Juges du départ

Les raisons qui font que ces deux-là sont restés ensemble durant près de quatre décennies, sont évidentes.

Le respect que se vouent mutuellement Dave Nicholson et Charlie Ramsay saute aux yeux en cette fin d’après-midi de janvier au ‘Lord Beaverbrook Rink’ (où le hockeyeur Nicholson, membre du Temple de la renommée du Nouveau-Brunswick, a travaillé durant 29 ans.) Les deux jasent tranquillement. Ils acquiescent fréquemment l’un envers l’autre et approuvent souvent d’un signe de tête.

Nicholson a succédé à son père, Roy, aujourd’hui décédé, dans ses fonctions de juge du départ à l’Exhibition Park Raceway en 1973. Il s’est joint au conducteur Ramsay, lequel a pris sa retraite en 1996, après une carrière de 43 ans en service-auto, et qui a conduit la voiture de départ avec le père de Dave pendant dix ans. Non seulement revendiquent-ils une impressionnante longévité en tant qu’équipe de juges du départ, mais les connaissances et l’expertise qu’ils possèdent leur confèrent un très haut niveau de reconnaissance de la part et des hommes de chevaux et des officiels.

« Ils accomplissent un travail formidable et ils suscitent le respect de tous, » dit le vétéran juge Bob McDevitt, avec un sourire. « Ils sont des piliers à EPR. Ils savent ce qu’ils font et ils le font beau temps mauvais temps. »

« Ils travaillent en équipe depuis fort longtemps et cette expérience est rentable, » acquiesce son collègue Bob Wallace. « Jamais n’ai-je entendu quelque commentaire négatif à leur égard de la part des hommes de chevaux. »

À l’instar de bon nombre d’hommes de chevaux, Nicholson, originaire de Saint John, et Ramsay, de l’Ontario, tiennent leur goût des courses de leur père.

« Je vais aux courses depuis l’âge de quatre ou cinq ans, » dit Nicholson en haussant les épaules. « Mon père est natif de l’Î.P.E. et à tous les ans, il retournait à l’île durant la semaine ‘Old Home Week’. Puis j’ai commencé à assister aux courses ici. Mon père a été juge du parcours, puis juge associé, et ensuite juge du départ. » Nicholson pour sa part, a brièvement travaillé comme palefrenier et entraîneur adjoint, d’abord pour le regretté James ‘Roach’ MacGregor et ensuite pour Bobby Stevenson, avant de se retrouver dans la voiture de départ.

Ramsay, originaire de Pembroke, en Ontario, se rappelle que son père l’emmenait aux courses locales quand il était enfant, les fins de semaine et pour les courses ‘matinée’. Mais tandis que Nicholson marchait dans les traces de son père en matière de départ, Ramsay, lui, y est tombé tout à fait accidentellement. Son employeur, le défunt R. M. Lawson (qui siégeait au conseil d’administration de l’Exhibition Association, l’exploitant de la piste) demanda à brûle-pourpoint à cet adolescent qu’il était, d’aider à la piste. Son travail consistait à être à bord de la voiture de départ pour refermer une aile advenant une panne du mécanisme de fermeture, et à aplanir le tracé entre les courses. Très vite, il s’est retrouvé à conduire la barrière lui-même, ce qu’il fait maintenant depuis près d’un demi-siècle.

Au fil des ans, Ramsay s’est retrouvé au volant de trois demi-tonne GMC modifiés (y compris le véhicule actuel) et, au cours des années 1970, d’une Buick Electra, ce qui changea considérablement toute la dynamique. Cela signifiait que lui et le juge du départ se trouvaient, pour la première fois, à l’intérieur du même habitacle, facilitant ainsi la communication. Ce même concept est encore vrai en ce qui concerne le véhicule actuel, influant de façon importante la performance de l’équipe. De bonnes communications aident à atteindre la constance, l’un des principaux objectifs de la tâche, dit Nicholson. Et à en juger par la pluie de louanges qu’ils reçoivent, cette équipe réussit très bien à cet égard.

« Ils forment une grande équipe, » dit Gilles Barrieau, gagnant d’un O’Brien Award, et un conducteur s’étant retrouvé derrière des voitures de départ à plus de 14 000 occasions au cours de sa carrière stellaire. « Les départs sont très constants. Ils connaissent leur affaire puisqu’ils y sont depuis si longtemps. Ils savent reconnaître les problèmes derrière la barrière et ce qu’ils doivent faire dans ces cas-là. »

« Leurs 36 années d’expérience partagée, sont manifestes, » note Todd Trites, grand gagnant de courses à essai et d’argent dans la région de l’Atlantique en 2008. « Il est bon de les savoir là en cas de problème. »

L’équipe s’est dotée d’une routine qu’elle suit religieusement à chaque départ et qui semble – au même titre que leur talent et leur expérience – procurer la constance pour laquelle on chante tant leur louange. Ils lisent attentivement les programmes avant chaque course, et quand les chevaux s’alignent et que la barrière commence à rouler, Nicholson surveille constamment le peloton, détectant toute indication d’un rappel éventuel ou d’un accident. Il fait cela tant que le peloton n’est pas libéré.

« Charlie s’occupe de la radio et il est en communication avec les juges, » dit Nicholson. « Dès qu’il obtient le signal de départ de la course, j’indique aux conducteurs de monter à la barrière. Charlie entend ce que je leur dis, ce qui facilite les choses en cas de problèmes avant le départ. Je contrôle la vitesse à l’aide d’un accélérateur à main et, à un certain point dans le droit, Charlie crie « maintenant » - ce qui est mon signal pour dire « go », presser l’interrupteur qui active le mécanisme de fermeture des ailes et lâcher l’accélérateur. À ce moment-là, Charlie prend le contrôle de l’accélérateur et du volant. »

«Tant que la consigne ‘go’ n’est pas donnée, tout ce que je fais c’est tenir le volant, » ajoute Ramsay. « Je sens les changements de vitesse et j’écoute ce qu’il dit aux conducteurs. Je sais ce qui se passe, mais je ne touche jamais à l’accélérateur tant qu’il ne dit pas ‘go’. »

Le travail est facile quand tout se passe bien. « C’est au moment où les choses tournent mal que ça peut devenir intéressant, » dit Nicholson avec un petit sourire narquois.

Ramsay et lui peuvent très bien se retrouver juges du départ dans n’importe quelles conditions météorologiques – aussi bien sur des tracés durs et gelés ou détrempés et boueux, ou en toutes autres conditions possibles. « Nous en discutons pour faire en sorte que tout se passe bien, » dit Ramsay. « Si le tracé est poussiéreux ou boueux, nous prenons la meilleure voie possible. Parfois nous irons plus près des pylônes ou nous les libérerons un peu plus tôt, afin que la barrière puisse rapidement laisser la voie.

En toutes conditions climatiques, Nicholson a une foi absolue dans les aptitudes de conduite et l’expérience de son partenaire. « Franchement, » admet-il, « il y a bien des jours où, si Charlie n’avait pas été au volant, je n’aurais pas été juge du départ. » Même s’il y a eu de beaux moments de conduite, il y a aussi eu de ces moments de grande nervosité. Les deux se souviennent d’une occasion entre autres, où les ailes de la barrière ne se sont pas refermées et qu’ils ont dû diriger la barrière de biais dans la clôture extérieure pour prévenir un grave accident. Une autre fois, la barrière est entrée dans une clôture au premier tournant par une journée glacée. Mais la barrière peut aussi être d’un grand secours – elle a souvent servi de tampon pour protéger des conducteurs et des chevaux tombés lors d’accidents, les juges du départ étant toujours les premiers répondants à arriver sur la scène.

Nicholson se remémore d’autres souvenirs soit d’avoir travaillé dans les pires conditions hivernales. Il y a plusieurs années, alors que la barrière n’a pu être utilisée à mi-programme à cause de la détérioration des conditions de piste, il s’est tenu sur un banc de neige à la hauteur du fil d’arrivée et a donné le départ comme cela se faisait dans les temps jadis. Puis, à la fin de l’année dernière, EPR a connu des problèmes avec sa propre barrière. Ils ont alors emprunté celle du Fredericton Raceway, un camion modifié dans lequel le juge du départ est exposé aux éléments de la nature et dont on ne se sert jamais d’ordinaire en hiver. La température a coopéré jusqu’à tard en décembre alors que des températures glaciales et des rafales de neige l’ont forcé à revêtir plusieurs épaisseurs de vêtements. « Je ressemblais à Bonhomme Michelin, » dit-il en riant.

Par chance, il est habitué à être bien emmailloté, quoi que ce soit dans des jambières et un maillot de hockey plutôt que dans des couches superposées de vêtements d’hiver. Nicholson était un joueur d’avant dans l’équipe de hockey des ‘Saint John Mooseheads’, équipe qui a gagné le Championnat canadien intermédiaire ‘A’ en 1973. Sa toute jeune carrière a coupé court par contre, prenant fin la saison suivante en raison d’une fracture au talon. L’équipe, qui fait partie du ‘Saint John Sports Wall of Fame’, a été intronisée au panthéon provincial l’année dernière, et n’est qu’une inscription parmi d’autres, dans une histoire familiale de hockey.

En dehors de la saison de hockey, ce sont encore les courses de chevaux qui remplissent ses journées – et lui et Ramsay croient que les courses ordinaires de tous les jours (même les courses à réclamer à 1 500 $) revêtent la même importance et requièrent la même attention aux détails que les grandes courses, les courses plus prestigieuses. Bien que, à n’en pas douter, ces grands événements vous gardent alertes et à la hauteur, de souligner Ramsay.

Attendez-vous à les retrouver de nouveau à la barrière lorsque s’amorcera la saison 2009, mais Ramsay envisage la possibilité de céder son siège de conducteur. Éventuellement.

« Je vieillis, » dit-il avec un sourire.

Sans doute, les hommes de chevaux, les fans et les officiels à l’EPR, espèrent-ils que l’équipe demeure intacte durant plusieurs saisons encore. C’est réconfortant de les voir, ces deux-là, prendre leur distance, course après course, au toucher de l’accélérateur.

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