CHOIX MULTIPLES

Jumeler l’étalon le plus approprié à vos poulinières n’est que le début du processus de prise de décision de l’éleveur. Nous avons présenté quelques scénarios – certains plutôt communs, d’autres moins – à quatre des éleveurs de l’industrie ayant très bien réussi et les avons laissé faire leur choix.

Par Karen Briggs

Pour intégrer le sport de l’élevage, il vous faut être un brin joueur et un brin capable de résoudre une énigme.

Les chevaux sont tout sauf prévisibles au meilleur des temps, et à plus forte raison, quand vient le temps de jumeler leurs lignées qui donneront des foals vivants et en santé.

Au cours de n’importe quel jour donné, les éleveurs de chevaux de course font face à toutes sortes de scénarios – nous avons donc décidé de tester leurs habiletés de prise de décision avec cinq exemples tout droit sortis de l’écurie de reproduction.

Nos participants à ce jeu-questionnaire? Quatre noms qui nécessitent peu de présentation dans le domaine des courses sous harnais : Larry Drysdale, des opérations canadiennes de Winback Farm de Caledon, Ontario (et avant cela, des Armbro Farms), Harry Rutherford de Cool Creek Farm de Mount Pleasant, Ontario (les producteurs de Pure Ivory, Casual Breeze et Elegantimage, pour n’en nommer que quelques-uns), Bill Andrew des Meridian Farms d’Alberta et de l’Île-du-Prince-Édouard ainsi que Walter Parkinson, gérant adjoint des Seelster Farms à Lucan, Ontario.

Voici leurs réponses aux questions concernant nos situations hypothétiques.

Q : Votre poulinière a avorté deux années de suite. Quelles sont les mesures que vous prendriez pour prévenir une nouvelle récidive – et quand décideriez-vous qu’il est temps de cesser d’essayer?

Drysdale : La première chose à faire serait de trouver l’explication de la cause de ces avortements. Nous procéderions à une biopsie, si indiquée, de même qu’à une nécropsie sur le foal avorté, si possible. S’il s’agit d’aborder un problème médical, c’est la meilleure avenue – et il y a toujours la procédure de transfert d’embryon que nous pourrions utiliser sur une telle jument. Si elle en vaut vraiment la dépense, vous pouvez la tenter.

Certains croient que le fait de changer d’étalon peut aider, mais honnêtement, je ne peux pas voir comment l’avortement pourrait être imputable à l’étalon.

Dans ces circonstances, je ne crois pas que je dépasserais trois années avec une poulinière ayant un tel problème.

Rutherford : Cela dépendrait du talent de la jument et si les avortements n’étaient dus qu’à la malchance et n’avaient aucun rapport, ou s’il s’agit d’un problème récurrent. Je crois que nous sommes plus persévérants que bien d’autres fermes, mais si elle avait avorté deux fois pour la même raison, j’envisagerais la possibilité de m’en défaire.

Andrew : Une jument ayant avorté deux années de suite aurait besoin d’un pedigree tout à fait exceptionnel pour l’empêcher d’être retirée du groupe de poulinières. Vraisemblablement, après avoir perdu le premier foal, la jument aurait reçu une thérapie hormonale et un vaccin afin de diminuer le risque d’avortement. Un deuxième avortement serait donc mal venu.

Parkinson : «Nous lui ferions subir tous les examens permettant de constater la cause des avortements, et si nous pouvions en identifier la cause principale et la traiter, oui, nous ferions une autre tentative sur cette jument. Nous avons eu des juments qui ont avorté deux années de suite, mais ce n’était que de la malchance. Je crois que la troisième année serait déterminante pour décider si elle reste ou part. Plus vous avez investi sur une poulinière, certes, plus elle vaut la peine qu’on prenne le temps de chercher à résoudre le problème.

Q : Vous possédez une jument qui a eu du succès comme cheval de course, mais qui physiquement, est de très grande taille. Que rechercheriez-vous chez un étalon pour compenser son physique et sa conformation?

Drysdale : Une grosse jument vaut mieux que de s’inquiéter d’une très petite poulinière, en terme de poulinage. Je rechercherais un étalon de taille moyenne avec une bonne conformation – du côté de l’amble, peut-être quelque chose qui aurait les lignées d’un Abercrombie. Ce n’est pas de la science quantique.

Rutherford : Vous ne pouvez pas toujours prédire simplement en regardant un reproducteur, de quelle taille seront ses rejetons. Regardez Sriking Sahbra - il est tout petit, mais ses rejetons sont de taille moyenne. Il faut regarder les bébés d’un étalon qui est en reproduction depuis un certain temps. Je n’en aurais aucune idée avec un reproducteur qui en serait à sa première année, donc avec une jument de ce type, je m’en tiendrais à un étalon qui jouit déjà d’une progéniture sur le terrain, et j’en évaluerais leur taille et conformation.

Andrew : Nous aimons les grosses poulinières. Particulièrement celles au long gabarit. Nous croyons qu’une grosse jument a moins de risque d’une gestation problématique et de mise bas. De plus, ce genre de jument donne à un éleveur, beaucoup plus de choix dans la sélection d’un étalon. Nous éviterions d’accoupler une très grande jument à un très gros étalon. La plupart des acheteurs ne veulent ni de petits ou de très grands yearlings, mais, de façon générale, ils aiment des foals de taille et de dimension moyennes.

Parkinson : La chose la plus importante avec une très grosse jument, est de trouver un étalon qui est bien proportionné et de taille moyenne, au pedigree se comparant au sien. Nous examinons la plupart des étalons auxquels nous projetons d’accoupler nos juments avant de prendre nos décisions. Nous savons s’ils produisent des foals à leur image ou non. Si nous devions envisager un tout nouveau reproducteur pour cette grosse poulinière, je crois bien que nous examinerions des étalons apparentés pour voir ce qu’ils ont produit en matière de taille.

Q : Vous avez une poulinière prolifique qui commence à être très vieille. Comment déterminez-vous le moment où vous devez cesser de lui demander de porter un foal de plus?

Drysdale : À 24 ans, Armbro Flight a donné naissance à Armbro Goal, qui a gagné un Hambo en 1988. Elle a toujours été une bonne et saine poulinière. Elle a eu un autre foal après Armbro Goal, et elle a vécu jusqu’à 33 ou 34 ans. Il y a donc des juments qui peuvent produire jusque dans leur vingtaine avancée. Nous examinons l’état de santé général de la jument ainsi que la facilité avec laquelle elle a pouliné dans le passé. Mais nous gardons à l’esprit ce qu’Armbro appelait la règle d’or, c’est-à-dire suspendre leur assurance après leur 15e anniversaire.

Rutherford : Si elle a été une bonne productrice, nous avons tendance à continuer à la féconder, mais seulement si ses foals rapportent encore convenablement. Même si elle a encore de beaux rejetons, cela n’en vaut pas la chandelle si le marché ne s’y intéresse plus. Nous avons toujours quelques retraitées – nous en avons trois présentement.

Andrew : Les trois choses les plus importantes à examiner dans une poulinière sont les suivantes : facilité d’être fécondée et devenir gestante, sa capacité d’entourer de soins son foal dans les premières étapes critiques de son développement, ainsi que l’état de santé général de la jument. Ainsi, selon chaque jument, il s’agit d’une combinaison de la santé de ses organes reproducteurs, de sa capacité de produire du lait et d’allaiter, puis la condition de ses jointures et de son système respiratoire. Chaque individu est différent. L’important est de ne pas causer de contrainte exagérée à la jument en prolongeant sa vie reproductive au-delà du moment où son état général ferait qu’une gestation deviendrait une proposition risquée.

Parkinson : Nous ne voulons jamais féconder une jument au-delà du temps où elle peut porter ce foal en toute sécurité. Cela varie d’une jument à l’autre, certes, mais dès qu’elle approche la fin de ses années d’adolescence et du début de sa vingtaine, il faut commencer à l’évaluer très attentivement chaque année avant de procéder. Sa condition physique doit être bonne, et notre vétérinaire à la ferme la suivra soigneusement. Et nous prenons aussi en considération l’historique de ses rejetons passés. Une jument qui a porté et mis bas facilement, année après année, est une meilleure candidate à poursuivre qu’une autre qui a, historiquement, eu des difficultés.

Quand nous décidons de retraiter une poulinière, elle se joint à la bande de retraitées, et nous la gardons aussi longtemps qu’elle est heureuse et en santé. »

Q : Votre jument est fécondée pour l’amble mais elle préfère trotter. Elle a fini parmi les trois premiers en courses stake en tant que trotteuse, et maintenant elle se joint au groupe de poulinières. De quelle façon procédez-vous pour lui sélectionner un étalon?

Drysdale : Je pense que je la ferais féconder par un trotteur, si elle voulait vraiment trotter. Horton Hanover a été fécondé pour trotter mais changea pour l’amble (et gagna le Canadian Pacing Derby en 1970) – je ne peux me souvenir de l’avoir jamais accouplé à une trotteuse au cours de ses premières années puisqu’il était un très bon ambleur, puis vint Hortons Miss (qui détenait aussi les deux allures), et soudainement il se mit à produire des poulinières trotteuses. Nous ne voyons plus tellement cela de nos jours.

Rutherford : Que voilà une question difficile. J’essaierais certainement de la faire féconder par un trotteur, mais je ne suis pas certain jusqu’à quel niveau de frais je serais prêt à aller. Ce serait tout un pari. Je vérifierais la qualité d’allure de ses rejetons et je prendrais mes décisions futures en vertu de ce constat.

Andrew : Si nous avions une jument issue d’un ambleur qui trottait de façon exceptionnelle, nous l’accouplerions à un reproducteur trotteur. Il y a de bonnes chances qu’un acheteur éventuel existe quelque part et qui compterait sur la performance de la poulinière en tant que trotteuse. Son pedigree lui permettrait d’être présentée à n’importe quel étalon, nous chercherions d’abord un étalon à la conformation complémentaire.

Parkinson : Nous chercherions des étalons ambleurs. Sur le plan commercial, c’est trop difficile de vendre un cheval à double allure. Nous procéderions par les mêmes critères que ceux de chaque cheval, que ce soit sur le plan de la conformation et du pedigree.

Q : Vous possédez une jument qui a été fécondée au même étalon année après année parce que c’était un match des plus fructueux. Aujourd’hui, toutefois, cet étalon a produit son dernier. Comment procédez-vous pour sélectionner un étalon de même stature… Ou faites-vous quelque chose de complètement différent?

Drysdale : La plupart essaierait de trouver un cheval ayant des liens de sang semblables, mais je n’aurais pas peur d’essayer quelque chose de différent, au moins pour une année. Si je devais chercher un cheval aux lignées similaires, j’examinerais probablement les fils de l’étalon original.

Rutherford : Nous composons nos élevages en fonction de ce que nous croyons que le public recherchera dans trois ans, c’est pourquoi nous aimons accoupler nos juments à des reproducteurs de première année et populaires. Mais nous avons parfois fait appel au même étalon à répétition – nous avons accouplé à Balanced Image année après année, par exemple, parce que ses rejetons se vendaient très bien. J’essaierais probablement quelque chose de nouveau dans cette situation.

Andrew : Nous croyons à l’instinct, alors nous en rechercherions probablement un nouvel aux lignées similaires à celles de l’ancien étalon. Si nous ne pouvions en trouver un répondant à ces critères, nous irions alors du côté du meilleur étalon disponible convenant à la poulinière.

Parkinson : Nous pourrions nous diriger vers l’une ou l’autre de ces directions. Si nous voulions poursuivre avec un appariement similaire, je considérerais un frère ou demi-frère de l’étalon original, ayant comme objectif clé le succès en piste. Physiquement, il devrait être d’un type de cheval semblable. Mais la dévolution de l’étalon original pourrait constituer une chance incroyable d’accoupler cette jument au reproducteur d’une première récolte. Les gens aiment voir quelque chose de différent – ils saisiraient l’occasion.

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