Le jour où j’ai gagné le Little Brown Jug.
par Chris Christoforou
Tel que raconté à Kimberly Fisher
Astreos n’avait pas gagné de course stake majeure à trois ans. Il a très bien couru dans le Meadowlands Pace, pour finir deuxième… mais Gallo Blue Chip était particulièrement bon ce jour-là, et mon cheval a fait une belle promenade, mais Gallo Blue Chip était tout simplement supérieur. Je n’ai pas pu le passer dans le dernier droit. Après Meadowlands Pace, la Cane a suivi à Freehold. Et je pense que Gallo aurait pu la laisser passer tellement il n’y était pas, de toute façon. Astreos s’est retrouvé premier, mais nous avons été battus par une tête au fil d’arrivée, finissant deuxième encore une fois.
Il y avait donc beaucoup de pression de simplement gagner une course importante avec ce cheval. Vous savez, à part Gallo, il était sans contredit le meilleur cheval de l’année. Sans contredit aussi, le meilleur poulain. Il en était arrivé au point où il fallait gagner une course majeure, sans quoi sa carrière d’étalon reproducteur allait prendre un assez bon tournant.
J’étais très confiant en entrant dans l’épreuve éliminatoire… Je croyais réellement que personne ne pouvait le battre. Je me souviens que Walter Case menait l’un des autres chevaux de Mark Ford et ce n’était vraiment que mon seul souci, vous savez… Qu’il essaie peut-être d’aller aussi vite que possible dans l’intention de nous exténuer et que nous soyons affaiblis si nous devions affronter Gallo en finale. Mais nous l’avons rapidement contourné, et Astreos s’est rendu en avant pour prendre le contrôle de la course à partir de ce moment. Et il s’en est très bien tiré.
Il s’est montré très éveillé après. Je me rappelle avoir eu un sentiment de confiance quand je l’ai vu. Il paraissait réellement bien, il avait les oreilles bien droites… Il ne semblait pas du tout fatigué après la première éliminatoire. Il avait l’air d’avoir effectué un exercice d’entraînement facile, vraiment. Ses oreilles étaient dressées bien haut et il regardait partout aux alentours. Il semblait prêt pour une autre course, assurément.
Moi, et quelques amis, avons loué un Winebago pour aller assister au Little Brown Jug cette année-là. Nous avions loué un de ces VR et nous avons roulé le jour précédant la course; nous l’avons stationné directement sur les terrains de a piste. Nous l’avons branché et nous y avons vécu durant quelque deux jours; il y régnait une atmosphère des plus plaisantes. Je pense qu’en rétrospective, c’était la meilleure chose à faire parce que quand nous traînons avec les amis, cela vous libère l’esprit de tout autre souci. J’étais très relaxe et calme et j’avais du bon temps.
Quand nous nous sommes levés, je me rappelle que nous sommes allés déjeuner, et nous avons flâné tout autour, en attendant les courses en après-midi. Nous avons joué aux cartes dans le VR et avons regardé un peu la télévision. À un moment donné, nous sommes sortis prendre une marche et nous avons acheté quelques souvenirs pour les gens restés à la maison. Nous avons passé un avant-midi très relaxe.
Quand vint le temps de se préparer, les gars m’ont tous souhaité la meilleure des chances par des poings brandis et me dirent d’aller les chercher. Je me rappelle m’être dirigé vers le paddock et la première personne que j’ai vue était mon père, qui m’a paru dans un état de nervosité extrême; je lui ai parlé pendant un bout de temps. Nous avons revu notre stratégie ensemble et nous en sommes fondamentalement venus à la même conclusion : si après la première manche… Gallo était devant nous, où que ce soit, nous étions battus et c’en était fait de nous. Ce cheval, quand il prenait la tête – était impossible à passer. J’étais donc bien déterminé à prendre la tête et la garder. C’était une situation du tout pour le tout. C’est vous dire à quel point je respectais Gallo. Il était tellement bon. Si ce devait être le cas contraire, je ne croyais pas qu’il pouvait me rattraper. En ce qui concerne le reste du peloton, ils étaient tous de beaux chevaux, mais je croyais sincèrement que la course se déroulait autour de ces deux chevaux, et si je parvenais à le battre, j’avais aussi les autres, me disais-je.
Lors du défilé d’avant course, il se tenait très bien. Je veux dire, il semblait aller tellement bien ce jour-là. C’est l’un des aspects qui a maintenu mon haut niveau de confiance durant tout ce temps. Il était vigilant et alerte, et je savais qu’il aimait le demi-mille aussi. Il me transmettait ce sentiment. Il était confiant et je l’étais aussi, et je savais que nous allions très bien faire, et c’est ainsi que je l’ai mené. Nous étions tous les deux alertes ce jour-là, c’est certain.
En se dirigeant derrière la barrière, nous revoyons les scénarios dans notre tête advenant que telle ou telle situation se produise et quelle devrait être notre réaction face à ces événements. Mes yeux étaient rivés en avant et c’était l’endroit où je voulais être. Luc Ouellette est passé à la tête avec quelque chose… dont j’ai oublié le nom. Il tentait de m’exténuer en prenant toujours plus de vitesse comme j’étais derrière lui et qu’il cherchait à laisser passer Gallo, pas mon cheval. Mais je n’allais pas revenir dans la deuxième place. J’ai continué à me battre encore et encore, et en arrivant dans le deuxième tournant, il m’a laissé filer. Ce fut un long parcours. Nous avons franchi le quart de mille en :26 secondes, ou quelque chose comme la demie
C’était le genre de situation où le cheval de Luc était absolument incapable de supporter cela, alors il a finalement ralenti; puis quand il l’a fait, Gallo est arrivé par l’extérieur, et moi maintenant, aussitôt que j’ai pu croiser. J’ai quelque peu hésité afin de replacer la guide dans la bouche de mon cheval, mais je n’avais aucune intention de le laisser aller de quelque façon que ce soit. J’ai comme laissé Gallo remonter un peu à côté de moi avant de relâcher à nouveau mon cheval. Et voilà que ce ne furent que ces deux chevaux qui ont bataillé durant le reste de la course. Une guerre épique. En arrivant dans le dernier tournant, les deux chevaux commençaient à être fatigués. Profita s’est amené faire l’extérieur à Gallo, et par la suite je fus assez content de voir venir George Scooter. Il est arrivé comme une balle à la fin et a gagné, ce qui était très bien parce qu’alors il y aurait une vraie épreuve finale.
Cela m’a semblé trois heures, mais il ne s’était écoulé qu’une heure pour la tenue de la finale. Ils devaient leur laisser un peu de temps pour reprendre leur souffle. La première portion était réellement difficile, parce que maintenant il faut attendre le tirage. Et j’attends de savoir si je serai à l’intérieur ou à l’extérieur de Gallo. Si je suis à l’intérieur, je pense que mes chances de gagner viennent d’augmenter, et si je suis à l’extérieur, elles se sont amoindries! Heureusement, nous avons tiré la bonne position. Il a tiré la troisième position, je crois.
Il ne paraissait pas si mal après la deuxième course. Il n’avait pas l’air aussi alerte qu’il ne l’était après la première manche, mais il semblait assez bien. Je me souviens du moment où nous sommes allés le vérifier avant de sortir pour la ronde finale, il n’était même plus essoufflé. Il avait cessé de respirer bruyamment. Il avait l’air alerte, ses yeux brillaient, et ses oreilles s’étaient relevées – il avait l’air prêt à partir. Je me suis senti plein de confiance. À moins que quelque chose de fou n’arrive, je croyais en mes chances de gagner la finale.
Nous sommes sortis pour le défilé d’avant course, et je me rappelle qu’il y avait un groupe de Canadiens qui se tenaient toujours tout juste après la borne du trois quarts dans le dernier tournant. Alors, à chaque fois que je joggais près d’eux, ils commençaient à crier, à faire du bruit et à siffler. C’était particulièrement amusant parce que c’est comme si vous aviez votre propre section de fans, là, dans ce coin-là.
Rendu à ce point, je profitais vraiment du moment. Vous voici ici… vous rêvez de ce moment tout comme un enfant qui grandit dans ce sport. Vous êtes dans l’épreuve finale du Little Brown Jug, et vous savez que vous êtes là où vous vouliez être. Maintenant, tout ce que je voulais c’était partir. Je voulais courir. Vous êtes gonflé à bloc et prêt à partir.
J’étais très confiant en partant dans la dernière éliminatoire, même plus que quand je me suis vu participer à la première épreuve, et vous savez quoi, je savais que j’avais le meilleur cheval. Mais c’est le jour du Jug, et chacun pense probablement qu’il est un peu meilleur qu’il ne l’est vraiment, alors ils poseront des gestes qu’ils ne feraient pas normalement.
Je peux revivre cette finale seconde par seconde. Je me rappelle être derrière la barrière et surveiller Gallo pour voir à quel point il allait pousser, mais même ce faisant, je demeurais très confiant que Dan Dubé sachant que je ne l’avais pas laissé passer la première fois, je n’allais pas plus le laisser passer cette fois.
Il est sorti de là quelque peu, il a poussé… mais je suis passé en avant assez facilement. En arrivant dans le premier tournant, il est passé une autre fois devant moi, mais j’ai ouvert juste assez pour le laisser prendre la deuxième position. Il s’est retrouvé derrière moi. Et je me souviens qu’aussitôt que son cheval a croisé, alors que je pouvais entendre Gallo respirer dans mon dos, j’ai eu le sentiment… immédiatement… ce sentiment que j’avais gagné la course. C’était fait.
Je savais que Pierce allait venir en premier avec son cheval et qu’il n’allait pas pousser l’enjeu, car son cheval n’était pas aussi bon. Je me souviens avoir passé le poteau du quart de mille et il n’indiquait pas plus de :27 ou :28 secondes ou des poussières, et que c’était une très bonne sensation que de voir Gallo confortablement installé derrière moi. À partir de ce moment, je n’ai fait qu’apprécier la promenade. Nous n’avions qu’à nous asseoir patiemment, ne pas tenter de diminuer dramatiquement les fractions, simplement maintenir de belles et égales fractions, et je me rappelle… je ne sais pas trop comment expliquer cela. C’est comme courir comme nous l’avons toujours fait, une course normale, mais aujourd’hui c’est la finale du Jug et vous avez ce sentiment que vous allez le gagner, et vous savez que vous allez le gagner, et c’est la plus merveilleuse des sensations.
Sur l’arrière piste, je ne voulais me faire surprendre. Je savais que nous allions devoir sprinter durant le dernier segment, mais je ne voulais pas le lancer trop tôt et donner la chance à Gallo de se lever et partir trop tôt. C’est la troisième épreuve éliminatoire, et qui sait ce qui peut arriver. J’étais assez certain qu’il ne pouvait pas me doubler de toute façon, mais je ne voulais pas vraiment le savoir au cas où je me tromperais! J’ai donc attendu. Tout juste en entreprenant le dernier tournant, j’ai commencé à lui donner légèrement du lest, pour le stimuler un peu. Arrivé dans la tête du tracé, je l’ai laissé partir. Et il était parti, c’était fini. Et… Nous avons gagné le Jug.
C’était une victoire très confortable pour le cheval – et après une troisième épreuve comme cela, je l’ai amené au backstretch pour le modérer, et il a commencé à mordre comme s’il voulait encore faire le tour! J’étais tellement sous le choc… Avec un cheval ayant couru trois épreuves et particulièrement les deux premières qui se sont avérées de gros milles…Il n’avait jamais fait quelque chose comme cela auparavant. Alors, qu’il soit assez fort pour tirer comme il le faisait était assez impressionnant. Je l’ai ramené à l’endroit où tous les Canadiens étaient, ils criaient et faisaient du tintamarre, alors que nous saluions la foule. C’était tout simplement un jour fantastique, fantastique.
Le partenaire de mon père dans la propriété de ce cheval, l’est depuis, oh, mon dieu, probablement plus de 25 ans maintenant. Et il était le propriétaire du premier cheval avec lequel j’ai gagné une course, alors ce fut vraiment un moment particulièrement fort. Irving Stouffer… Ce fut un instant tout particulier pour chacun de nous. Nous ne perdions pas de vue toute l’ampleur du moment. Gagner le Jug, gagner des courses importantes alors que vous êtes un conducteur de relève pour les gens que vous connaissez et vos amis… C’est magnifique. Mais quand vous gagnez pour votre famille, c’est une toute autre chose.
Après nous sommes allés au Delaware Inn et nous avons pris quelques consommations pour célébrer, vous savez. Rien de majeur puisqu’il nous fallait revenir le lendemain matin. Je crois que nous aurions pu arriver pour les qualifications le lendemain matin. Je me rappelle que nous soyons partis de très bonne heure. Nous étions plusieurs dans le Winebago, et nous avons conduit à tour de rôle C’était un de ces moments mémorables dont nous nous souviendrons toujours, vous savez… Et même aujourd’hui, quand je revois les gars qui nous accompagnaient à cette course, que je les revoie aux courses ou ailleurs, la première chose qui me vient à l’idée, c’est cette journée. Vous n’oubliez jamais cela, vous savez.
Quelques personnes m’ont demandé au fil des ans, vous savez… comment était-ce… Tout ce que je peux répondre c’est que ce cheval demeurera toujours mon préféré parce qu’il a su se pointer le jour où j’en avais le plus besoin. Voilà ce que je ressens.