Gagner N'Est Jamais Ennuyeux

Bien qu’il lui soit respectueusement possible de protester, il existe de nombreuses raisons de réfuter l’étiquette « plutôt ennuyeuse » que Noel Daley s’est un jour attribuée. Par Chris Lomon // Traduction Louise Rioux

Qu’il s’agisse des jours ayant précédé son accession au rang d’entraîneur le plus prospère et respecté des courses de chevaux Standardbred, de la route qui l’y a conduit, et la route qui l’y a mené, des chevaux de haut niveau avec lesquels il a fait campagne ou des grandes courses qu’il a remportées, ces moments sont tout sauf banals et monotones pour le modeste homme de chevaux originaire d’Australie.

Bien que Daley se considère comme un type inintéressant et préfère laisser ses chevaux parler, ne vous méprenez pas, il a certainement une histoire qui vaut la peine d’être racontée.

La façon dont il est d’abord entré dans le monde des courses, est une histoire passionnante en soi.

Ayant grandi à Mount Isa, une ville située dans la région du Gulf Country, dans le Queensland, en Australie, Daley a trouvé son premier emploi à plein temps chez Trans Australia Airlines, devenue plus tard Qantas Airlines.

« C’est ce que je faisais avant que tout ne commence. J’étais au guichet de l’aéroport, je vérifiais les entrées, fondalement. »

Quelques années après le début de sa carrière, Daley, qui avait grandi en tant qu’amateur et fan de courses de chevaux, a changé de cap, pour ainsi dire, et est passé de la gestion de passagers à celle des ambleurs  et des trotteurs.

Bien qu’il n’ait aucune idée si ce changement de carrière allait lui rapporter des dividendes - ou des factures - il n’a pas non plus considéré ce saut dans l’inconnu comme un pari risqué.

« J’ai commencé par acheter un cheval et je l’ai confié à un jeune homme en Australie [pour qu’il l’entraîne], puis j’ai commencé à aller le voir. C’est ainsi que je suis entré dans le jeu. Ensuite, j’ai fait quelque chose de vraiment stupide et j’ai quitté mon travail à la compagnie aérienne pour commencer à travailler pour lui. Le cheval allait bien, alors j’ai décidé de sauter dans un avion et suis rentré aux États-Unis avec lui. » 

Considérez cela comme la version du rêve californien de Daley.

Son incursion dans les courses américaines a commencé à Los Alamitos, avant qu’il ne se dirige vers l’est en 1990 pour travailler comme palefrenier pour Brett Pelling.

Cette décision s’est avérée déterminante pour le jeune homme de chevaux.

« Je me suis dit que j’allais tenter ma chance et j’ai travaillé pour l’entraîneur Pete Foley en Californie pendant six mois. La fille avec qui je sortais à l’époque - nous avons ensuite rompu et je devais retourner en Australie - a mentionné que l’un des chevaux dont elle s’occupait allait à New York chez Brett Pelling. Alors, j’ai sauté dans un avion et je suis allé travailler avec lui. »

Sous la tutelle de l’un des meilleurs entraîneurs du sport, Daley a rapidement appris les ficelles de la course, travaillant à divers titres pendant les huit années suivantes.

Il faisait partie de l’écurie Pelling qui a dominé The Meadowlands au cours des années 1990, l’écurie ayant remporté six fois le titre d’entraîneur.

« À mes débuts, je travaillais pour Brett, c’était l’époque où il commençait à travailler avec les bébés. Je suis arrivé durant l’été 1990 et c’était l’endroit parfait pour apprendre. C’était un si bon endroit pour comprendre tout ce dont vous aviez besoin de savoir sur les chevaux. Nifty [Norman] a été son deuxième entraîneur. J’ai commencé comme palefrenier, puis je suis devenu l’un des entraîneurs de Brett. Ces huit années m’ont valu  une énorme avance pour moi. »

Finalement, après avoir entraîné des chevaux pour Pelling pendant quelques années, Daley a décidé de partir à son propre compte.

Cependant, lorsque vint le temps pour le jeune conditionneur de préparer son propre plan de carrière, il n’en n’avait pas vraiment un.

« Vous espérez que les choses vont s’arranger quand vous faites un choix comme celui-là. Je suis parti seul, sans véritable plan de match. J’avais deux chevaux. Peu de temps après, un type, Adam Victor, est entré dans le paddock un soir, et il voulait se lancer dans les chevaux et les courses hippiques. Il n’en avait pas et je n’en avais que quatre ou cinq. »

Il s’est avéré que Daley, connu sous le nom de « Oz » dans le milieu du Standardbred américain, s’en tirerait très bien.

 En fait, bien mieux que très bien.

« Nous avons eu un peu de chance dès le départ, et en quelques années, j’avais 125 chevaux... 90 d’entre eux appartenaient à Adam. Nous avons connu une grande carrière. M. Muscleman a vraiment fait avancer les choses. On s’amusait. On l’a fait voler pour courir dans l’Elitlopp. Explosive Matter, on l’a élevé, et on a pu l’emmener en jet privé pour courir en Italie. C’était plutôt cool. Nous tous, nous avons eu une très bonne course. Ils ne sont plus dans le métier maintenant, mais je regarde les chevaux que nous avions et c’était tout simplement remarquable. »

La plus grande réussite de Daley a été le titan du trot Mr Muscleman, un yearling de 

2 000 dollars qui a gagné au-delà de 4 millions de dollars. Il a remporté trois fois le Dan Patch Award, un O’Brien Award en 2004 et le Trotteur de l’année 2005 aux États-Unis. Parmi les autres stars dont il a assuré la campagne, citons My Little Dragon, lauréat du prix O’Brien 2008 et double lauréat du prix Dan Patch, Little Miss Dragon, Explosive Matter, Cedar Dove, Caviart Ally et All Speed Hanover. Un autre grand moment de sa carrière a été sa victoire dans l’Hambletonian 2011 avec Broad Bahn.

Malgré tous ces succès, Daley, en 2018, a pris la décision de retourner dans son Australie natale, où il continuerait à entraîner des chevaux pour les propriétaires de haut niveau Emilio et Maria Rosati.

« J’avais le mal du pays et c’est sur cette note que j’ai pris la décision de retourner en Australie. J’ai vendu tous mes chevaux dans le New Jersey et je me suis retrouvé à Sydney, qui est très loin de mon pays d’origine... mais les courses n’étaient tout simplement pas ce à quoi j’étais habitué. Au bout d’un moment, j’ai compris que ce n’était pas pour moi, alors je suis rentré aux États-Unis. »

Il est revenu en Amérique, fin 2019, avec 2 570 victoires en carrière et 61 454 588 dollars de gains à son actif. Depuis, il a ajouté 140 autres victoires et 4,2 millions de dollars de plus en bourses.

Mais si Daley, qui compte également huit victoires dans la Breeders Crown, avait la moindre inquiétude quant à la façon dont son deuxième séjour aux États-Unis allait se dérouler, il n’a pas eu à attendre longtemps pour obtenir sa réponse.

Sa nouvelle écurie s’est rapidement enrichie de 18 têtes, dont Princess Deo, vainqueur d’enjeux, et plus d’une douzaine de yearlings. L’un des premiers bébés qu’il a achetés était Anoka Hanover, futur gagnant de Goldsmith Maid, un achat de 35 000 $ qui a rapporté 792 739 $ à ce jour. Daley est copropriétaire de la jument de quatre ans Donato Hanover avec Crawford Farms Racing, L.A. Express Stable LLC et Caviart Farms.

Et puis, bien sûr, il y a Pebble Beach.

Le père du poulain, Downbytheseaside, a remporté son élimination de la Pepsi North America Cup et a terminé troisième de la finale 2017. Pebble Beach est issu de sa première récolte et est le premier poulain de la jument Western Ideal Santa Rosa. L’année dernière, il est devenu seulement le cinquième deux ans à gagner plus vite que 1:49 lorsqu’il a remporté le championnat Kentucky Sires Stakes en 1:48.4 à The Red Mile.

Pour un entraîneur dont le nom est surtout lié aux trotteurs depuis une dizaine d’années, M. Daley est ravi d’avoir trouvé l’or avec cet ambleur rapide comme l’éclair, élevé dans le Kentucky par Brittany Farms.

«  Nous avons eu beaucoup de chance avec les trotteurs au fil des ans. Je n’ai jamais pensé que j’aimais plus les trotteurs que les ambleurs, c’est juste la façon dont ça s’est passé, et nous avons eu beaucoup de chance d’en trouver de bons. Nous n’avions pas vraiment eu beaucoup d’ambleur dans l’écurie au cours de la dernière décennie. Ce cheval, est le seul poulain ambleur que nous avons acheté cette année-là. Nous avons juste acheté le bon. Un de mes propriétaires m’a appelé et m’a demandé si je pouvais aller jeter un coup d’oeil à un cheval en particulier à la vente... alors je suis allé voir, et j’ai vraiment aimé ce cheval. Il n’est pas très grand, mais c’est un beau cheval. Je me suis dit que c’était l’un des chevaux Downbytheseaside les mieux élevés, alors je suis allé voir quelques-uns des autres chevaux qu’il avait produits, pour voir à quoi ils ressemblaient. »

Convaincu qu’il était sur la bonne voie de recruter un talent à fort potentiel, Daley s’est mis à travailler par téléphone.

« Après cela, la première pensée a été, ‘Maintenant je dois trouver des propriétaires qui veulent l’acheter’. J’ai sauté sur le téléphone avec Joe Sbrocco. Lui et moi avons eu des chevaux ensemble, pas en grand nombre, par intermittence au fil des ans. Je lui ai dit qu’il y avait un Downbytheseaside qui me plaisait et je lui ai demandé s’il en voulait un morceau. Il a dit qu’il en avait déjà cinq, mais qu’il me rappellerait. Environ une demi-heure plus tard, il m’a rappelé et m’a dit qu’il prendrait un quart et qu’il avait un autre propriétaire qui prendrait un quart. Lorsqu’il a demandé combien il apporterait, je lui ai dit que ce serait probablement autour de 75 000 $. Il a accepté d’aller jusqu’à 80 000 dollars, et je l’ai acheté pour 85 000 dollars. Joe m’a appelé et m’a dit : « Alors, je suppose que nous ne l’avons pas eu ». Je lui ai dit que nous l’avions eu, et tout le monde était d’accord avec ça. »

Surtout maintenant, on comprend pourquoi le groupe - Sbrocco, Patricia Stable, Country Club Acres Inc. et Laexpressfoderadeovolente - le serait.

Daley et compagnie, ainsi que plusieurs autres, ont été impressionnés par Pebble Beach dès le début.

« Quand vous les entraînez, vous ne savez pas toujours ce que vous avez. Nous n’avions pas eu beaucoup d’ambleurs, mais je n’ai cessé de dire aux propriétaires que je pensais qu’il était bon, mais je ne sais pas. Qu’il puisse aller à :50 ou :48, il y a une grande différence.... il se trouve qu’il peut aller à :48. Mais on ne sait pas s’il le fera. Il a une bonne rotation de sa vitesse, c’est son truc. Dès la première fois que nous l’avons qualifié à notre ferme, vous pouviez le voir... il est parti en dernier et a fait un mouvement. Je me suis dit, ‘Wow...’ Le téléphone a sonné dès la première fois que nous l’avons qualifié. Il a toujours, toujours montré qu’il était un bon cheval. Il sait que c’est un poulain, mais il n’est pas méchant. Il peut être un peu bruyant quand vous marchez dans l’écurie, mais il est très intelligent. C’est un petit cheval, mais il est très correct. Il est beau, se tient droit et a toujours eu ce tour de vitesse. »

Cette vitesse fulgurante a été pleinement démontrée, chaque fois que son conducteur en a eu besoin, le 18 juin à Woodbine Mohawk Park, lorsque Pebble Beach, avec Todd McCarthy aux commandes, a remporté la 39e édition de la classique d’un million de dollars pour poulains et hongres ambleur de trois ans.

« Il a montré qu’il avait un peu de polyvalence - il peut le faire devant ou derrière. Il est très rapide. C’est probablement notre plus grande victoire. Mr Muscleman a gagné une course d’un million de dollars [la Canadian Trotting Classic de 1,3 million de dollars en 2003] ici. C’est bien d’avoir un ambleur [pour le faire]. Je n’ai jamais gagné une grande course avec un tel ambleur. »

Il y a cependant un regret de la part de Daley en ce qui concerne Pebble Beach.

« Nous avons acheté un poulain ambleur et il semble que nous ayons acheté le bon. Je ne possède pas une part de ce poulain, ce qui est un peu regrettable car je possède généralement une part de ceux que j’entraîne, mais je suis tellement heureux de faire partie de l’équipe. Les propriétaires sont un groupe de gars formidables. »

Et le convivial Daley, qui a maintenant 60 ans, ne pense pas encore à la retraite.

Pour l’instant, il va continuer à faire ce qu’il aime, soit un travail qui n’en a jamais vraiment eu l’air.

« J’ai eu un bon parcours et j’aime ce que je fais. Peu de gens ont l’occasion de faire ça, de gagner leur vie en faisant ce qu’ils aiment.  C’est plutôt cool. Je suis une version beaucoup plus petite maintenant [taille de l’écurie]. J’en ai une trentaine. Lors de la dernière vente, je me suis retrouvé avec plus de bébés que je ne le pensais. Nous avons fini dans les 40  au début de l’année. À cet âge, ce chiffre est un peu trop élevé. Je suis content d’avoir un chiffre dans les 30. C’est suffisant pour moi. »

Lorsqu’il n’est pas avec les chevaux, Daley passe la grande majorité de son temps loin de l’hippodrome avec son fils Max, âgé de neuf ans. Père et fils étaient également ensemble au Woodbine Mohawk Park pour voir Pebble Beach remporter la Coupe.

« Il me garde assez occupé. Il joue au soccer, au football et pratique la boxe aussi. J’ai beaucoup de chance, c’est un très bon garçon. Nous avons une vie plutôt agréable. » 

C’est une vie qui ne faisait pas nécessairement partie du plan de match initial, mais qui s’est avérée bien meilleure que ce que Daley aurait pu imaginer.

 Il est ému d’avoir été aux premières loges pour assister à tout cela.

Peut-être, à la réflexion, que Daley n’est pas le type « plutôt ennuyeux » comme il s’est un jour proclamé. 

« J’ai eu une bonne vie et n’ai aucun regret. Parfois, vous trébuchez sur certaines choses, puis elles se règlent. »

Cet article a été publié dans le numéro de juillet de TROT Magazine.

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