Dirigé par le très réservé mais internationalement reconnu Jean-Pierre Dubois, l’étalon trotteur Taurus Dream, a démontré sa valeur en tant que reproducteur en 2010 avec quelques rejetons s’étant rapidement illustrés par leur vitesse en piste. Aujourd’hui, l’éleveur de Val Taurus, Crys Dream et Intense America ajoute à sa longue liste de réalisations, une mise en nomination à un O’Brien, mais en réfléchissant bien à la carrière de son étalon globe-trotter, Dubois admet avoir pris de grands risques en cours de route.
By Perry Lefko
Tout comme dans les paroles de la chanson de Johnny Cash, ‘I’ve Been Everywhere’, (Je suis allé partout),Taurus Dream a aussi beaucoup voyagé. Entre ses carrières de cheval de course et de reproducteur (lesquelles se sont occasionnellement entrecroisées), Taurus Dream a visité plusieurs endroits tant en Amérique du Nord qu’en Europe.
Si cela peut sembler un peu inhabituel, et bien… ce l’est. Cet homme de chevaux qui a accouplé, élevé, coursé et qui maintenant l’offre comme reproducteur, Jean-Pierre Dubois, l’admet d’emblée. « Je n’ai aucune philosophie particulière sauf celle d’essayer de les élever le plus naturellement possible, » dit-il, « mais je crois que je n’aurais pas pu faire plus d’erreurs pour la carrière de cet étalon que je n’en ai faites. J’espère que le fait de le garder en Ontario maintenant s’avérera la meilleure décision que j’aurai prise pour lui. »
Dubois, cet homme de 70 ans, originaire de Côtes d’Armor, en France, exploite son écurie sous le nom de ‘Dream With Me Stable’, dont l’équivalent en français est « Écurie Rêve Avec Moi ». Finaliste pour un prix O’Brien 2010 en voie de s’approprier le ‘Armstrong Breeder of the Year Award’, il a connu beaucoup de succès au cours de la dernière année avec différents chevaux, dont la presque totalité sont des descendants de Taurus Dream. La trotteuse de deux ans Crys Dream revendique déjà une récompense Dan Patch Award, au sud de la frontière, et elle est également finaliste pour un O’Brien.
Le Français partage son temps entre la France et l’Amérique du Nord, offrant les services d’étalons dans les deux régions, les accouplant d’abord à ses propres poulinières. Il est reconnu pour faire des choses inhabituelles – comme accoupler des chevaux américains à des chevaux français, et vice versa. « C’est quelqu’un qui pense différemment de l’éleveur moyen,» fait remarquer le gourou de l’accouplement standardbred, Norman Hall. « C’est peut-être la raison de son immense succès. Il est très inventif. Il n’a pas peur d’essayer quelque chose de différent. Il accouplait des étalons français à des poulinières américaines et vice versa alors que ce n’était pas permis. Il ne pouvait même pas les enregistrer en France. Il a fondamentalement forcé l’industrie à les reconnaître à cause de leurs performances. »
Taurus Dream est un exemple de ce sang mixte, de dire Hall. Dubois a produit le poulain en croisant Sir Taurus avec la jument Uniformite JP, une descendante de ‘On The Take’; il y a une grande influence du sang français du côté de la mère. Et le cheval a connu un succès raisonnable en carrière, gagnant 12 de ses 34 départs, terminant dans l’argent à 19 reprises, pour enregistrer des gains à vie de 552 391 $. Deux fois, il a été élu champion ‘New York Sires’. « Depuis ses débuts, il a toujours été un cheval de qualité, rapide et athlétique, » se rappelle Dubois.
« Il avait plus de vitesse au sortir de la barrière que n’importe quel autre trotteur que j’aie conduit – et de loin, » a déjà dit le conducteur Mickey McNichol à propos de Taurus Dream. « Il est le trotteur le plus maniable que je n’aie jamais eu à mener. »
À trois ans, lors d’un départ dans une épreuve ‘New York Sires Stake’, il a enregistré une victoire sensationnelle avec 11 longueurs, et établi une marque de 1:55.1 dans une division de l’Hambletonian. Bien qu’il ait brûlé la piste ovale de Meadowlands – découpant les premiers trois-quarts de la finale de l’Hambletonian avec un temps impressionnant de 1:23.2 – il a fléchi dans le dernier quart pour terminer cinquième à sept longueurs. Il a couru cinq autres fois cette saison-là, la terminant par une deuxième place dans la catégorie des trois ans de l’Open Handicap présenté à l’Hippodrome de Montréal – à cette époque, c’était l’une des premières fois qu’il trottait en sol canadien.
L’hiver suivant, Dubois a accouplé le poulain à 30 poulinières.
« Il n’a eu que quelques juments du fait qu’il n’était pas encore connu dans cette région, » dit-il, « et le Québec n’avait qu’un petit bassin de poulinières auxquelles l’accoupler. »
Mais puisque le cheval était encore en superbe condition après sa première saison d’étalon, Dubois choisit de l’essayer encore en piste. Taurus Dream n’a couru qu’une seule fois à quatre ans, se retrouvant à une lointaine sixième position sur un peloton de neuf, lors du ‘Frank Ryan Stakes’ à Rideau Carleton à Ottawa. Après cette performance moins qu’impressionnante, Dubois a retiré le cheval pour l’année et l’a entraîné en vue de sa saison de cinq ans en Europe. À ce moment-là, une moitié du poulain avait été vendue à des intérêts européens.
En tant que cinq ans, Taurus Dream courut dix fois, dont sept départs en Italie et trois en France, ne gagnant qu’une seule course de toutes ces tentatives. Dubois racheta la moitié de cheval qu’il avait vendue et le ramena au Canada pour offrir ses services de reproducteur à plein temps au Québec en 2006. Taurus Dream a servi 53 poulinières cette saison-là, et 95 la saison suivante – un record pour une seule saison d’accouplements (toujours actuel) pour le cheval.
Pour la saison 2008, Taurus Dream – à la toute dernière minute – fut déménagé du Québec à New York et stationné dans une ferme près de la frontière canadienne. Peu ou pas de publicité n’a été faite à propos de ce déménagement, déplore Dubois. « Je pense que ce n’était pas le bon endroit pour lui. Il aurait été plus favorable pour lui de l’emmener plus au centre de New York. Nous l’y avions placé particulièrement pour qu’il soit près de nous pour féconder nos juments. J’envisageais de retourner en course à New York avec sa progéniture. »
De New York, il a été déménagé en Indiana l’année suivante et il n’eut que 10 fécondations. « L’Indiana venait tout juste d’entamer la promotion de son nouveau programme, lequel semblait prometteur, » dit Dubois. « Nous avons une ferme au Kentucky, état avoisinant l’Indiana; encore une fois, tout près pour féconder nos poulinières et quelques autres puisque peu de publicité avait été faite, et l’avait été tardivement. C’était un beau grand discours et la plupart des gens avaient déjà décidé à quel étalon ils allaient accoupler leurs juments. »
Alors en 2010, Taurus Dream a encore une fois déménagé, cette fois pour être ramené à la ferme de Dubois au Québec, après que le propriétaire eut appris que les courses allaient reprendre. Mais Taurus Dream n’eut que 15 poulinières à féconder dans La Belle Province. « J’espérais revenir courser au Québec, » dit Dubois. « Je voulais encourager le programme de course du Québec. Nous avons maintes fois déplacé cet étalon en fonction d’où je voulais courir. Mais cela s’est certainement révélé une erreur magistrale pour le déroulement de sa carrière d’étalon de le changer de place. »
« Les reproducteurs demeurent normalement à un seul endroit pour la majeure partie de leur carrière, mais ce reproducteur en particulier, a été victime des circonstances, pas par choix, mais à cause de la situation au Québec, » de réfléchir Hall. « Il était aussi sous le contrôle de Dubois qui voulait l’utiliser en premier lieu pour ses propres poulinières plutôt que publiquement. Dubois est un personnage des plus inhabituel. Il fait les choses très différemment de la majorité des gens. »
Le cheval a connu son premier succès d’importance en 2006 avec Val Taurus, que Dubois avait élevé au Québec et expédié en France pour y naître. Le poulain a couru de façon assez impressionnante lors de ses trois premiers départs, et le cadre supérieur d’une maison d’édition, Marc-Aimé Guérin, a présenté une offre privée à Dubois pour acheter le poulain pour sa fille, Lorraine Auger. Dubois a accepté. Mené cette saison-là par Michel Lachance, Val Taurus n’a perdu aucun de ses huit départs à l’Hippodrome de Montréal; le très rapide trotteur a été mis en nomination comme finaliste pour un prix O’Brien à deux ans.
Val Taurus est devenu un cheval monstre au Québec l’année suivante, gagnant ses sept premiers départs à trois ans. Il a été inscrit pour la Canadian Trotting Classic de 1 M S présenté à Mohawk Raceway à Campbellville, Ontario, où parmi ses concurrents, on pouvait compter American Invader et Donato Hanover, qui était sur une séquence de 15 victoires consécutives, et la trotteuse Championne mondiale, Pampered Princess. Il devint vite apparent qu’il s’agissait bien plus qu’une course – c’était une chance inouïe de démontrer qu’il s’agissait d’un cheval fort du Québec et les attentes étaient très élevées.
Lors de l’éliminatoire, Taurus Dream a manqué Donato mais s’est amené pour se mesurer à la pouliche. Elle avait été lancée dans la course favorite mais malgré un double espace derrière lui, elle n’a jamais pu s’approcher de Val Taurus dans le droit. Il a mis pleins gaz pour remonter Trevor Ritchie et facilement gagner son premier départ à vie à l’extérieur du Québec par deux longueurs et quart et son meilleur chrono à vie aussi , de 1:53.2. Pendant ce temps, Donato gagnait sa manche en 1:52.3 et la table était mise pour la riche finale.
Mais la lutte tant attendue ne s’est jamais matérialisée. Val Taurus a brisé inopinément son allure tôt dans la course pour terminer à une décevante dixième position. Isabelle Bradier, dont le mari, Normand, entraînait le cheval, a dit que leur protégé, surerexcité, s’est tout à coup mentalement désorganisé. Ses soigneurs et tous les autres qui avaient fondé de grands espoirs en Val Taurus étaient émotionnellement anéantis. « Ce fut une course très particulière ce soir-là, et très, très triste et trop émouvante, » de dire Isabelle. « C’est tout simplement arrivé comme cela. »
Il a rebondi pour gagner une course ‘stake’ de 200 000 $ à son départ suivant, mais n’a jamais été le même après, terminant sa carrière avec 16 victoires en 24 départs et encaissant des gains à vie de 384 922$.
En 2010 par contre, Taurus Dream a prouvé sa valeur en tant que reproducteur, et encore une fois, en dépit d’un nombre limité de chevaux de course. Son premier succès : Crys Dream; élevée par Dubois et propriété de Deo Volente Farm et TLP Stable, la pouliche baie née en février a gagné sept de huit départs à titre de novice, tous en Ontario, pour enregistrer des recettes de 596 065 $. Une demi-sœur de Brigham Dream, qui a gagné la Breeders Crown en 2008 pour l’open des juments, Crys Dream s’est emparé de la victoire lors du Peaceful Way à Champlain, de même que du Goldsmith Maid Stakes de 502 000 $ pour terminer sa saison. Elle a réalisé un record de piste, gagnant une division du Goldsmith Maid en 1:55.1, abaissant la marque précédente par deux cinquièmes de seconde. « C’est la meilleure pouliche de deux ans derrière laquelle j’ai eu l’occasion de m’asseoir, et elle pourrait bien se révéler la meilleure de tous les temps. Cette pouliche est extrêmement puissante. Elle est vraiment très maniable et intelligente et c’est ce qui en fait un grand cheval. »
Une autre deux ans de Taurus Dream, Intense America, a gagné trois départs en cinq, pour 141 500 $ en 2010. La pouliche baie née en janvier de la poulinière Intensite de la lignée Yankee Glide, s’est placée deuxième par seulement trois-quarts de longueur derrière Crys Dream lors du Peaceful Way. Elle a fini sa saison sur des victoires consécutives lors du Red Mile à Lexington, y compris une marque record de 19 longueurs lors de son dernier départ avec un temps net de 1:54.4. Le fait que cette pouliche est maintenant entraînée par Bardier Jr (l’ancien entraîneur de Val Taurus) plaît beaucoup à Dubois. « Normand Bardier Jr est un excellent entraîneur qui y est pour beaucoup dans le succès de Taurus Dream », relate l’éleveur. « Nous sommes très reconnaissants de l’excellent travail de Norm, et très heureux de voir que son travail rapporte encore une fois avec Intense America. »
Intense America est l’une des trois trotteuses de deux ans que Dubois a vendues à Gaétan Bono, grossiste-détaillant de fruits à Montréal qui achète des chevaux depuis plus de 20 ans. Deux semaines après son acquisition, la pouliche a commencé à démontrer son potentiel et la décision fut prise de l’envoyer à Toronto pour se mesurer aux meilleurs chevaux de deux ans, de même allure et sexe. « Gaétan Bono est un de mes amis de longue date, » dit Dubois. « Je suis très heureux et fier des résultats des chevaux que nous lui avons vendus. L’écurie est une entreprise et afin de poursuivre les activités, nous devons vendre des chevaux. On ne peut pas les garder tous. »
Les succès de l’an dernier de ces deux pouliches, ont accrédité Taurus Dream, enfin, comme un reproducteur important. « En avoir un est une chance extraordinaire, mais pour en avoir deux, il faut un bon reproducteur, » d’insister Bono. « Est-ce que je le considère un bon reproducteur? Je pense qu’il est de la trempe des meilleurs en Amérique du Nord, assurément. Il peut concurrencer n’importe lequel. J’accouple cinq de mes meilleures poulinières avec lui. Honnêtement, je crois qu’il sera un grand, très grand reproducteur. Ce n’est pas un cheval de la chance. Ce cheval peut avoir de bons chevaux. Crys Dream et Intense America ne sont pas nées de la chance. Les deux autres que j’ai achetées de lui – sont très bonnes. Elles ne sont pas à ce niveau mais elles sont très bonnes. Elles feront de bonnes trois ans. Je n’essaie pas de faire de publicité pour Taurus Dream. C’est le fruit de ma réflexion personnelle. Je crois qu’il peut se mesurer aux meilleurs en Amérique du Nord ; pas seulement à ceux de l’Ontario, mais de toute l’Amérique du Nord. »
« Tant et aussi longtemps que Dubois choisira les juments auxquelles l’accoupler, il réussira, » admet Hall. « Tous les reproducteurs ont la capacité de produire un champion, mais le problème est d’en avoir l’occasion – c’est à dire avoir les bonnes juments dans les trois ou quatre premières récoltes. Avec Dubois, il avait les bonnes poulinières et savait à qui les accoupler, alors il allait en avoir un. Tant et aussi longtemps qu’il gérera Taurus Dream et qu’il l’accouplera à des poulinières, il obtiendra un autre rejeton de qualité et un autre encore. »
Aujourd’hui, pour la saison 2011, Dubois a ramené Taurus Dream en Ontario pour y résider sur une propriété qu’il a achetée en 2008. L’homme de chevaux envisage maintenant de concentrer ses efforts dans la province d’Ontario parce que les courses et les hippodromes sont bien organisés. Il aime beaucoup être près de tant de pistes. « Ce fut très certainement une erreur monumentale pour la carrière de l’étalon de le déménager si souvent, » de dire Dubois.
Alors il paraîtrait – que pour le moment en tout cas – les allers-retours de Taurus Dream vers les hippodromes et à l’écurie sont terminés de façon définitive. Mais son influence de reproducteur, semble-t-il, ne fait que commencer.