Comment aller de l’avant lors d’un encan de yearlings

Comme le dit l’expression, il y a plus d’une façon d’accommoder un lapin.

Story by Keith McCalmont / Traduction Louise Rioux

Et quand vient le temps d’acquérir des yearlings, et bien, cela peut s’avérer aussi simple que d’acheter une machine impeccablement élevée tel Captaintreacherous acquis par Tony Alagna et al, pour la jolie somme d’un quart de million de dollars à la Lexington Sale.

Après seulement 16 départs en carrière, le rejeton de Somebeachsomewhere a déjà engrangé plus de 2 M $, en plus d’une victoire lors de la North America Cup en juin.

Cela peut être tout aussi frustrant que d’ouvrir votre portefeuille pour acheter une machine impeccablement élevée tel Bedtime Song, une pouliche trotteuse produite par Windsong’s Legacy, achetée pour la somme de 360 000 $ à l’encan de Harrisburg 2007 par Michael Andrew.

Née de Bold Dreamer, la mère de la pouliche millionnaire Pampered Princess, Bedtime Song devait être une bonne affaire. À défaut, elle n’a obtenu qu’une seule victoire en six départs en carrière, gagnant 1 234 $.

C’est suffisant pour vous porter à boire.

C’est ainsi que Casie Coleman, qui entraîne principalement des ambleurs, s’est retrouvée avec un trotteur du nom de Crazzy Crazzy.

Acquis au montant de 27 000 $ à la Lexington Selected Sale, Crazzy Crazzy est le genre de gueule de bois avec laquelle il ne vous fait rien de vous réveiller.

L’implausible poulain a fait tourner les têtes lors de son premier départ au Monticello Raceway dans une course de 44 350 $ du NYSS le 11 juillet. Propulsé en avant par Jimmy Morrill Jr, Crazzy Crazzy a trotté le premier quart en :28.3 pour ne jamais regarder en arrière en route vers une victoire par deux longueurs en 1:59.1. Le 19 juillet, cette marque, en passant, s’est avérée un record de saison en Amérique du Nord!

Mais, exactement, que fait Coleman avec un trotteur?

« Je n’en connais pas beaucoup sur les trotteurs et n’en ai pas coursé beaucoup non plus, » admet Coleman. « Mais, on en était à la troisième journée à Lexington, en fin journée, et il n’y avait plus rien d’autre dans l’encan que nous aimions, alors mes partenaires et moi sommes allés derrière le ring nous asseoir au bar pour prendre un verre. »

Installée au bar avec Adriano Sorella, copropriétaire de bon nombre de ses ambleurs tels que Vegas Vacation, Coleman découvrit qu’après sa troisième consommation, elle se sentait assez bien. Mieux que bien, vraiment.

« Apparemment, on me servait de la vodka pure, » sourit Coleman. « Ils me faisaient boire de la vodka Grey Goose avec beaucoup de lime afin d’en masquer le goût. »

Une heure est passée et Coleman savait qu’elle devait nourrir son système si elle voulait partir de l’encan sur ses jambes.

« Rendue à ce point, je ne pensais pas avoir bu autant de verres, mais j’en avais les effets, » d’admettre Coleman.

Tandis que Coleman avalait rapidement un sandwich au bar, Andrew Harris arriva pour jouer le rôle du protagoniste copain-copain. Vous savez, ce genre de personne qui juste après avoir pris la bonne quantité d’alcool décide de faire monter les enjeux.

« Andrew est l’un de mes assistants entraîneurs et il possède maintenant une part dans le cheval, » dit Coleman. « Je lui en ai fait acheter une part à cause de cette histoire… à n’importe quel prix, dit-il. ‘Allons voir ce trotteur. Je l’aime vraiment.’ »

C’est un appât assez simple, Coleman mord à l’hameçon et les deux s’en vont visualiser la vidéo promotionnelle. Peu après, verre à la main, Coleman se retrouve dans l’aire de vente.

« Alors, Crazzy Crazzy marche dans l’arène prêt pour la vente et je le regarde en pensant je pense qu’il a l’air correct, » dit Coleman dans un rire se remémorant son souvenir confus.

Coleman, qui avait besoin d’un petit encouragement, fut alors invitée par le groupe disparate composé de Sorella, Harris et l’assistant entraîneur Anthony Beaton, qui lui chantait ‘achète-le, achète-le.’!

Elle est sur le point de céder, mais la Coleman pratique, qui choisit normalement et de façon obsessive et studieuse sa chair hippique, a encore besoin d’une autre petite poussée.

« Je regarde l’auditoire et je vois celui qui renchérissait, cétait Tyler Rayner, » dit Coleman. « Je ne le connais pas bien, mais je sais qu’il réussit bien avec les trotteurs. Alors quand je constate qu’il surenchère, je me dis qu’il a dû examiner ce cheval… parce que je sais que je l’ai pas fait. Et je dis ‘et bien, il est peut-être correct.’ »

Le marteau du commissaire-priseur est tombé à 27 000 $ et Coleman et son groupe ont explosé.

« Nous sautions de joie en nous congratulant tout comme si nous venions de gagner le Little Brown Jug, » dit-elle d’un air penaud.

Le remords du buveur s’installa presque immédiatement.

« Avant un encan, je visite toutes les fermes, et celles de qui je finis par acheter, je les aurai vues au moins six ou sept fois et souvent 10 ou 12 fois, soit jusqu’au moment de les amener dans l’arène, afin de m’assurer que je ne manque rien, » dit Coleman. « Mais cette fois, ce trotteur particulier, je n’y ai même pas posé les yeux, si ce n’est qu’après l’avoir acheté. »

Coleman, pendant que l’encre séchait sur le bon d’achat, décida qu’elle devait absolument voir le cheval.

« Nous allons payer une visite chez Steve et Cindy Stewart, les consignataires, à la ferme Hunterton Farms, » de dire Coleman. « Je les connais bien et j’ai quelques poulinières chez eux. De plus, j’ai acheté Sportstwriter d’eux.

Coleman demande alors à Cindy de sortir Crazzy Crazzy, ce qui surprit la consignataire confuse. « Premièrement, il est déjà vendu, » dit Cindy, et comme elle connaît bien sa clientèle elle ajouta « et deuxièment, c’est un trotteur. »

« Non, je l’ai acheté, » dit Coleman.

« Quoi? Tu n’as même jamais vu ce cheval auparavant! » s’exclame Cindy.

Et même si elle avait vu le cheval en double, ils l’ont surnommé ‘Vodka’, grâce à cette aventure bien arrosée de Grey Goose, et c’est une beuverie qu’elle ne peut regretter.

« Adriano m’a texté après cette première victoire et disait, ‘j’ai hâte d’acheter d’autres trotteurs’. Nous remplissons l’écurie de trotteurs et te fournissons encore de la Grey Goose! » dit Coleman en ricanant. Elle qui tremble encore de ce souvenir de gueule de bois, ponctue son histoire de la plainte classique du buveur qui va ainsi, « je ne boirai plus jamais à un encan. »

Il importe peu à Dave Menary de devoir dépenser un peu d’argent pour obtenir le bon cheval.

À l’encan annuel des yearlings canadiens en 2012 de Standardbred Canada, Menary a investi 90 000 $ pour l’acquisition de Warrawee Phoenix, le cheval le plus cher de la première session de l’encan. Son pedigree et son apparence ont fait monter les enchères pour le frère de Camluck, gagnant du O’Brien Award 2011, Warrawee Needy.

Menary a fait monter les enjeux à 60 000 $ pour ramener à la maison Prodigal Seelster à l’encan de Forest City Yearling 2009, et ce cheval de la lignée de Camluck a récompensé Dave par des gains en carrière de tout près de 1 M $.

Parfois, en revanche, il semble que vous ne dépensiez pas assez à l’encan.

Tel fut le cas lors de l’encan Canadian Open Yearling Sale de 2009 alors que Menary misait plus bas sur le champion de 2010 du Metro Pace, Mystician.

Le cheval bai issu de la lignée Camluck a été adjugé pour la somme de 45 000 $... et a poursuivi en empochant 1,8 M $.

C’est un sport difficile. Et comme les hauts et les bas du sport vous portent à vous remettre en question, le destin pousse parfois droit entre vos mains, un cheval dont vous ne pensiez pas avoir besoin.

Il semble bien que le destin soit intervenu pour Menary avec l’ambleur de deux ans, Hes Watching, acheté, à peu de frais lors de l’Encan 2012 à Harrisburg.

Tout comme Casie Coleman, Menary est ce genre d’acheteur qui doit voir un cheval à plusieurs reprises avant d’ouvrir son portefeuille.

« Quand je vais à Harrisburg, j’examine un nombre fou de yearlings et j’essaie de les voir aussi souvent que je le peux avant l’encan, ce qui sauve énormément de temps. Ceux sur lesquels je veux me concentrer quant à leur achat possible, je les examine encore et encore, » dit Menary.

Dès qu’il a en mains le catalogue de Harrisburg, Menary suit un système très spécifique.

« J’analyse chaque yearling d’élevage ontarien, poulain, jument, trotteur, ambleur et par la suite chaque ambleur d’élevage new-yorkais, chaque descendant de ‘Somebeach’, et cette année, chaque produit Well Said, » dit Menary. « Hes Watching est arrivé sur ma liste étant un produit d’élevage de New York. Il m’a vraiment impressionné quand je l’ai vu et qu’il ne suscitait que des mises peu élevées du fait qu’il était né sur le tard, donc, qu’il était petit au moment de l’encan. »

La taille, la conformation et le pedigree sont des éléments clé pour un acheteur dans son évaluation d’un yearling. Mais un peu de jugement a joué un grand rôle en faveur de Hes Watching, né le 13 juin (non, non, pas un vendredi) en 2011, à entrer dans l’écurie Menary.

« Quand on examine plusieurs poulains nés en février et mars, ces quelques mois de croissance additionnels font toute une différence à ce stade-là de leur vie, » dit Menary. « À part sa taille, j’ai pensé que le poulain avait un bon pedigree et qu’il provenait d’une bonne écurie. Ayant été élevé à Brittany, il avait toutes les chances. »

Examiner le cheval est primordial pour l’évaluation de Menary - - il n’est pas du genre à regarder une vidéo.

« Les vidéos sont surnaturelles. Elles sont trop travaillées, trop courtes. On vous montre souvent les mêmes séquences plus d’une fois. Voir des ambleurs trotter dans un pré ne reflète pas la façon dont ils ambleront, » de dire Menary.

De plus, pourquoi rester à la maison quand vous pouvez voyager avec style?

« Les fermes sont très accommodantes. Plusieurs d’entre elles nous amènent chez elles par avion pour examiner leurs yearlings, parce qu’elles font du bon travail dans leur champ d’action, » dit Menary. « C’est bien de voir un cheval dans son environnement familier, cela permet de raccourcir notre liste. Je peux aller à Hanover Shoe Farms et voir plus d’une centaine de chevaux et quand je reviendrai pour l’encan, je pourrais en revoir une douzaine parmi cette centaine. Cela vous aide à prioriser votre liste de priorités. »

Âgé de 34 ans, Menary sait qu’il a toute une vie d’apprentissage devant lui. L’achat de chevaux est une forme d’art basé sur l’expérience - - dispendieux, frustrant, qui bien souvent s’avère une expérience assommante.

« Il y a une courbe d’apprentissage. Durant quelque deux ans, je crois que je me fiais un peu trop sur la conformation, » admet Menary. « Vous pouvez acheter le cheval parfait, mais sans le pedigree, vous vous retrouverez avec un cheval sain qui ne court pas très vite. Il vous faut trouver un équilibre. »

« Plusieurs de mes décisions sont fondées sur le pedigree. J’ai aussi une assez bonne mémoire, alors quand j’ai examiné un foal, je peux me rappeler du foal que la jument a eu il y a un an. Si une jument a eu six foals, je peux comparer celui qui m’intéresse à chacun des six qu’elle a eus durant toute sa vie. »

Bien qu’une grande part du processus est fondée sur la science et la physicalité, il s’y mêle une petite dose d’intervention spirituelle.

« Il y a tellement de variables, mais en ce qui me concerne, à la fin, chacun d’eux doit avoir cette étincelle dans les yeux, » dit Menary. « Il faut qu’il y ait quelque chose à leur sujet que vous aimez vraiment parce que si ce n’est pas le cas, le jour où vous les ramènerez à la maison, vous ne tomberez probablement jamais en amour avec eux. »

Je pense qu’on pourrait dire que Menary croit au coup de foudre - - et ses standards sont assez élevés.

« Je n’achèterai jamais un cheval qui louche, mais j’aime voir un cheval au gros derrière. Chaque cheval de mon écurie a un gros derrière, » dit-il en riant. « Il y a des imperfections et des défauts que je peux laisser passer et d’autres non. »

Et dans un moment significatif de ce récit, le côté frugal de Menary transparaît.

« Parfois vous pouvez conclure un marché si vous vous montrez un peu indulgent, » dit-il. « Nous ne pouvons pas tous partir et acheter dix yearlings d’une valeur de 100 OO0 $ chacun à tous les ans. »

Ce qui fait que c’est exactement de cette façon que Hes Watching s’est retrouvé dans l’écurie de Menary.

« J’aurais facilement pu passer à côté. Pour être honnête, je ne cherchais pas à acheter un American Ideal bon marché, » commence Menary. « À ce moment-là, je n’avais même pas réalisé qu’il était le suivant dans le ring. Mais quand il est entré, je me suis dit ‘voici ce petit poulain de Hunterton que j’aime’. J’ai levé la main deux fois et sans avoir véritablement eu l’intention de l’acheter, il était ma propriété. »

Pour tout juste 3 000 $, Menary aurait pu laisser filer l’un des meilleurs chevaux à vendre.

Hes Watching se trouve peut-être un peu hors radar présentement, mais transposez ce début prolifique à sa carrière. Après deux qualifications et deux départs sur des tracés d’un demi-mille dans l’État de New York, Hes Watching doit d’abord goûter à la défaite.

Lors de son début en course à Saratoga, Hes Watching a laissé la barrière avec une cote de 2-5 dans une division de 46 631 $ du New York Sire Stakes à Saratoga avec Jim Morrill Jr comme conducteur.

À mi-chemin du premier tournant, Hes Watching a brisé son allure. C’aurait pu signifier la fin de sa course, mais pas pour lui.

Morrill l’a ramené à son allure et il a rapidement commencé à combler l’espace.

Après avoir cédé 15 longueurs au peloton au départ de la course, Hes Watching à sa volonté, a changé de vitesses se rapprochant à trois longueurs et trois quarts de la tête au poteau des trois-quarts pour terminer sa percutante performance par une victoire en 1:55 par trois-quarts de longueur. Sans aucun doute, la division la plus rapide de ce jour-là.

Le poulain bai élevé par Brittany Farms et Robert & Karin Olsson Burgess, a amblé la dernière moitié en :56.2.

Il aurait pu s’agir de l’unique performance de sa vie. Mais Hes Watching a décidé d’y aller pour un rappel douze jours plus tard.

Cette fois au Buffalo Raceway, et une fois encore, le favori prohibitif, Hes Watching part de l’inquiétante septième position et casse au premier quart, ce qui le plaça au dernier rang du peloton de sept chevaux.

Qu’à cela ne tienne. Morrill le ramène à son allure et en un clin d’œil la paire attaque le peloton et se trouve deux longueurs en avant à la mi-course, après avoir amblé un deuxième quart en :28.2.

Le résultat final s’est conclu par une performance établissant un record de piste, brisant ainsi le précédent record de piste réussi par Heston Blue Chip pour les deux ans, à la suite d’une victoire par une longueur et demie en 1:55.4.

Menary admet pleinement que le destin et la chance ont joué leur part dans l’expérience d’achat de ce yearling spécial.

« Il est inscrit à peu de courses stakes cette année, » de dire Menary avec un hochement de la tête. « Je payais des stakes pour beaucoup de jeunes chevaux cet hiver, et il est difficile de rêver par rapport à cet American Ideal de 3 000 $.

Peut-être n’est-ce que le fruit d’un dur labeur.

« J’étais au bon endroit au bon moment. Vous feriez probablement faillite si vous essayiez d’acheter une poignée de yearlings de 3 000 $ à chaque année. J’ai juste eu assez de chance d’être le dernier à miser, » avec un haussement d’épaules.

Mais en ce qui concerne des gagnants constants comme Coleman et Menary, il faut que vous soyez bons pour être chanceux.

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