Une « Vie exceptionnelle »

En décembre, à l’âge de 84 ans, le propriétaire-éleveur de longue date, Keith Coulter, a découvert que sa trotteuse étoile de deux ans, ’Imextraspecial’,

avait été mise en nomination pour l’obtention d’un O’Brien Award, et qu’il était maintenant en lice pour se mériter ce qui s’avérerait sa toute première récompense. La pouliche n’est que l’un des deux chevaux composant l’écurie de Coulter, en compagnie de la poulinière retraitée depuis 21 ans, Independent Woman. Par Keith McCalmont / Traduction Louise Rioux

Petit univers – les deux poulinières portent un nom commençant par la lettre ‘I’. L’une détient le Record Canadien pour une trotteuse de deux ans sur une piste d’un demi-mille (2:00.1 à Flamboro en 2002), et l’autre, une Muscle Mass baie, est la détentrice actuelle du Record Canadien pour les poulinières trotteuses de deux ans sur piste d’un demi-mille (1:57.3 à Grand River en 2020.)

Imextraspecial a souligné le retour de Coulter au sport des courses, après une brève pause, en enregistrant un record de cinq victoires et deux deuxièmes places en 10 départs, et des gains en bourses de 223 128 $.

La mise en candidature pour l’O’Brien est le fruit de décennies de persévérance de la part de Coulter, qui a grandi à Toronto à la toute fin de La Grande Dépression.

L’aîné de cinq enfants, Coulter est né en 1936, alors que les voitures à chevaux constituaient l’énergie des voitures de livraison efficaces utilisées par Amazon; l’essence coûtait $0,10 le gallon; et la Ville de Toronto, dont les bien-aimés Maple Leafs avaient perdu en trois parties aux mains des Red Wings de Détroit lors des finales de la Coupe Stanley, atteignait une population de 645 000 âmes.

Il habitait une maison sur l’Avenue Wallace, près de Lansdowne, où il n’y avait pas d’eau courante, et qui ne contenait aucun des produits luxueux sur lesquels nous pouvons compter aujourd’hui, telle la plomberie intérieure. Le Canada allait entrer dans la 2e Guerre mondiale en septembre 1939 et Coulter a grandi très vite, les nations se regroupant pour se joindre à la lutte pour la liberté et les idéaux de notre civilisa-tion occidentale. C’est durant cette période tumultueuse que Coulter est tombé amoureux pour la première fois.

« Ayant grandi durant la guerre, presque tout était livré à cheval et charrette, y compris le lait, le pain et le charbon. Je suis tombé en amour avec les chevaux, » de dire Coulter.

Sa fille, Cheryl Coulter-Preziuso, avec laquelle il allait éventuellement diriger Coventry Lane Farm à Mono, Ontario, dit que même des années plus tard, son père se remémore encore affectueusement les chevaux de travail de son enfance.

« Il parlait toujours de son premier amour, une jument de livraison appelée Diane, » se rappelle Coulter-Preziuso en riant. « Il dit qu’il aimait les regarder et qu’il était naturellement attiré par eux. »

Durant sa jeunesse, Coulter obtint un boulot d’aide à un boulanger pour ses livraisons du samedi, ce qui s’avéra son premier travail d’une longue liste de boulots le conduisant vers ses rêves qu’un jour, il aurait sa propre ferme de chevaux.

« Le voisinage dans lequel je vivais ressemblait à un village. Il me semblait que tout le monde se connaissait, » dit Coulter. « Mais la livraison à cheval disparut au début des années ’50. »

Coulter a aussi satisfait sa soif d’être auprès des chevaux en regardant l’entraînement matinal des samedis matins à l’ancien Dufferin Park Racetrack, aussi connu sous ‘Little Saratoga’, qui présentait tout autant les courses de Standardbred que de Thoroughbred sur un site où est maintenant localisé le Dufferin Mall.

Bien qu’ayant grandi dans une famille peu fortunée, Coulter était riche en idées et avait une éthique de travail à l’avenant. Après avoir ac-cepté un poste chez un concessionnaire automobile d’Etobicoke, Coulter a gravi les échelons et engrangé autant d’argent qu’il le pouvait. Avec le temps, il a épousé sa défunte épouse, Lynn, avec qui il a eu deux filles – Cheryl et Kim.

Finalement, il allait ouvrir la concession Colony Lincoln Mercury à Brampton, Ontario, qui devint plus tard, la Colony Ford Lincoln.

« J’étais fasciné par les voitures, et je voulais avoir ma propre entreprise, » d’expliquer Coulter.

Chef de file dans sa communauté, Coulter servit à titre de président de la Brampton Board of Trade en 1983-1984 et il en a été fait membre à vie. En 2000, grâce au succès de sa concession, il a réalisé un rêve d’enfant qu’il a mis six décennies à réaliser, lorsqu’il a construit Coventry Lane Farm de toutes pièces sur un emplacement de 47 acres près d’Orangeville.

Située au bout d’une longue allée incurvée au haut d’une colline, Coventry Lane Farm comprenait une grande maison ainsi qu’une toute nouvelle écurie équipée d’un espace intérieur.

« De la façon dont mon père a grandi, il ne pouvait pas compter sur un héritage pour réaliser cela, » dit Coulter-Preziuso. « Il a travaillé fort pour atteindre son rêve d’avoir une ferme de chevaux et, il a très bien réussi grâce à de longues et spectaculaires vues imprenables tout autour d’eux sur une colline. »

Pas mal pour un enfant de l’ère de la Dépression ayant déjà eu à nettoyer les toilettes extérieures familiales.

« Il était l’aîné de cinq enfants et il m’a dit qu’il s’était juré qu’il ne vivrait jamais plus de cette manière, » dit Coulter-Preziuso.

* * * *

Amateur à vie de courses de Thoroughbred, Coulter a établi Coventry Lane Farm dans les années 1980, après avoir été initié aux joies des courses de Standardbred par des associés d’affaires de la communauté locale.

« Nous connaissions Charlie et Lenore Armstrong, » dit Coulter, de la famille derrière les légendaires Armbro Farms. « Grâce à eux, noua avons connu Glen et Pat Brown. J’ai dit à Glen que j’avais besoin d’un conseiller. Il m’a référé à Earl Lennox, qui me référa à Dave Stuart, qui est devenu notre conseiller à long terme. »

John Burns devint l’entraîneur à l’écurie avec Tim Twaddle comme conducteur , au cours des jours précédant Coventry Lane, et sans ferme réellement établie à ce moment-là, Coulter logea son groupe naissant de chevaux chez son plus jeune frère Dave et son épouse, Judy.

« L’un des tout premiers vraiment bons chevaux que nous ayons eus, fut Pure Yankee, une fille de bon croisement de Speedy Crown, de la famille de Fresh Yankee, » se rappelle Coulter-Preziuso, qui a travaillé à titre de gérante de la ferme à Coventry Lane. « Ce fut son premier grand pas avant d’acheter cette poulinière d’un an. Il a eu beaucoup de plaisir avec elle et l’a gardée comme poulinière, Elle a donné Treasure Hunt (gagnante de 497 000 $) mais malheureusement, nous l’avons perdue (la poulinière) tôt dans sa carrière de reproductrice. »

Rapide analyste de pedigree, Coulter acheta Independent Woman, qui faisait campagne avec Ross et Wayne Henry, à la fin de sa deuxième saison à la vente d’Harrisburg. Issue de Royal Strength et de la poulinière Meadow Road, Witsends Robin, Independent Woman gagna au-delà de 200 000 $ sur des gains d’une prolifique carrière de 248,972 $ en deux ans.

« Elle avait terminé sa carrière en course et je lui ai jeté un coup d’œil et suis tombé en amour avec elle, » se rappelle Coulter-Preziuso. « J’avais également appris à aimer étudier les pédigrés et nous aimions la famille. Elle était forte et bien connue. C’était une bonne deux ans et elle n’avait pas connu une très bonne troisième année, mais nous l’avons examinée lors de la vente et elle était un individu remarquable. »

La même journée, ils ont acheté Independent Woman, et Coulter acheta aussi une deuxième poulinière du nom de Divorcethatman.

« Vous auriez dû voir l’humour dans cela! » dit un Coulter plaisantant.

Même si Independent Woman a produit quelques yearlings bien considérés, aucun d’entre eux n’a aussi bien performé que leur mère en piste.

« Pourquoi cela n’est pas arrivé, demeure un mystère, mais elle n’en n’a reproduit aucun d’aussi bon qu’elle, » dit Coulter-Preziuso. « Nous avons obtenu quelques bons prix pour quelques-uns de ses rejetons et nous avons vendu son dernier poulain pour plus de 70 000 $. Nous fondions de grands espoirs pour elle. »

Mais en cours de route, il y a bien eu un certain nombre de succès.

« L’une des poulinières que nous possédions était Royal Lindy, qui est la grand-mère de Chapter Seven, » de se rappeler Coulter. « Une au-tre de nos poulinières était Fashionable Liv, qui est la grand-mère de Fashion Frenzie. »

Coulter attribue son succès sur sa recherche de fortes lignées familiales au fait de s’entourer de bons hommes de chevaux ainsi qu’à une aptitude naturelle pour les statistiques.

« J’ai eu de bons enseignants, » dit Coulter. « J’essaie d’avoir l’esprit ouvert en ce qui concerne les lignées familiales, dans la limite du rai-sonnable. Je suis plutôt intéressé au côté maternel. Le côté du reproducteur devient en quelque sorte évident. J’ai un penchant pour la lec-ture et l’analyse des statistiques, que ce soit pour les autos ou les pages du catalogue standardbred. »

La ferme atteindrait 23 chevaux avec Coventry Lane faisant affaire aux ventes en Ontario, au Kentucky et la Pennsylvanie.

Toutefois, en 2012, Coulter décida qu’il était temps de mettre fin aux opérations et fit en sorte de vendre toutes les poulinières, en gesta-tion, à la Black Book Sale de Harrisburg.

« L’âge et l’évolution, et ce n’est pas un secteur facile, » dit Coulter au sujet de sa difficile décision.

Independent Woman, la favorite de la famille, n’a pas été fécondée et est restée derrière.

« Nous l’avons plus tard mise en pension, ainsi que ses poulains subséquents, à la ferme de John McKnight durant quelque deux années, » de dire Coulter. « Le dernier yearlng que nous avons vendu d’elle à l’encan de 2015 (une pouliche de Kadabra) était l’une des trois meilleures de la vente, toutes consignées par Northfields. »

Très récemment, Coventry Lane Farm a aussi été vendue, mettant fin à une filière de standardbred de bonnes lignées, et Coulter a depuis, emménagé dans la maison de ferme adjacente à celle de Preziuso.

Independent Woman, dont les derniers rejetons ont été vendus privément tel un weanling en 2016, a été retirée de l’élevage et réside maintenant sur la propriété de Coulter-Preziuso avec sa poulinière au sang chaud, retraitée, comme compagne.

* * * *

Quand vous êtes né avec une éthique de travail telle celle de Coulter, la retraite ne s’impose pas facilement.

Il a continue de travailler chez son concessionnaire jusqu’à il y a un an, lorsque l’entreprise fut vendue.

« Il y allait trois jours par semaine, du mardi au jeudi, » dit Coulter-Preziuso. » Il partait à 6 h 30 le matin et il aimait sortir pour les repas. S’il pouvait encore faire selon son bon vouloir, il le ferait encore. Il y avait son bureau et bon nombre de ses livres. De plus, il le faisait depuis 1970, alors c’est difficile de changer cela. Mon père a une extraordinaire éthique de travail. Il est très brillant et bon avec les chiffres. »

Durant ses années plus actives, Coulter aimait pratiquer l’équitation avec sa défunte épouse, Lynn.

« Elle aimait beaucoup les chevaux et était d’un grand soutien dans le développement de la ferme et de la propriété, » dit Coulter-Preziuso.

Après le décès de Lynn des suites d’un cancer en 2017, ainsi que la baisse d’implication de Coulter dans l’entreprise de l’automobile, Coul-ter-Preziuso dit que son père est devenu anxieux. Au début de l’année 2019, il l’a informée qu’il aimerait avoir une trotteuse pour courser et faire appel à Larry et Raymonde Walker, qui avaient entraîné un assez grand nombre de chevaux pour la famille au fil des ans.

« C’était une autre raison de se lever le matin, nous avons donc pris un repas avec Larry et Raymonde, » se rappelle Coulter. « Larry faisait de moins en moins d’affaires, mais il était heureux de devenir notre agent et nous aider avec l’achat. Larry fit la sélection et nous nous sommes retrouvés avec Imextraspecial. »

Issu de la poulinière Angus Hall I Am Special, Imextraspecial, le marteau de l’encanteur est tombé à 95 000 $ en octobre 2019 à la London Selected Sale.

« Larry connaissait la poulinière, » se rappelle Coulter. « Hannelore Hanover (3,3 M $) s’est démarqué sur la page ‘Special’s’, avec d’autres, mais Larry savait très bien que sa sœur propre, Susies Lady, commençait à s’épanouir. Susie’s Lady avait aussi connu une bonne année 2020, gagnant 139 711 $ en 15 départs.) »

Le retour de Coulter au sport des course, impliquait de poser un ressort aux souliers de Coulter.

« Il s’y est immédiatement replongé. C’était une belle journée, » dit Coulter-Preziuso. « Nous n’étions pas allés à l’encan depuis longtemps et ce fut comme quand les choses étaient encore normales dans le monde. Larry avait pré-visualisé des chevaux aux fermes, et avait vu ‘Spe-cial’, et l’avait aimée. Nous sommes allés à l’encan et nous l’avons aussi aimée. Nous avions planifié de passer deux jours à London, mais elle passait tôt dans la vente et nous n’avions pas de projet de rechange, alors une fois le tout réglé, c’était terminé. Il était temps de rentrer à la maison. »

Le frère de Larry, Paul Walker, assumait les tâches d’entraînement d’Imextraspecial et Trevor Henry, était chargé du plus gros des conduites.

La pouliche a été photographiée lors de son premier départ à vie, en juillet, à Woodbine Mohawk Park, lors d’un événement OSS Grassroots, puis lors de son deuxième départ, qu’elle gagna aussi pour un résultat de deux en deux lors d’un autre événement Grassroots à Grand River. Elle a terminé deuxième lors d’une éliminatoire Balanced Image versus les gars à Hanover mais choisit de laisser tomber la finale pour un événement OSS Gold à Grand River, et elle a fait la démonstration qu’elle pouvait être à la hauteur de son nom dans cette course lorsqu’elle a couru vers une victoire facile établissant un nouveau Record Canadien de 1:57.3

Après des quatrièmes places lors du Champlain et la finale Peaceful Way (partie de la 10e position), prise en sandwich en deuxième place dans sa course éliminatoire Peaceful Way, Imextraspecial a gagné deux autres événements OSS Gold avant de terminer son année en cassant lors de « l’even money favourite » lors de l’OSS Super Final à Mohawk Park.

Bien que n’ayant pas pu la voir gagner en personne pendant une année pas comme les autres, avec la pandémie de la COVID-19, la famille aimait encourager leur précieuse poulinière à la maison.

« Nous avons même aimé la voir se qualifier, » dit Coulter-Preziuso en riant. « Elle a été bonne dès le départ. Nous étions optimistes, mais on ne sait jamais jusqu’au moment où vous commencez à tester les eaux, et elle a répondu au test.

« Je pense que cela a fait sourire mon père et qu’il a beaucoup aimé ce qu’il a vu, » a-t-elle ajouté. « Il n’est pas une personne démonstra-tive. Il est plutôt stoïque et non démonstratif. Si vous lui voyez un sourire au visage, c’est qu’il est vraiment heureux à ce moment. »

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Alors, que fera Coulter en rappel?

« Il envisage en acheter un autre, » dit Coulter-Preziuso. « Éventuellement, il pourrait aussi accoupler ‘Special’. La longue partie n’est pas très attrayante à 84 ans, mais il aime l’élevage et il y a un peu de ca, ‘hmmm,’ qui s’en vient.

« Il aime avoir des chevaux de course mais il aime les statistiques et lire et étudier les pedigrees, » continue-t-elle. « À ce jour, il lit le cata-logue pour voir quelles poulinières il achèterait. Les pedigres sont sa vraie passion. C’est un étudiant des pedigres des trotteurs »

À travers les décennies de courses à titre de propriétaire-éleveur, Coulter fait remarquer qu’il a vu de nombreux changements – bons et mauvais – ayant eu des impacts sur le sport.

« Le taux des records de vitesse a diminué de façon incroyable, » dit Coulter. « Je n’ai pas l’impression que les livres sur les énormes étalons ont été une bonne chose, et peut-être que cette question devrait être revisitée. Trop de concentration sur le pool génétique.

« Les programmes disponibles pour les éleveurs ontariens sont une bonne chose, et j’espère voir cela se poursuivre, » ajoute-t-il. «La pos-sibilité de voir des productions de télévision/internet à la maison des pistes d’Ontario, est aussi une bonne chose, et ce fut très important cette année. »

Avec une riche expérience en courses et en affaires, Coulter a quelques mots de sagesse à l’intention de ceux qui espèrent voir progresser le sport des courses de chevaux.

« Poursuivez les efforts pour garder les jeunes gens impliqués et maintenez les efforts pour éliminer les tricheurs, » dit Coulter. « Obtenez les meilleurs conseils des meilleures personnes et aussi, faites vos propres études et recherches. Respectez les chevaux. »

Autodidacte, Coulter prend une approche humble par rapport à son propre succès et ses bonnes expériences en courses.

« Les bonnes personnes mènent vers les bons chevaux, » dit Coulter. « Et il y a beaucoup de bonnes personnes dans l’industrie du stand-ardbred. »

Et plusieurs années après être tombé en amour avec un cheval de livraison du nom de Diane, comment une bonne personne comme Coul-ter peut-il se sentir en voyant sa poulinière «Special’ nommée finaliste pour un O’Brien Award?

« Incroyable, » s’exclame-t-il. « Il n’y a pas mieux que ca! »

Cet article a été publié dans le numéro de fevrier de TROT Magazine.
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