ET SI SOMEBEACHSOMEWHERE AVAIT COURU À QUATRE ANS?

Dans le livre de Philip K. Dicks, intitulé ‘Le Maître du Haut Château’, le lecteur est amené à faire son entrée dans un univers alternatif de l’Amérique du Nord des années 1960,

alors que les Alliés avaient perdu la Deuxième Guerre Mondiale et que l’Amérique du Nord était sous le contrôle de l’Allemagne Nazie à l’Est et de l’Empire Japonais à l’Ouest. Dans une pièce fictive beaucoup moins dramatique, TROT s’est demandé à quoi le monde des courses Standardbred aurait pu ressembler si le grand Somebeachsomewhere n’avait pas été mis à la retraite pour être destiné à la reproduction à la Hanover Shoe Farms à la fin de sa deuxième saison, mais plutôt avait poursuivi la course jusqu’à l’âge de quatre ans. Par Justin Fisher / Traduction Louise Rioux

Et si...

NOUS SOMMES AU 15 JUIN 2019 : c’est la soirée de la North America Cup à Woodbine Mohawk Park. ‘Captain Crunch’ n’est encore qu’une marque de céréales et ‘Workin Ona Mystery’ n’est qu’une phrase d’une chanson de Tom Petty. Ils ne sont pas des chevaux de course champions, car leur géniteur, Captaintreacherous, dans le cadre de ce qu’aurait été la première récolte de Somebeachsomewhere, n’était pas encore né. Bettors Wish gagne la North America Cup lors de courses ‘stakes’ records en route vers une campagne de ses deux ans de l’ordre de 2 M $. L’Hippodrome de Montréal présente encore des courses en direct devant de grandes foules à tous les dimanches, et les courses en Colombie-Britannique ont un bel avenir, tout cela à cause d’un cheval, il y a une dizaine d’années, ayant couru 17 fois à l’âge de quatre ans. Ce cheval était Somebeachsomewhere.

Dans un univers parallèle, dans lequel ‘The Beach’ reviendrait pour la saison de ses 4 ans, quelle serait l’ampleur de la différence dans laquelle le monde des courses sous harnais évoluerait? Manifestement, sa première récolte de poulains cesse d’exister, alors ceux de Sunshine Beach, Somewhereovrarainbow, ainsi que Captaintreacherous susmentionnés, ne se sont jamais alignés derrière une barrière de départ, ni aucun de leur progéniture.

Mais comment en sommes-nous arrivés là?

En réalité, tout en lançant une charge dans le but d’obtenir quelque reconnaissance pour les ‘Chevaux canadiens’ de la part du comité qui allait voter pour le Lou Marsh Award à la fin de 2008, Darryl Kaplan de Standardbred Canada, a réfléchi sur ce qu’il faudrait faire pour obtenir que les équipiers de Beach le ramènent à ses quatre ans. Se pourrait-il que des pistes de courses et des associations à travers le Canada et les États-Unis, ajoutent suffisamment d’argent aux bourses pour les événements de Course Open, et peut-être créer suffisamment d’événements Invitation pour les quatre ans, pour que la Schooner Stable puisse faire plus d’argent en faisant courir ses superstars en 2009 plutôt que les destiner à la reproduction?

Le problème est apparu avant que Somebeachsomewhere puisse obtenir que son nom soit ajouté à la liste des finissants de Lou Marsh, le président du Lou Marsh Committee, SilkenLaumann ayant fait passer un règlement à l’effet que ‘seul un humain pouvait gagner la récompense’, et donc avant que Kaplan puisse même essayer de recueillir des appuis pour des courses supplémentaires et des bourses, il fut annoncé, en octobre, que le Beach allait prendre sa retraite pour se consacrer à l’élevage à la Hanover Shoe Farms.

Tout comme dans Le Maître du Haut Château toutefois, si vous pouvez vous ouvrir l’esprit et accepter que ce ne soit qu’une simple tournure du destin…

AOÛT/SEPTEMBRE 2008 :
On annonce, à la grande surprise de plusieurs, qu’après plusieurs mois de négociations avec les hippodromes, les gouvernements provinciaux, les associations chevalines et commanditaires des courses, Somebeachsomewhere allait revenir aux courses pour sa quatrième campagne,

NOVEMBRE 2008 :
Suite à la confirmation du retour de Beach, une firme d’investissement privée de Montréal achète la propriété de l’Hippodrome de Montréal, et garantit au moins une année supplémentaire de courses, ainsi qu’un Prix d’Été ravivé de 500 000 $ pour ambleurs âgés. La légendaire piste de course qui devait fermer à tout jamais après le programme du 30 novembre 2008, semble s’être vu accorder un sursis.

HIVER 2008/2009 :
Tandis que Brent MacGrath entraîne son élève étoile en Floride, il est annoncé que la Old Home Week ainsi que la Gold Cup & Saucer seront présentées lors de la semaine du Canada Day cette année, pour accommoder l’horaire de Beach. En plus du changement de date, le gouvernement de l’Ïle-du-Prince-Édouard allouerait jusqu’à 450 000 $ à la bourse. Deux jours plus tard, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a emboîté le pas et accordé 300 000 $ pour un événement « Somebeachsomewhere Retirement Pace » au Truro Raceway à être disputé en décembre 2009, en autant que la course pouvait être confirmée comme étant son dernier départ en carrière. Il est aussi annoncé que l’horaire de Beach l’amènera d’une côte à l’autre grâce à la commandite d’une course par Telus à Fraser Downs et le Gouvernement de l’Alberta ainsi qu’avec la Horse Racing Alberta allouant les fonds pour la tenue d’un Invitational Pace de 300 000 $ à être tenu le même jour que le Western Canadian Pacing Derby.

MAI 2009 :
Après avoir hiverné au sud de la Floride, The Beach est revenu en Ontario pour se qualifier en préparation pour son premier départ en 2009. Une page spécifique sur Facebook à l’intention de The Beach est créée pour informer la foule, et dénombre 10 000 adeptes en une semaine. Somebeachsomewhere ainsi que Paul MacDonell se qualifient facilement aux environs de Mohawk en 1:50.4, devant approximativement 1 000 spectateurs et équipes de nouvelles de partout à travers la GTA.

LE 29 MAI, AU WESTERN FAIR RACEWAY :
Il avait été annoncé plus tôt, qu’en vertu de la présence de Beach au Molson Pace, le commanditaire de la course, Molson Brewery ajoutait une somme de 250 000 $, augmentant ainsi la bourse totale à 533 000 $. Se doutant que tous les opposants qui ne le pensaient pas prêt à faire face à la compétition âgée dès maintenant, The Beach allait établir un record de piste de 1:50.1, record qui tient toujours aujourd’hui, et ce devant environ 10 000 fans admiratifs.

LE 13 JUIN, MOHAWK RACETRACK :
Après avoir triomphé la semaine précédente lors de son élimination, SBSW poursuivit son chemin de la victoire en participant à la HPIBet Classic Pace, d’une valeur de 440 000 $, établissant une marque record de piste, qui tient toujours à ce jour, de 1:46.4. L’assistance, qui avait volontiers payé 20 $ pour assister à cette soirée, le surplus d’argent contribuant à financer la bourse, s’élevait à 17 232.

LE 21 JUIN, RIDEAU CARLETON :
Pour accommoder l’horaire de Beach, le Des Smith Classic Pace fut devancé d’une semaine, et l’étoile du spectacle a brillé dans la capitale nationale pour le plaisir de milliers de personnes, établissant sa troisième marque de la saison après avoir arrêté le temps à 1:48.4. Le trophée et la couverture lui furent présentés par le Premier Ministre Stephen Harper qui assistait aux courses avec d’autres membres de son cabinet. Une photographie du Beach, en compagnie du Premier Ministre, ainsi que des membres de l’équipe du cheval, a fait les manchettes et la une des multiples journaux canadiens le matin suivant.

LE 3 JUILLET, CHARLOTTETOWN DRIVING PARK :
Après un triomphe en Gold Cup & Saucer devant une assistance rapportée de 30 000 amateurs, ainsi qu’un autre record de piste, TSN introduit un segment hebdomadaire intitulé ‘Beach Watch’ sur Sportscentre afin de maintenir l’information à jour pour les amateurs concernant le super cheval, celui-ci partant vers le sud pour une tournée planifiée de cinq courses aux États-Unis.

LE 22 AOÛT, THE MEADOWLANDS :
The Beach complète sa tournée américaine par un cinq en cinq, gagnant le William Haughton, Ben Franklin, ainsi que l’U.S. Pacing Championship, et lors de son départ final au sud de la frontière, établissant un record mondial de 1.45.4 dans la finale de la Breeders Crown à The Meadowlands. La victoire au U.S. Pacing Championship a été réalisée le jour du Hambleton Day et diffusée en direct sur NBC Sports devant le plus grand auditoire de tous les temps à avoir regardé une course attelée sur l’ovale d’East Rutherford.

LE 23 AOÛT :
On annonce qu’à la conclusion de sa campagne, Somebeachsomewhere offrira ses services de reproducteur à la Hanover Shoe Farms pour la somme de 30 000 $ U.S., (une modique somme de 10 000 $ supplémentaire par poulain au montant pour lequel il a, en réalité, participé à titre de reproducteur à sa première année.)

LE 24 AOÛT :
À la suite de son balayage aux États-Unis, ayant gagné 1 114 000 $ et après avoir abaissé son propre record mondial de tous les temps â deux reprises, Somebeachsomewhere a accompli quelque chose n’ayant jamais été fait en plus de 40 ans. Pour la première fois depuis que Nevele Pride et Stanley Dancer l’ont réalisé en 1968, un Standardbred fera la page couverture du Sports Illustrated.

LE 1ER SEPTEMBRE :
Sous l’immense pression de l’ensemble du pays, la controversée décision de l’année de Silken Laumann est renversée, et le comité Lou Marsh Award annonce que les athlètes non-humains sont, de fait, éligibles à la récompense. La page Facebook de Somebeachsomewhere totalise un million de ‘j’aime’.

LE 5 SEPTEMBRE : MOHAWK RACETRACK :
Un improbable nombre de 35 000 amateurs se rendent à Mohawk, avec quelque part aux environs de 10 000 d’entre eux placés au champ intérieur, pour voir The Beach continuer la campagne de ses quatre ans en gagnant le Canadian Pacing Derby avec un temps record de 1:47.1 dans une course ‘stake’.

LE 18 SEPTEMBRE, À L’HIPPODROME DE MONTRÉAL :
Résultant d’une campagne de marketing dynamique, de l’augmentation des bourses et de l’assistance, et de l’anticipation d’assister à une présence de The Beach, il est annoncé que les courses continueront à Montréal pour un avenir prévisible. Près de 25 000 amateurs se sont présentés pour assister à la renaissance du Prix D’Été ainsi qu’une autre victoire dominante du super cheval du Canada.

LE 24 OCTOBRE, WOODBINE RACETRACK :
Dans ce qui s’avérera être le dernier départ de The Beach en Ontario, la piste Woodbine Racetrack, remplie à capacité, le soir de la Breeders Crown pour les deux et trois ans et demi, regarde SBSW présenter la Woodbine Gold Cup à une foule qui fait que cela ressemble plus à un match de soccer européen, plutôt qu’à une course de chevaux Standardbreds Canadiens.

LE 21 NOVEMBRE, FRASER DOWNS :
The Beach fait sa seule apparition en carrière à Fraser Downs, lors du Telus Invitational Pace, et bien qu’il gagne confortablement par 11 longueurs, il établit encore un nouveau record de piste – un qui, éventuellement, serait dépassé. La foule est la plus grosse de l’histoire des courses en Colombie-Britannique, et avec l’excitation créée aux environs de la région de Vancouver, son unique course là-bas, joue un grand rôle en remettant sur pied et sur une base solide les courses dans la province pour des années à venir.

LE 28 NOVEMBRE, NORTHLANDS PARK :
En raison de l’enthousiasme créé par The Beach, tant avant qu’après son départ à Northlands, là où il a établi un record de piste en 1:49.1, jamais dépassé encore aujourd’hui, la construction d’une nouvelle piste à Calgary est accélérée, et Century Downs ouvre en mai 2011 – pas en mai 2015.

LE 14 DÉCEMBRE 2009 :
Somebeachsomewhere est nommé l’une des personnalités de l’actualité de l’année 2009 du Magazine Maclean et apparaît en page couverture de ce numéro.

LE 15 DÉCEMBRE 2009 :
Choquant plusieurs participants au monde des sports d’intérêt général, il est annoncé que Somebeachsomewhere est le récipiendaire 2009 du Lou Marsh Award à titre de meilleur athlète Canadien, battant de justesse Sidney Crosby pour le titre.

LE 20 DÉCEMBRE, TRURO RACEWAY :
Se terminant là où tout a commencé, sur la piste où Brent MacGrath a mené Somebeachsomewhere pour l’enregistrement des trois premières lignes de course de sa carrière – toutes en qualifications – Paul MacDonell et le fils de Mach Three ont couronné leur saison de 17 en 17 pour les quatre ans en gagnant par la longueur du droit devant des milliers d’amateurs en adoration à Truro. C’était toute une finale pour ‘Beach Party’ pour presque tout le monde, et jamais plus pour seulement plusieurs, appelant le plus grand Standardbred à n’avoir jamais regardé à travers une bride.

Après sa retraite et se dirigeant vers l’élevage après la saison 2009, plutôt que celle de 2008 comme dans notre monde, la première récolte de Beach allait entrer en piste en 2013. Tel que mentionné précédemment, Captaintreacherous, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’existe tout simplement pas dans ce monde. Est-ce que Worldly Treasure est toujours accouplée à The Beach en 2010, avec le résultat que Captaintreacherous est un an plus jeune? Peut-être, peut-être pas. La même chose peut être dite à propos de Somewherovarainbow - est-ce que Rainbow Blue est encore accouplée à The Beach une année plus tard? Impossible à dire, mais nous savons que ni l’un ni l’autre n’était né en 2010, ça c’est certain. Le paysage des courses, si Beach avait couru à quatre ans, serait considérablement différent de ce que nous en savons aujourd’hui. Avec l’exclusion de Captaintreacherous seulement, la gagnante de la North America Cup de 2013 devient Twilight Bonfire, un cheval, qui, dans notre monde n’a mis au monde que 12 poulains qui ont gagné un total de 49 402 $. Impossible à dire, mais peut-être qu’en tant que gagnante d’une N. A. Cup, la carrière de son étalon aurait pu être un peu meilleure?

Il y a d’innombrables scenarios imaginaires comme ceux-là auxquels vous pourriez rêver pour le plaisir, si vous aimiez cela. Tony Alagna, Myron Bell, et al, n’apprécieraient certainement pas ce scénario, mais ç’en est un auquel ils n’ont pas à rêver – ou plutôt à faire de cauchemar – de toute façon.

Bettors Wish, pour un, a connu une étonnante carrière, mais s’il n’y avait pas eu Captaintreacherous, aurait-ce pu être mieux? Dans notre monde, en tant que trois-ans, il a connu 13-6-0 départs pour un total de 19, terminant finaliste au Captain Crunch en North America Cup et Cane Pace. Mais si The Beach course à quatre ans et qu’il n’y a pas de Captain Crunch (ne le dites pas à Nancy Takter), Bettors Wish gagne les deux courses ainsi qu’une autre dans le Messenger. Le Messenger 2019 a été gagné par American Mercury dont la mère est aussi d’une première portée de Somebeachsomewhere, alors si The Beach avait coursé à quatre ans, elle n’aurait jamais vu le jour.

Un autre de ces cas de différences sans fin, par exemple, ‘Qui aurait été la poulinière ambleuse dominante de trois ans de 2020? S’il n’y a pas de Captaintreacherous, il n’y a pas de Lyons Sentinel, Reflect With Me, ou Party Girl Hill non plus.

La seule façon dont Somebeachsomewhere aurait coursé à quatre ans aurait été du fait qu’il aurait été financièrement prudent aux yeux de son groupe de propriétaires d’agir ainsi. Les gens disent que ce n’était pas possible, mais l’était-ce? Dans notre monde, il a été retraité et a engendré 125 et 120 poulains au cours des deux années suivantes, à des frais de saillie de 20 000 $ - soit 4,9 M $. Dans le scénario ci-haut, il aurait fait près de 3 M $ en piste avec en plus les bourses ajoutées de 2009, et s’il avait encore engendré 125 poulains vivants dans sa première année, avec des frais de saillie de 30 K $, ils auraient eu 6,75 M $ de revenus au cours de la même période de deux ans, tout en promouvant notre sport par dix sur tout le continent.

C’est tout ce que nous disions depuis le début toutefois – de la pure fiction. Notre univers alternatif en est un de notre scénario mondial, et de toute évidence, il n’a pas fonctionné. Personne ne doute des connections ou ne suggère que cela aurait été sensé selon eux d’avoir fait cela de façon différente. Ils ont fait courser le cheval durant presque toute une carrière parfaite de deux ans en piste, et Hanover a aidé à en faire l’un des plus grands étalons de tous les temps – même avec son décès prématuré en 2008.

Il n’y a pas de doute, d’un autre côté, qu’une autre année en piste pour The Beach aurait créé beaucoup d’engouement pour notre sport, et aurait pu donner au sport beaucoup de visibilité dans les grands médias. Y aura-t-il un jour un autre Somebeachsomewhere? Espérons-le. Et s’il y en a un…

Cet article a été publié dans le numéro d'avril de TROT Magazine.
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