L’enfance de Gingras

Yannick Gingras, natif du Québec, a émergé de ses humbles débuts jusqu’au premier rang des courses sous harnais, mais ce talentueux roi des guides semble savoir qu’être un papa hockey - ou simplement un bon papa tout court - sera l’un de ses rôles les plus influents de sa vie. Et cela n’affecte en rien qu’une telle relation familiale découle d’une tradition multigénérationnelle.

By Debbie Little

Yannick Gingras a le culte du héros, et ce n’est pas un mal en soi. En effet, cela l’a bien servi pour devenir l’homme qu’il est aujourd’hui. « Mon père a définitivement été mon héros durant ma croissance, » dit-il avec un sourire. Gingras et sa sœur, Nathalie, ont grandi sur une ferme de 20 acres à Sorel, Québec, (à environ une heure au nord de Montréal), avec leur père Raymond et leur mère Monique. « J’ai adoré mon enfance. J’ai grandi sur la ferme et j’aimais cela, » dit-il aujourd’hui. « J’ai vraiment aimé cela parce que nous avions toutes sortes d’animaux. Nous avions aussi un étang à l’intérieur de la piste où nous pouvions patiner l’hiver et pêcher l’été. »

Il a tôt fait de tomber en amour avec les chevaux, ce qui lui a été facile puisqu’il pouvait aller les voir quand bon lui semblait – certes un bel avantage. « Je pouvais être à l’écurie tous les matins avant d’aller à l’école parce qu’elle était juste là et les chevaux y étaient également. »

Bien qu’une ferme soit une dure besogne, elle offre aussi des possibilités sans limites pour un jeune garçon impressionnable, et Yannick admet qu’il avait tendance à exagérer quelque peu la vérité. Mais vous vous souviendrez sans doute de ce conte au sujet du garçon qui criait au loup…

« Mon père invitait ses propriétaires à la maison pour jouer aux cartes l’après-midi et, parmi eux, il y avait ce gars qui avait une Jaguar toute neuve, » dit-il en riant. « Je suis entré dans la maison et j’ai dit ‘la chèvre est sur la Jaguar’, et leur réaction fut okay, okay’. Un peu plus tard, je reviens dans la maison et cette fois, je dis ‘elle est maintenant sur le toit!’ Alors finalement, leur réaction fut okay, peut-être devrions-nous aller voir. Ils sortent et constatent que la jeune chèvre est vraiment sur le toit de la Jaguar; alors ils ont tous commencé à crier. En descendant, elle a glissait et elle a donc endommagé la peinture; c’était un beau gâchis. » Il rit. « Et pour une de ces fois, c’était la vérité! »

Quand Yannick n’était pas à l’école (ou probablement en train de fabuler), il allait sur les hippodromes en compagnie de son père. Et il n’y avait jamais de temps mort pour ce qui est de la conversation, sinon qu’elle était à sens unique.

« Si la distance vers l’hippodrome se trouvait à deux heures de voiture, je passais ces deux heures à décrire les courses, à l’aller comme au retour. Il aurait probablement aimé me dire ‘ferme ta g……’ après deux heures. Mais c’était un flot ininterrompu. J’aimais cela. Je me faisais des scénarios, mais mon père arrivait toujours premier. »

Il se souvient, qu’à huit ou neuf ans, ils allaient à Connaught Park – où il n’avait pas l’âge d’entrer dans le paddock. Cela fâchait son père, qui, une fois, dit à un garde de sécurité que son fils serait meilleur qu’un gardien pour éviter un cheval en peur. Mais Gingras trouvait toujours le moyen de s’occuper.

« Quand j’allais avec lui à Connaught Park, où Danny Émond était l’annonceur maison, il m’amenait avec lui au deuxième étage où se trouvaient les autres annonceurs maison. Si j’allais à Montréal, j’étais avec ses propriétaires qui me laissaient gager deux dollars sur chaque course, et j’en repartais avec 20 $ en poche parce que j’avais misé 2 $ en show sur le meilleur cheval afin de mettre la main sur l’argent. J’aimais ces temps-là. C’étaient de bons moments pour chacun de nous. »

Le grand-père de Gingras, Marc, demeurait tout près et travaillait pour Raymond, mais il exploitait aussi les courses de poneys trotteurs à la piste locale située à environ trois ou quatre milles de la ferme. « Ils ne couraient pas pour de l’argent, mais c’est mon grand-père qui s’en occupait. J’avais aux environs de six ou sept ans et c’est un autre enfant qui montait mon poney… Smokey. Il était vraiment lent et courait presque tout le parcours à la clôture extérieure. Je ne me souviens pas exactement de la course, mais ils se sont amusés à mes dépens durant plusieurs années. Je ne sais pas si c’était le poney qui freinait ou si c’était moi, mais j’étais littéralement à la clôture extérieure. »

Le père de Yannick a organisé une course ‘match’ parce qu’il avait le sentiment que c’était dangereux pour son jeune fils de se trouver en piste avec quatre ou cinq autres poneys. Gingras n’avait sans doute pas les meilleures mains lors de ses débuts sur poneys, mais le garçon avec lequel il coursait avait 12 ou 13 ans, et avec l’âge, vient l’expérience, et espérons-le, un poney plus rapide. « Nous y sommes retournés quelque deux ans plus tard, et j’ai emprunté un poney de quelqu’un qui demeurait près de chez nous, et j’ai gagné, » dit-il en riant.

Gingras voulait continuer de conduire en courses de poneys mais son père n’allait pas le laisser faire; mais Gingras, toujours aussi inventif, trouva un moyen d’y participer. « Je fus annonceur de piste de 11 à 16 ans, » dit-il. « Et , comme je vieillissais, d’autres pistes pour poneys au Québec m’ont engagé pour décrire les courses, vu le peu d’annonceurs qu’il y avait. Je n’étais pas très bon, mais je n’étais pas si mal non plus, ce qui me permit de voyager et de décrire les courses. Et pendant un certain temps, vers 15 ou 16 ans, c’était mon choix de carrière. »

Mais ce métier, comme il advint, ne serait pas son unique métier.

Il a envisagé devenir enseignant – il aimait les maths, et par la suite, il obtint son diplôme en comptabilité; mais son père voulait qu’il revienne aux courses. Raymond dit à son fils qu’il lui achèterait un cheval pour courir en course amateur et même si cette course a eu lieu il y a 14 ans, Gingras s’en souvient assez bien.

« Mon père n’était pas vraiment content de moi. Le cheval était un cheval boîteux, et pour autant qu’il était meilleur qu’eux, il reste qu’il était un cheval boîteux. J’étais certain de réussir mais c’était comme s’ils venaient de partout. Après cela, nous en avons parlé. C’est alors qu’il m’a dit : « Il n’y a pas de raison de gagner par plus que nécessaire. » J’ai appris de cela, ça c’est certain. Nous en rions maintenant. C’était le bon temps. »

Mais aussi précieux qu’étaient ces temps avec son père, Gingras savait qu’il en voulait plus. Sa grande chance s’est présentée quand son ami, Jean Larouche, l’a présenté à Daniel Dubé. Les deux conducteurs sont sortis un soir, et Dubé a offert à Gingras de rester avec lui s’il voulait venir courir à Yonkers Raceway à New York.

« Je voulais courir sur le grand circuit. À un certain moment, mon père m’avait dit que si je voulais jouer grand, il me faudrait aller ailleurs.

« Je ne pense pas qu’il ait été contre l’idée à ce moment-là, et voyant ma réussite, je crois qu’il est plutôt content que je l’aie fait. Je suis certain qu’il était déçu parce que tout ce temps où nous voyagions vers l’hippodrome ensemble, et me voyant prendre de la maturité comme conducteur, je suis certain qu’il aurait aimé m’avoir là. Je sais que c’est la raison pour laquelle il a gardé la ferme parce qu’il voulait que je la reprenne. »

Gingras dit qu’il a essayé à maintes reprises de faire en sorte que son père déménage près de lui, mais il sait très bien que ce n’est pas l’affaire de tout le monde de prendre ses pénates et partir.

« Il a essayé par deux fois. Une première fois il a commencé à s’ennuyer de la maison dès son arrivée. Et il a réessayé une autre fois durant six ou huit mois, mais cela n’a pas fonctionné non plus. J’aimerais bien sûr l’avoir ici, mais je ne sais si cela arrivera un jour. »

Gingras qui est maintenant âgé de 32 ans, demeure à Allentown, au New Jersey, avec sa femme, Vicki, leur fils Jaiden, six ans, et leurs filles Addison, quatre ans, et Averi, qui est née en novembre dernier.

« Une ferme, c’est beaucoup de travail, et je n’étais pas tellement fou de cela; je n’ai plus le temps pour cela; mais quand je regarde en arrière, je pense que j’aurais dû acheter une petite portion de terrain sur une ferme pour mes enfants. Ils ont des animaux ici aussi, mais ce n’est rien comparé aux 20 acres que nous avions. »

Ses enfants ne grandissent peut-être pas sur une ferme, mais ils sont tout de même exposés aux courses sous harnais; il se souvient clairement de la première fois qu’il a amené son fils à la piste. « Il avait peut-être deux ou trois ans, et ma femme était fâchée contre moi. Mais c’est ce qu’on a fait avec moi quand j’étais enfant. Ils ne sont pas près des chevaux comme je l’ai été. Comme je n’entraîne plus de chevaux aujourd’hui, je ne suis jamais à l’écurie, mais j’ai grandi dans l’écurie – eux n’ont pas pu faire cela. Mon fils vient à la piste maintenant et il se tient autour de moi tout comme je le faisais avec mon père. »

Malgré tout le temps qu’il passe avec son fils à la piste, cela n’a pas convaincu Gingras que son fils devrait devenir un homme de chevaux de quatrième génération.

« Non, absolument pas. Les gens pensent que je suis fou étant donné mon succès et se demandent pourquoi je ne voudrais pas cela. Je ne vais pas les en empêcher, tout comme mon père ne m’en a pas empêché. J’ai fait ce que je voulais faire et ils feront ce qu’ils voudront. Est-ce que j’espère qu’ils se tourneront vers les courses sous harnais? Non. Je ne sais même pas si je pourrai prendre ma retraite de cela. Je ne sais pas ce qui va arriver. Alors, qu’ils poursuivent encore 20 ans après moi, qu’ils en fassent l’essai, cela va être difficile. La seconde partie, c’est qu’il n’y a pas tant de gens que cela qui vivent bien des courses. De toute évidence, je gagne bien ma vie et si je savais que mon fils pourrait être à mon niveau, alors absolument. Mais je préférerais de beaucoup qu’il devienne médecin. »

Alors que Gingras doit voyager une heure vers le nord sur le turnpike, pour courser à The Meadowlands, son père compétitionne et réussit bien à Rideau Carlton. « Il n’a jamais eu la reconnaissance qu’il mérite comme conducteur, » dit Gingras. « De nouvelles gens investissent un peu d’argent avec lui et les quatre ou cinq derniers chevaux qu’ils ont achetés ont très bien fait. Cela fait du bien de le voir connaître un peu de chance. Il a eu quelques années difficiles et cela me tue, mais comme je le disais, il fait de bonnes courses ici, et j’espère que les choses recommenceront à rouler encore. »

Gingras dit que ce que son père lui a donné est plus qu’un conseil – il lui enseigné par l’exemple. « Mon père est un bon homme de chevaux, mais il est aussi un bon travaillant. Le travail ne l’effraie pas. Je ne me plains du travail non plus. Je pense que c’est une bonne personne et je crois que je le suis aussi. J’aime mes enfants, je suis toujours autour d’eux. J’ai l’impression que parfois les gens ont des enfants simplement pour avoir des enfants ou pour faire plaisir à leur femme, ou qu’importe. J’ai eu des enfants parce que je voulais avoir des enfants et je veux passer du temps avec eux. Nous n’allons nulle part sans eux. J’ai tout retenu de lui. »

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