette avoir entendu cette histoire à quelques reprises de la part de ses parents, ni du fait qu’il ait été réclamé et de ce qu’elle a fait par la suite.

« Elle a apporté les oursons à l’homme qui l’avait acheté, » dit Linda en riant, « lui disant que le cheval devait les avoir dans sa stalle. C’était vraiment chouette. »

Cette jeune fan de la race équine a développé d’autres points d’intérêt à un très jeune âge aussi, comme celui de cuisiner. Son père revoit des images de sa petite fille de huit ans affairée à préparer un repas de spaghetti pour la famille, le servant ensuite avec l’efficacité et le professionnalisme d’un pro – dressant même une table de fantaisie.

« Et à la fin du repas, elle nous présentait la note, » se rappelle Phil Coleman. « Elle a toujours su comment faire de l’argent. »

Il a d’autres souvenirs de sa fille, comme celui de sa participation à des compétitions de balle rapide. Un tournoi en particulier lui est resté en mémoire; accroupie derrière le coussin du receveur, couverte de boue, sous une pluie battante, Casie a volé la vedette comme receveur de son équipe – en faisant trois retraits consécutifs au marbre pour préserver l’avance de son équipe.

« J’ai su immédiatement que quoi qu’elle fasse, elle serait bonne, » dit Phil. « Sans même jamais penser que ce serait auprès des chevaux. »

Mais sa fille a toujours démontré beaucoup de détermination et c’est devenu un trait de son caractère. « Nous allions à la pêche, » se rappelle-t-il. « Je lançais ma ligne une ou deux fois et c’était tout. Elle voulait dès lors que je la laisse faire toute seule, que je la laisse faire par elle-même. Quoi qu’elle fasse, elle voulait être la meilleure. Elle a pratiqué la ringuette et elle était bonne à cela aussi. Peu importe ce que c’était. Elle voulait performer. »

Les chevaux, en revanche, sont devenus son intérêt premier. Elle ne se lassait tout simplement pas d’être autour d’une écurie.

« Je me levais vers 5 h 30 ou 6 h le matin, j’entraînais les chevaux avant d’aller à l’école, je me rendais à l’école, après l’école je retournais auprès des chevaux pour en prendre soin et les nourrir, » dit Casie tout bonnement. « Je ne me suis jamais tenue avec quelqu’un à l’école parce que j’étais toujours à l’écurie. Il y a bien eu quelques amis à l’hippodrome, mais tout ce que je voulais c’était de travailler, et ce du haut de mes six, sept et huit ans. Même quand tout le travail était terminé, mes parents rentraient à la maison mais moi je restais à l’écurie. Je nettoyais les coffres, lavais les stalles, et nettoyais les appareils. J’ai toujours été obsédée par cela. J’aime travailler. Je n’ai jamais été ce genre d’enfant à jouer à des jeux vidéo, à regarder la télévision ou autre. Ce n’était pas moi. Je travaillais. »

« Je n’ai jamais eu beaucoup d’amis parce que, évidemment, ils ne voulaient pas se trouver autour des chevaux ni travailler tout le temps. Quelques-uns ont trouvé cela ‘cool’ parfois, et sont venus voir les chevaux, mais par après, ils voulaient aller au centre commercial ou au cinéma. »

Elle a entraîné son premier cheval, une jument âgée nommée Sal She B Good, à l’âge de 14 ans. La jument lui avait été donnée par un propriétaire et client important des Coleman, Jerry Blanchet, qui voulait améliorer son cheptel. « Elle avait été réclamée pour 2 500 $ et n’avait gagné qu’une course durant l’année, » se rappelle Casie. « J’ai tout fait avec elle – je l’ai entraînée, joggée, j’en ai pris soin et l’ai fait courir. Je l’ai même fait participer à des courses où les filles étaient autorisées à courir à Fraser Downs.

« Avec elle, j’ai tout appris – comme forger une bonne attitude chez un cheval, je pense. Je passais toute la journée avec elle, à la faire travailler, la brosser, la faire marcher, jouer avec elle. Je l’ai même montée. J’ai tout fait avec elle – j’ai appris à la gâter et à en prendre soin. Elle boitait beaucoup, alors j’ai beaucoup appris sur la façon de garder les chevaux sains. J’en suis venue à expérimenter plusieurs choses sur elle - tels différents types de massages aux pattes – et j’ai aussi appris comment appliquer un cataplasme, faire suer et suppurer, ce genre de soins. »

Mais nulle part vous ne trouverez le nom de Casie à titre d’entraîneur de Sal She B Good. Elle était trop jeune pour détenir une licence d’entraîneur, alors c’est son père qui en était l’entraîneur attitré. Et c’est son père qui lui a imprégné cette notion de l’importance du détail dans tout ce qu’elle faisait.

« Je ne connais pas d’autre manière de faire et d’exceller dans ce qu’on fait, » dit-il avec un haussement d’épaule. « Il faut bien faire toutes les petites choses; voilà ce que nous lui avons enseigné, et cela dès son plus jeune âge. »

Il y a ceux qui vous diront que c’est son attention aux détails qui est l’une de ses plus grandes forces – l’entraîneur peut vous débiter à toute allure l’information à propos de n’importe lequel de tous ses chevaux, sans difficulté. « Je suis chanceuse. J’ai une très bonne mémoire, » dit-elle. « Je ne sais pas comment, mais je peux me rappeler d’absolument tout sur chacun de mes chevaux. Je suis née comme cela. »

Même si elle avait une grande aptitude pour mémoriser les choses, l’école traditionnelle ne lui convenait tout simplement pas. Sa passion pour les chevaux interférait avec son travail scolaire, ce qui occasionnait certains heurts avec une de ses enseignantes en particulier, qui s’inquiétait de son imponctualité et de ses absences en classe.

« Elle a perdu patience avec moi et m’adit que je devais commencer à assister à mes cours et à m’instruire, si non je ne serais qu’une paumée tout comme tous les autres entraîneurs de chevaux, » se rappelle Casie. « Elle m’a littéralement dit cela. Je manquais beaucoup de cours parce que je voulais entraîner mes chevaux. Je suis allée à l’école secondaire Lord Tweedsmuir Secondary School située directement sur la colline de Fraser Downs Racetrack. Je pouvais voir par la fenêtre de ma classe les chevaux à l’entraînement, alors tout le temps j’étais distraite dans mes cours me voyant entraîner mes chevaux. Je voulais toujours être à l’écurie. »

Par chance, Casie fut éventuellement transférée dans un programme alternatif qui lui permettait de suivre tous ses cours en même temps.

« Cela me permettait presque d’établir mon propre horaire, » dit-elle. « Je n’avais pas de problème avec les matières scolaires. C’était juste le fait d’y aller – je voulais vite graduer. Je savais en quoi consistait l’entreprise des chevaux. J’ai quitté l’école à quelques occasions et mon père me disait ‘tu dois retourner à l’école et obtenir ton diplôme si non, tu seras privée du travail à l’écurie.’ »

« C’était ma punition, » dit-elle en riant. « Je ne pouvais pas travailler à l’écurie. Je devais rester à la maison à ne rien faire! »

Rapidement, un autre de ses enseignants devint en quelque sorte son mentor; il comprenait le style de vie qu’elle voulait poursuivre. Ils sont restés en contact longtemps après sa graduation. « Ce type-là était formidable. Je lui ai dit : ‘Comme j’aimerais lui montrer (à l’autre enseignante), tout ce que j’ai fait jusqu’à maintenant – lui mettre mes statistiques sous le nez. Elle savait que mes parents étaient des entraîneurs de chevaux et elle m’a fondamentalement dit que je serais une paumée pour le reste de ma vie, que je serais sans le sou si je continuais à faire cela.

« Je savais que je serais incapable d’étudier pour devenir vétérinaire ou pour tout autre profession, » ajoute-t-elle. « Mais mes parents ne voulaient pas que je sois entraîneur ou conducteur. Ils savaient combien c’était difficile. Ils ont fait de leur mieux pour me tenir à l’écart de l’écurie. »

« Ce fut toute une tâche au début, parce que tout ce qu’elle voulait c’était d’être avec les chevaux, » dit sa mère en riant. « Nous ne voulions pas réellement qu’elle ne s’occupe que de chevaux, sachant combien cette vie est difficile. Particulièrement pour une femme – une fille - ce peut être vraiment difficile. Dans le domaine des chevaux, il y a des hauts et des bas et je croyais tout simplement que ce n’était pas pour elle. J’ai tenté autant comme autant de l’en dissuader, mais il n’y avait rien à faire. »

Phil admet qu’il a grandi avec une certaine aversion pour les femmes oeuvrant dans le domaine hippique. « Je croyais qu’elles ne devaient pas nettoyer les stalles et tout le reste, » dit-il. « Je croyais qu’elles ne devaient pas conduire ni faire quoi que ce soit du genre. Plutôt ironique n’est-ce pas? »

Grâce à un programme d’études répondant à son horaire ­chaotique, sa fille a pu obtenir son diplôme avec distinction. Elle a reçu une offre de bourse de 10 000 $ pour poursuivre une carrière de chef cuisinier, mais elle l’a refusée. Casie avait véritablement décidé de travailler à plein temps auprès des chevaux. « Mon père pensait que j’étais une parfaite idiote, mais c’est ce que je voulais, » dit-elle. « J’aime vraiment faire la cuisine. Je peux tout cuisiner. Mais c’était tout ce que je voulais faire. Je n’ai jamais eu d’autre vrai travail – j’ai des chevaux depuis toujours. C’est tout ce que j’ai fait de toute ma vie. »

« Elle voulait s’impliquer auprès des chevaux et cela me préoccupait au plus haut point, » se rappelle Linda. « Je lui ai dit : ‘non, non, non – ne fais pas cela!’ parce que c’est une vie difficile. Mais ça lui réussit très bien. »

« Elle a toujours été bien focalisée sur ce qu’elle allait faire, » admet Phil. « Mais jamais nous n’aurions pensé que les courses connaîtraient un tel départ. Je ne sais pas du tout comment cela est arrivé. C’est tout simplement arrivé. »

Casie admet sans ambages que jusqu’à maintenant, les courses de chevaux représentent son univers. « Je ne lis jamais les journaux. Je ne regarde jamais les nouvelles. Je ne sais absolument pas ce qui se passe dans le monde, » dit-elle en souriant. « Je n’en ai que pour les chevaux. »

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