Trente ans après sa retraite des courses de chevaux, un nouvel effort vise à faire reconnaître
« The Pacing Machine » par le Panthéon des sports canadiens.
Story by Chris Lomon / Traduction Louise Rioux
Son impact sur le paysage sportif canadien est indéniable. Ses accomplissements, beaucoup trop nombreux pour les documenter tous, rivalisent avec ceux d’un athlète prolifique. Mais, pour tous ses triomphes, ses performances de haut niveau et l’adulation légitime lui revenant de plein droit, il manque encore au palmarès de Cam Fella, une place des plus méritées au Panthéon des sports canadiens.
Comparant ses exploits à ceux d’un joueur de hockey, il serait un Wayne Gretzky. À une légende du basketball, un Michael Jordan. Au football? Pensez à Walter Payton. Au baseball? Babe Ruth.
Dans le monde équin, Cam Fella est l’équivalent standardbred du plus grand thoroughbred du Canada, Northern Dancer, gagnant de multiples courses ‘stake’, y compris un triomphe des plus salués lors du Derby du Kentucky de 1964, et reproducteur d’innombrables champions.
À ce jour, seuls deux chevaux ont été intronisés au Panthéon des sports canadiens, Northern Dancer nommé précédemment, ainsi que le champion du monde en sauts de spectacle, Big Ben.
Le 15 janvier dernier, le nom de Cam Fella a officiellement été soumis au comité des candidatures par Standardbred Canada afin d’être admis au panthéon des sports.
Reconnu comme la « Pacing Machine, » Cam Fella s’est emparé des projecteurs des courses sous harnais au cours des années 1980.
Cela fait près de 35 ans que l’entraîneur, Doug Arthur, a acheté le fils bai de Most Happy Fella pour la somme de 19 000 $, à l’encan Tattersalls Sales de Lexington, au Kentucky.
Cam Fella n’avait pas les attributs physiques d’un performeur étoile, il était un cheval d’apparence ordinaire, qui s’est révélé tout autre.
Mais sa campagne de deux ans ne laissait certainement pas entrevoir un quelconque vedettariat. Cam Fella allait gagner trois de ses 11 départs lors de sa première saison. Ce fut un triomphe lors des Valedictory Series au Greenwood Racetrack, pourtant, il accrocha l’oeil de Norm Clements et Norm Faulkner.
Leur offre? 140 000 $US.
Cela devait se révéler de l’argent bien dépensé.
« Ce n’était ni le plus gros ni le cheval le plus tape-à-l’œil, mais dès les premiers instants où vous vous en approchiez, vous pouviez détecter qu’il était spécial, » se rappelle Clements. « Il avait le désir et du cœur. » foulée et d’autres ont suivi. Il a gagné 58 courses en 69 départs, puis en 1982 et 1983, il a été choisi le Cheval de l’année au Canada ainsi qu’aux États-Unis. À l’âge de trois ans, il gagna plusieurs courses de haut niveau, y compris la Queen City Pace, maintenant connue sous le nom de la Pepsi North America Cup. À quatre ans, il n’avait rien perdu de sa foulée, visitant le cercle du vainqueur à 30 reprises en 36 départs.
« Il a changé la face des courses de chevaux tant au Canada qu’aux États-Unis, » dit son entraîneur et conducteur, Pat Crowe. « Il attirait de grandes foules partout où il courait. Les gens l’aimaient, tout simplement. »
Quand sa carrière prit fin en 1984, une carrière qui a fait tourner les têtes pour ses 28 victoires consécutives et des gains de plus de 2 M $, ‘Cam’ prit sa retraite en tant qu’ambleur le plus riche de l’histoire.
Pour donner une perspective sportive de ses 28 victoires en ligne : le légendaire boxeur Joe Louis, a défendu son titre des poids lourds à 25 reprises; le non moins légendaire tennisman Roger Federer a participé à 23 demi-finales consécutives ou mieux du Grand Slam; Barry Sanders, le running back, membre du Temple de la renommée, a connu 14 parties consécutives en NFL de plus de 100 records de verges au sol ou plus.
Certes, Cam Fella débordait de talent en course. Mais, comme l’écrivait Dave Perkins, dans ses articles sur les sports qui lui ont valu plusieurs prix pour ses articles, il faisait ce qu’il devait faire pour gagner, et habituellement, sans aller au-delà de ce qu’il était nécessaire.
Perkins a écrit dans le Toronto Star : « Il était sur sa propre planète de compétition, reconnu pour aller aussi vite que nécessaire, mais le faisant absolument. Il a gagné face à face, regardant la compétition droit dans les yeux et ne la laissant pas passer. »
Beverley Smith, gagnante aussi de prix pour ses articles, a couvert Cam Fella dans le The Globe & Mail et autres publications.
« Il était d’une espèce rare, » de dire Smith. « La course mémorable qui me revient en mémoire fut celle du 1983 Summer Championship alors qu’il se mesurait à Its Fritz. Un cheval très, très rapide. Lors de ce championnat, Its Fritz a doublé Cam Fella dans le tournant final, prenant les devants par trois longueurs, ressemblant à un éventuel gagnant. Mais dans le dernier 16e de mille, Cam Fella est revenu par l’extérieur et l’exténua pour le défaire facilement, en fait. Il avait l’air d’être battu, mais c’était un cheval qui n’abandonnait jamais. C’était une course mémorable pour des années à venir. Elle m’était tout aussi comparable qu’à la victoire de Northern Dancer lors du Kentucky Derby. Un animal génial.
« J’aimais la bête, » continua-t-elle. « Quand il est revenu pour un tour, et qu’il est entré en piste, il était en magnifique forme et la tête haute, comme s’il voulait encore courir. C’est le style de cheval qui vous procure des frissons en même temps qu’il vous réchauffe le cœur. J’ai toujours en ma possession une plaque faite je crois de bois Douglas, bois utilisé les rénovations de l’intérieur de l’écurie Clements – et cette plaque contient l’un des fers de Cam Fella. C’est une possession très précieuse. Le sien est le seul que j’ai et je ne m’en séparerai jamais. »
Et encore, l’influence et l’impact de Cam Fella sur le sport se sont élargis et de loin, de ce qu’il a accompli en piste.
Il est devenu l’un des plus grands reproducteurs de l’histoire du sport. Il a produit des champions et des gagnants dans les sept chiffres, y compris les poids lourds de l’attelage tel Eternal Camnation, Presidential Ball, Cams Card Shark, Precious Bunny, Jennas Beach Boy et Camluck.
À la fin de ses services de reproducteur, le cancer l’ayant forcé à être châtré, Cam Fella, intronisé au Temple de la renommée canadien des chevaux de course en 1986, (il est aussi membre de l’U.S. Harness Racing Hall of Fame à Goshen, New York), prit la route en compagnie de Crowe, pour faire une tournée des principaux hippodromes ainsi que des petits circuits de ville d’Amérique du Nord, afin de lever des fonds pour les œuvres de bienfaisance.
Il n’y avait plus de sulky, ni d’appel à la position de départ, ni rivaux à défaire. Mais cela n’avait pas d’importance. Il restait toujours une star, attirant des grandes foules qui l’appréciaient à chacun de ses arrêts. « Il était vraiment le cheval du peuple, mentionne Clements, en référence à un autre surnom de Fella. « Il touchait tellement de gens. Même ceux et celles qui n’étaient pas des amateurs de course, connaissaient Cam Fella. Je me souviens de ces fois où nous recevions au moins cent appels téléphoniques s’informant de l’endroit de sa prochaine course. Pendant sa tournée, il fallait voir son interaction avec lui et les fans. S’il y avait une personne âgée, ou quelqu’un en fauteuil roulant, il se penchait lentement la tête pour qu’elle puisse le toucher. Il a été un très bon atout pour le sport. »
Si grand et si populaire, en fait, que Clements estime avoir distribué au moins 20 000 épinglettes à l’effigie de Cam Fella au cours des ans. Il a joué dans son propre film, a fait l’objet d’une chanson folklorique et il est celui derrière le Cam Fella Express, l’autobus qui transportait les amis et employés des propriétaires de Cam Fella qui allaient là où le cheval était en compétition. « Mon meilleur souvenir de Cam Fella fut quand je conduisais l’Express, » se rappelle Smith. « C’était un pur plaisir. Chacun sautait dans l’autobus, les employés, amis, et autres. Norm Faulkner jouait de la guitare et chacun circulait en chantant avec lui. Norm Clements était ce merveilleux propriétaire d’équipement sportif qui connaissait la mise en marché. Vendre et s’amuser. Les départements de publicité des pistes n’avaient rien à faire. Les deux Normand le faisaient pour eux. Les pistes réclamaient à cor et à cri que Cam Fella y aille et course chez elles. Il emmenait avec lui les foules. »
Cam Fella est décédé le 9 mai 2001, à l’âge de 22 ans, ayant dû être euthanasié après sa lutte contre le cancer.
« Il était tout simplement un grand dans tous les aspects, » selon l’éloge de Crowe. « Quand je marchais dans l’écurie, il savait que c’était moi. Nous avions ce lien. Mais nous avions aussi nos divergences. À l’âge de trois ans, il aimait mener à la baguette son palefrenier. Nous avons donc eu à lui faire perdre cette attitude. Et nous avons réussi. Mais, il avait un si grand cœur. On pense toujours à lui. » Crowe est loin d’être le seul qui n’ait pas oublié le cheval, reproducteur de 1002 rejetons dont la progéniture a accumulé 106,9 M $, et 16 gagnants d’au moins 1 M $.
Standardbred Canada a mis sur pied « la Cam Fella Award, » pour souligner le dévouement envers l’industrie canadienne des courses sous harnais d’un individu ou groupe d’individus. »
Près de l’endroit où se trouvait jadis Greenwood Racetrack , à l’est de Toronto, et par une courte marche vers le lac Ontario, vous trouverez la Cam Fella Lane, une rue près de Ashbridges Bay. Il y a également un boulevard Cam Fella à Whitchurch-Stouffville, à environ 40 minutes au nord de Toronto.
Pour ceux qui le connaissent le mieux, les reconnaissances sont de précieux souvenirs d’un cheval iconique.
« Même aujourd’hui, les gens connaissent encore son nom, » dit Clements.
Un nom, croit-il, ainsi que plusieurs autres le font, qui devrait être admis au Panthéon des sports du Canada.
« Il a tant fait et beaucoup plus encore pour les équidés dans ce pays, » dit Clements. « Il le mérite. »