Boom, comme cela!

À environ six kilomètres au nord de la rue principale de la ville du Sud Ouest de l’Ontario, Tillsonburg, longeant un chemin de terre près d’une école mennonite, se trouve Ballykeel Farm, s’étendant sur neuf acres, et sur laquelle sont érigés une maison, une écurie, quelques enclos ainsi qu’un petit ovale pour jogger les chevaux. C’est ici que Boomboom Ballykeel, le récent gagnant de l’amble 2013 Metro Pace, la course des deux ans la plus riche en Amérique du Nord qui est dotée d’une bourse de 683 000 $, est né et a été élevé. Et sa victoire lors du Metro est très certainement la plus grande pour Cam McKnight, qui, avec sa femme Cynthia est l’éleveur et propriétaire du poulain.

Par Perry Lefko

Il a fallu plus de 15 minutes avant que le résultat officiel du Metro Pace soit annoncé parce que les juges voulaient revoir le déroulement de la course dans le dernier droit avant de déterminer si le conducteur de Boomboom Ballykeel, Sylvain Filion, avait pu causer de l’interférence. Après que la décision finale fut affichée, Cam se fit la remarque que tout devait être en place parfaitement pour gagner une course de cette stature. Il a appelé cela la chance – la chance de la course, en quelque sorte – mais voici un cheval qui est né avec de la chance irlandaise et par un heureux hasard.

Ballykeel Farm a ainsi été nommée par le défunt père de Cam, J.C.R., en l’honneur de la ville de Ballykeel, en Irlande du Nord, lieu de naissance de ses parents. J .C.R. a construit la propriété de Ballykeel à la fin des années ’70 et c’est ici que lui et sa femme, qui vit encore sur la propriété, ont vécu. J.C.R. a travaillé dans le domaine de l’édition à titre de propriétaire-exploitant majoritaire du Tillsonburg News. J.C.R. a rédigé à l’occasion, des articles sur les courses sous harnais, ce qui l’amena à développer une passion pour les chevaux. Par sa couverture des courses de chevaux, J.C.R. a rencontré un futur membre du Temple de renommée canadien, Cliff (Chappy) Chapman. La colorée carrière de Chappy comprend un passage à titre de dernier bookmaker légal en Ontario avant l’arrivée du pari mutuel. Chappy et J.C.R. sont devenus de bons amis et McKnight les a aidés avec les équipes de bookmakers que Chapman employaient aux foires d’automne. À leur adolescence, Cam et le fils de Chappy, Paul, maintenant maréchal-ferrant, suivaient leur père sur le circuit des foires écrivant les billets de pari et accomplissant quelques tâches pour l’équipe de bookmaking. C’était, comme le rappelle Cam, une très bonne école.

Déjà, Cam avait développé une passion pour l’industrie des courses – une passion commune avec son père, qui, au cours des années, avait possédé quelques chevaux de course, mais Cam voulait être plus pratique. Son père avait un cheval, Dick Pillon, lequel avait des problèmes de stabilité; Cam lui demanda s’il pouvait travailler avec l’étalon fougueux afin de le ramener aux courses.

« Ce cheval avait beaucoup de cœur et il a gagné son unique course pour moi, mais je n’arrivais pas à le maintenir stable, » dit Cam, assis à l’extérieur de Ballykeel, sirotant une bière quatre jours après la victoire de Boomboom Ballykeel. Si on pouvait peindre une toile, cela lui ressemblerait. L’expérience d’avoir travaillé et d’avoir conduit des chevaux, a définitivement scellé à vie l’intérêt de Cam pour les chevaux. »

Cam, qui a obtenu sa licence de conducteur à 16 ans, se rappelle du premier bon cheval qu’il a mené, un ambleur du nom de Bookie Philbrick, au début des années ’70. Il s’est frotté à des gens s’étant distingués tels que Dave Wall, la vedette du Sud Ouest de l’Ontario et l’étoile du Western Fair Raceway à London, Ray McLean et John Campbell, qui allaient devenir des conducteurs vedettes à The Meadowlands au New Jersey. Mais à la différence de ces trois meneurs, sa carrière n’a jamais débouché sur une profession.

« J’aurais aimé conduire à plein temps, mais probablement que je n’étais pas assez bon, pas assez discipliné, » dit-il. « Je pensais que j’étais bien, mais dans cette industrie, comme dans un bon nombre d’entreprises, si vous avez de la famille d’impliquée, c’est tout à votre avantage. J’étais un peu comme un outsider à cet égard. Je n’en ai aucun regret. J’ai bien aimé cela, et je dois dire que je suis assez heureux de la tournure des événements. »

Ses liens familiaux l’ont entraîné dans une autre voie et il s’est joint à son père dans l’industrie journalistique, laquelle prenait de l’expansion avec l’acquisition de propriétés à Ingersoll et Norwich. Cam a fait ses débuts dans les ventes, mais il a par la suite élargi ses fonctions en tant que reporter puis éditeur, quand il a dû déménager pour exploiter un journal à Port Colborne. Alors qu’il y vivait, sa tentative de se faire élire en politique provinciale, à 27 ans, a échoué. À son retour à Tillsonburg, neuf ans après l’avoir quittée, il a commencé à s’impliquer dans de nombreux organismes communautaires, et cet engagement a ravivé sa passion pour la politique, décidant alors, de se porter candidat à la mairie de Tillsonburg.

« Notre famille a toujours été intéressée par la chose politique et j’aimais cela, » dit-il. « Les journaux locaux aidant, on est directement impliqué dans la structure municipale. Dans plusieurs communautés, le journal local est la seule opposition au conseil et à cette époque-là, il y avait eu un peu de brouhaha sur plusieurs points. »

Il a défait le maire suppléant et un conseiller municipal avec l’appui d’une équipe de campagne des plus efficace qui, collégialement, lui avait valu une victoire avec 48 % des voies. Au fil des ans, Cam a développé un modèle qui est devenu son dicton en politique, en affaires et dans les courses de chevaux : « Je ne suis pas un génie, mais je suis assez intelligent pour admettre que je ne sais pas tout, alors j’essaie de m’entourer de gens de qualité, les responsabilisant pour ensuite rester hors de leur chemin autant que faire se peut. »

Il a bien réussi au cours de son premier mandat en tant que maire, puis il a été réélu par acclamation lors des deux autres élections, avant de se retirer de la politique à cause de l’exigence sur son horaire de même que de l’impact sur sa femme et leurs trois enfants – deux filles et un garçon – tous âgés de moins de 10 ans à ce moment-là.

« Ma famille était jeune, je voulais passer plus de temps avec eux, et la politique n’est pas une mince affaire, et elle peut prendre trop de notre temps et être très fastidieuse, » dit-il. Après le décès de son père en 1995, Cam a fini par emmener quelques chevaux sur la propriété Ballykeel. L’un des chevaux de la propriété avec lequel il a fait campagne était une trotteuse Frost On The Gate, et plus tard, son premier poulain, Ballykeel Mike, né en 2002.

« Il était le premier poulain à porter le nom de Ballykeel et il se veut un hommage à mon père, » dit Cam. Ballykeel Mike allait gagner deux courses de l’OSS (Ontario Sires Stakes) à trois ans, inscrire une marque de 1:54.2 à Mohawk à sept ans, et gagner 276 203 $. Et il poursuit toujours sa route dans des courses à réclamer en Pennsylvanie, maintenant âgé de huit ans. Le nom de Ballykeel allait continuer à être aussi chanceux qu’un trèfle à quatre feuilles, encore et encore.

En 2005, Cam s’est défait de ses intérêts financiers dans les journaux, qui comprenaient une participation minoritaire dans une douzaine de journaux. Peu de temps après il a racheté une jument poulinière, Teig N Riley, nommée des prénoms de ses deux filles, Teigan et Riley. Il avait été partenaire avec un ami, Gerry Belore, qui était propriétaire de la mère de la poulinière, Bridal Fund, et quand vint le temps de donner un nom à sa pouliche, Belore dit à Cam qu’il appellerait le cheval du nom des deux filles McKnight. Son premier rejeton, né et élevé à Ballykeel, était un poulain par Mach Three rebaptisé Mach Of Ballykeel.

Précédemment, Cam a été victime de quelques incidents au cours de sa vie prouvant sa chance irlandaise… et dans l’élevage de chevaux de course, un peu de chance ne peut nuire. Une fois, il est tombé sur des herses, mais il a pu éviter d’être blessé. À une autre occasion, il était dans une remorque à chevaux quand celle-ci s’est détachée du camion la transportant, mais le cheval est resté imperturbable.

Avec Cam comme entraîneur, Mach Of Ballykeel a connu une forte première saison, gagnant plus de 150 000 $, incluant 65 000 $ grâce à une victoire par trois longueurs de la OSS Gold Final à Flamboro Downs en août ainsi qu’une troisième place lors de la Super Final de 300 000 $ en novembre. Cam avait invité quelques amis de longue date avec lesquels il avait l’habitude d’aller au Little Brown Jug, à se joindre à lui comme partenaires minoritaires dans le cheval, créant ainsi la Mach Of Ballykeel Racing Stable pour accompagner la Ballykeep Racing stable, le nom sous lequel lui et sa femme opèrent. Après avoir entraîné le cheval durant sa première année et demie, Cam a remis les guides à Richard Moreau pour en prendre les commandes. Il avait rencontré Moreau par l’entremise du conducteur Sylvain Filion, et le trio allait connaître beaucoup de succès.

McKnight a appelé le deuxième foal de la jument, un frère propre, Boomboom Ballykeel, parce que tout ce qui est plus vite que la vitesse du son, crée un grondement qui apparaît comme un cône et qu’on classifie de mach. Jamais Il ne pouvait savoir quel genre de bang supersonique ce poulain allait créer.

Il entraîna le cheval et le conduisit lors de sa course de qualification, Filion n’étant pas disponible. Quand Boomboom Ballykeel gagna sa qualification par quatre longueurs sur la monture de Filion en 2:00.4, (le dernier quart en :28), Cam se dit qu’il détenait quelque chose de spécial. Sylvain dit à Cam après la qualification, qu’il était impressionné par le poulain de Cam, et ce dernier plaisanta en disant que la seule façon dont il pourrait peut-être avoir Sylvain comme conducteur, était de déménager le cheval dans la Moreau Stable, ce qu’il fit Cam. Filion mena le poulain 37 jours plus tard soit lors de son premier départ dans une course avec pari mutuel, finissant cinquième par moins de deux longueurs dans une OSS Gold Race à Mohawk, amblant son mille en 1:53.4.

Trevor Henry mena Boomboom Ballykeel lors de ses trois départs subséquents, tous courus sur des circuits d’un demi-mille, et le poulain gagna une course de l’OSS Grassroots ainsi que la course Consolation de la Battle of Waterloo. Filion le reprit quand Boomboom revint à Mohawk. À son départ suivant, soit le Nassagaweva Stakes, le poulain est monté de la septième position au poteau du quart, avec une cote de 55-1, terminant une seconde derrière le meneur de l’OSS, Arthur Blue Chip. Une autre deuxième position lors de sa course éliminatoire pour le Metro Pace, alors qu’il avait terminé en :27 seconde pour ne la manquer que par un cou, l’avait parfaitement préparé pour sa participation à la riche finale du Metro où Western Vintage y avait connu sa seule défaite était le favori de la course à 3-5. Alors que le favori se lança très tôt en avant dans la course pour en prendre le contrôle, Filion conserva patiemment sa troisième position. Et quand Western Vintage a soudainement démontré des signes de fatigue aux trois quarts de la course en 1:22.2, Filion a sorti son cheval de la rampe qui s’élança pour venir gagner par 2 longueurs et quart, réalisant sa meilleure marque à vie de 1:50.4.

Cam venait de gagner sa plus importante course en plus de quatre décennies passées dans l’industrie, mais il dut attendre les résultats de l’enquête des juges. Filion avait été appelé à l’enclos pour parler aux juges, tandis que le poulain se tenait dans l’enclos du cercle du vainqueur. Cam et son entourage composé de sa famille et d’amis, ne pouvaient rien faire plus que d’attendre l’affichage officiel.

« De l’angle duquel j’ai regardé la course, je n’ai rien vu qui impliquait mon cheval, » dit-il. « Cependant, après avoir visionné les reprises, je pouvais voir pourquoi les juges voulaient parler à tous les conducteurs. Quand j’ai parlé avec Sylvain dans le cercle du vainqueur, il était confiant qu’il n’y aurait pas de changement. Il dit qu’il y avait eu de l’accrochage mais il croyait que nous n’étions pas en défaut. Plus le temps passait, j’ai commencé à ressentir un peu de tension, mais ce n’était pas comme si j’avais d’abord compté gagner la course pour commencer. Ce n’était pas comme si les 300 000 $ étaient déjà dédiés pour un projet en particulier. C’était un rêve juste à l’idée de participer à la course, à plus forte raison de penser aux résultats qui pourraient en ressortir. »

Quand on lui demande s’il considérerait vendre le poulain advenant que quelqu’un lui fasse une offre, Cam dit, « Je goûte au plaisir de gagner une course importante. Je serais ravi s’il y avait une chance qu’il refasse cela quelque part en bout de ligne. C’est très coûteux de garder 15 chevaux, mes dépenses sont substantielles. Il faut être chanceux de temps en temps pour garder les loups loin de la bergerie. Dieu merci, j’ai réussi à séparer affaires et plaisir. J’ai perdu de l’argent dans cette industrie durant les dernières années, mais je ne suis pas certain que ce soit suffisant pour m’encourager à vendre ce poulain, à moins qu’on m’offre un prix scandaleux. Des victoires comme celle-ci facilite très certainement le choix de dire non. »

« Tout comme tant de gens dans l’industrie, on est toujours un éternel optimiste même quand tout est en flammes, » ajoute-t-il en sirotant une autre bière, alors qu’un groupe d’enfants mennonites pieds nus passent près de Ballykeel après une journée à l’école. « Si vous n’êtes pas optimiste, mieux vaut ne pas vous impliquer dans l’industrie des courses de chevaux pour commencer. Ai-je déjà entrevu la possibilité qu’il gagne une telle course? Non, mais quelques jours précédant la course, un ami m’a demandé si dans l’hypothèse que quelqu’un me fasse une offre substantielle pour le cheval – comme 200 000 $ - est-ce que j’accepterais de le vendre, et je lui ai répondu ‘non’. Une semaine plus tard, nous avons gagné la course la plus prestigieuse en Amérique du Nord pour les deux ans, j’ai reçu le chèque qui l’accompagne et j’ai encore le cheval. »

Voilà, c’est cela être chanceux!

RÉFLEXIONS!

En parlant en tant qu’ancien homme politique municipal à l’actuelle Première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, Cam McKnight lui dirait qu’elle doit immédiatement modifier le système de loterie actuel afin d’empêcher que l’industrie des courses de chevaux ne s’évanouisse dans l’espace.

McKnight, qui a complété trois mandats à la mairie de Tillsonburg, dit que Wynne doit élargir les critères du Panel de transition du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales (OMAFRA), créé afin de travailler de concert avec l’industrie des courses, suite à l’abolition controversée à la fin de mars, du programme ‘Slots At Racetracks’ (SARP). Introduit en 1998, le SARP a généré des milliards de dollars en recettes tant pour l’industrie des courses que pour la province, mais le précédent premier ministre et son ministre des finances, ont jugé qu’il s’agissait de subventions aux 17 hippodromes et aux quelque 60 000 emplois directs et indirects de l’industrie.

« Si six ou sept usines de fabrication d’automobiles fermaient en jetant 10 000 employés sur le pavé, le gouvernement aurait – en fait, il a – des subventions qui volent dans toutes les directions pour sauver ces emplois, » dit McKnight. « Il y a eu 10 000 emplois perdus dans l’industrie des courses, et à peine y ont-ils jeté un coup d’œil. La première ministre a de belles paroles pour tout le monde, mais un jour ou l’autre, elle devra cracher le morceau, et il faut que ce soit très bientôt autrement je ne vois absolument pas comment l’industrie peut survivre. »

McKnight dit que le panel de transition de l’OMAFRA doit avoir l’autorité pour aller à la Société des loteries et des jeux de l’Ontario (SLJO) y chercher du financement et créer une nouvelle loterie ou trouver une autre source de financement créative au sein de cette agence provinciale. McKnight, qui est très actif en tant qu’éleveur et propriétaire de plusieurs chevaux, incluant le récent gagnant du Metro Pace, Boomboom Ballykeel, dit qu’il est impératif que Wynne prenne une position ferme pour changer la façon dont la SLJO est présentement organisée afin qu’elle puisse encore se connecter avec l’industrie des courses.

« Si les courses font toujours partie du modèle de la SLJ, il y a de l’espoir, autrement l’industrie dépérira, » dit McKnight. « Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales, a nommé un panel de transition afin de trouver une solution qui profiterait à l’Ontario et à l’industrie des courses de chevaux. Afin de trouver cette solution, il faut que ce panel de transition de l’OMAFRA soit habilité à modifier la SLJ afin de développer une source de financement stable pour les bourses. En tant que Première ministre, Kathleen Wynne est évidemment habilitée à changer le mandat de l’OMAFRA et ainsi sauvegarder les courses. »

Wynne a été élue à la tête du Parti libéral pour remplacer Dalton McGuinty, par qui l’abolition du SARP fut annoncée l’année dernière et qui, subséquemment s’est retiré après un mandat controversé de neuf ans, laissant la province sous le poids d’une hémorragie, soit une dette de près de 250 G $. L’une des plateformes au leadership de Wynne portait sur la remise en piste de l’industrie des courses.

~ Par Perry Lefko

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