J'entends les soupirs provenant de la foule. Je peux m'imaginer l'expression sur leurs visages. Je peux ressentir la peur dans l'air.
Mille fois auparavant, j'avais revu le déroulement de ce moment dans ma tête. J'avais imaginé le déroulement de la course, et je m'étais accordé le droit de rêver au parfait résultat. Dès le moment où nous avons décidé d'accoupler notre belle jument, jusqu'au jour de la naissance de notre belle pouliche, et tout du long du jour de sa première fois derrière la barrière, il s'était écoulé trois années et demie jusqu'au jour où le voyage a commencé. Je visionnais cette soirée depuis le jour un.
Je me suis permis d'envisager toutes les avenues possibles. Ma première pouliche domestique, celle pour laquelle nous avons passé le plus de temps à décider de son nom, le bébé que nous avons le plus photographié, elle serait spéciale. J'en étais certain.
Ceux qui avaient emprunté cette route avant, m'ont conseillé de ne pas placer la barre trop haute. Ils m'ont rappelé les nombreuses possibilités et réalités du sport. Mais je leur disais que j'en connaissais les risques, les hauts et les bas, et que je les comprenais. " Je préfère être optimiste, " leur ai-je dit. " Je préfère rêver grand plutôt que de laisser mon enthousiasme être modéré ou freiné par les choses qui pouvaient mal aller. "
J'ai donc profité du voyage. J'ai eu le frisson quand je l'ai vue la première fois, j'étais fier lorsque mes enfants l'ont rencontrée, et ravi de la voir grandir, et content de recevoir des mises à jour provenant des merveilleuses personne qui contribuaient à son développement.
Tout au long de son apprentissage pour devenir une athlète d'élite, j'ai apprécié tous les appels provenant de mon entraîneur, ainsi que ses mises à jour, ce qui entretenait la flamme d'enthousiasme un peu plus. Elle était en santé, grandissait et prenait de la maturité tout en devenant un cheval de course - avec l'opportunité d'être aussi bonne qu'elle le voudrait.
Puis arriva le jour.
Son premier départ, le moment que je m'étais imaginé durant toutes ces années. Il ne vous arrive qu'une fois de voir votre première pouliche faire ses débuts, me disais-je. Il ne vous arrive qu'une fois d'expérimenter cette unique fois, alors profitez-en.
* * *
J'ai repassé le déroulement de la course dans ma tête au moins mille fois depuis, et c'est arrivé il y a moins d'une semaine. Elle est partie de la barrière, s'est installée en cinquième place, pour ressortir vers l'extérieur au même moment qu'un autre cheval qui agissait comme couverture. Bien positionnée, derrière les meneurs, elle a été relâchée à trois de large au tournant final.
Puis la musique s'est arrêtée.
* * *
Alors que je fixais notre pouliche, quelques instants après qu'elle ait trébuché et soit tombée sur la piste, je ne savais plus quoi penser. Probablement que les pensées étaient supposées se bousculer dans ma tête, mais bien franchement, je ne sais pas si seulement j'en avais - n'essayant qu'à trouver un sens à ce dont j'avais été témoin.
Nous n'avions jamais envisagé une telle possibilité. Nous aurions dû célébrer, et non pas prier pour que notre cheval bouge et que notre conducteur se relève et salue la foule comme quoi n'était pas blessé.
Quelques jours ont passé maintenant, et notre conducteur a reçu son congé de l'hôpital et est de retour sur le sulky. Notre pouliche soigne quelques égratignures, va bien et est sur le chemin du retour à la santé. Je serai à jamais reconnaissant envers toutes les merveilleuses personnes qui ont pris soin d'elle ce jour-là, et à chaque jour.
Je ne connais pas précisément quels seront les hauts et les bas qui nous guettent. Ce que je sais toutefois c'est cela : la décision de profiter de chaque moment, de fantasmer sur toutes les possibilités, d'apprécier nos remarquables chevaux, et rêver à l'avenir - c'est pour cela qu'en tout premier lieu, nous nous sommes impliqués dans les courses de chevaux.
Notre pouliche se dépoussiérera et rebondira afin de courir dans une autre course. Et j'ai l'intention de faire de même, de rêver plus grand encore, d'en aimer chaque moment du voyage un petit peu plus.
Ce sont les courses de chevaux. C'est ce que nous faisons.
Darryl Kaplan
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