Ce n’est un secret pour personne, le légendaire conducteur nouvellement intronisé au Temple de la renommée en 2011, Steve Condren, a été absent de la scène des courses pour la
majeure partie de cette saison, et, modeste comme toujours, il a gardé les raisons de ce congé sabbatique bien cachées. Mais ici, en plein milieu de sa phase de rétablissement d’un cancer du côlon, Condren partage son histoire avec l’auteur souvent primé (et cher ami), Rob Longley.
Bien qu’ayant passé une grande partie des trois dernières décennies comme l’un des conducteurs de relève les mieux avisés du sport, Steve Condren semble si calme sur le sulky qu’on serait porté à se demander s’il a un pouls, sinon le mordant d’un bagarreur.
Vous croyez que vous et Condren pensez ‘cool’. Que ce soit le chronométrage parfait d’un ralliement dans un droit ou sa posture sculpturale derrière un cheval, son style a longtemps été l’objet d’une sous-évaluation et sa précision plus qu’un éclair artificiel.
Calme ou pas, avec ses 6 621 victoires enregistrées au cours d’une carrière stellaire, ce natif de St. Catharines, Ontario, n’a aucunement l’intention de mettre fin au party de si tôt. Condren en connaît parfaitement plus sur le fait de gagner que de perdre. Alors quand les choses se sont retrouvées parsemées d’embûches, peu de temps après avoir reçu son diagnostic de cancer du côlon ce printemps, un feu rarement vu chez cet homme de 54 ans, a émergé à la surface. Et il s’agissait d’une explosion d’émotions ayant ultimement changé le cours de sa vie.
Ce qui s’annonçait être un été fabuleux pour le tout nouvel intronisé au Temple de la renommée, fut obscurci par le fait que c’est aussi l’été où il est devenu un patient cancéreux. Imaginez ce qui a bien pu lui trotter dans la tête, quand, quelques jours à peine après avoir été diagnostiqué, les nouvelles ont progressivement empiré.
Après avoir reçu son verdict initial de même que son protocole de traitement dans un hôpital du sud de l’Ontario, Condren admet qu’il a failli lâcher prise. Encore sous le coup de l’émotion pour se faire à cette idée, le pronostic brutal de même que le plan d’action pour s’en débarrasser lui sont apparus comme un choc – et il a trouvé insultante la façon avec laquelle on l’a traité.
Condren apprit que la colostomie rendue nécessaire après l’ablation d’une tumeur à l’intestin serait probablement permanente – ce qui signifiait la fin de sa carrière,,, et bien plus encore. « Quand les médecins m’ont dit de me préparer au fait que je ne sois jamais recousu, » se rappelle-t-il, « parce que la tumeur était très mal située, je pense que j’ai mal réagi. ‘Ne vous inquiétez pas’ m’ont-ils dit. ‘C’est la vie que nous essayons de vous sauver’. Il va sans dire que je n’avais pas l’impression de recevoir beaucoup de compassion. »
Avec à ses côtés, son épouse, Carol, Condren est sorti de l’hôpital fulminant et entreprit immédiatement ses recherches d’autres options et avis. Avant la fin de la journée, il avait contacté le Dr Robin McLeod, une spécialiste de renom dans le traitement des maladies de l’intestin, qui a tout de suite accepté de lui donner une seconde opinion. « Elle m’a rencontré le lendemain matin – et on parle ici d’une chirurgienne de très bonne réputation, une vraie étoile dans son domaine – et en cinq minutes, toute son équipe était réunie, » dit Condren de ce médecin basé à Toronto. « Ils m’ont expliqué l’intervention et la façon dont ils pouvaient rattacher tout cela et qu’elle n’y voyait pas là de problème. Je lui ai demandé si elle pouvait procéder et elle m’a répondu par l’affirmative. »
En cinq jours, ils avaient élaboré un plan d’action.
En plus de la rapidité et du professionnalisme de l’équipe du Dr McLeod, Condren était enthousiasmé par la confirmation que la tumeur pouvait être endiguée et que la chirurgienne croyait qu’il y avait de fortes possibilités que son nouveau patient puisse gagner cette bataille. « D’abord, vous avez de la difficulté à l’accepter, » d’admettre Condren. « Puis, quand vous apprenez que la tumeur peut être contenue, vous continuez. »
Bien que bien enclenché, le plan de traitement est loin d’être terminé – et en effet, le plus difficile reste à venir, plus particulièrement la chirurgie qui enlèvera la tumeur, laquelle est prévue pour le début de septembre.
Mais en utilisant un emprunt dans les commentaires de sa profession, Condren a couru un bon demi-mille déjà… de la course la plus importante de sa vie. Le traitement initial comprend cinq semaines de radiothérapie et de chimiothérapie, une corvée quotidienne qui le vidait de toute son énergie. Chaque jour de la semaine, le matin, Condren et son épouse partaient de leur domicile de Milton peu après 5 h, pour effectuer un trajet d’au moins 45 minutes vers le Princess Margaret Hospital de Toronto, où la chimie et la radiation lui étaient injectées pour s’attaquer à cette saleté qui se trouvait dans son corps.
Après avoir survécu à ce supplice, qui a pris fin au début d’août, Condren se prépare et rassemble ses forces pour la prochaine étape de son combat, celle de la salle d’opération. « Cela vous jette par terre, mais il me semble que plus j’en reçois, mieux je me sens, » me dit Condren lors d’un lunch un jour – à peine quelques heures après avoir reçu un de ces traitements. » Le radiologiste a peine à croire que j’aie si bien répondu à ces traitements. »
« Je n’ai pas perdu de cheveux et je n’ai perdu que quelque huit livres, » ajoute-t-il. « Le pire dans tout cela c’est que je venais d’atteindre les 140 et quelques livres tout juste avant de recevoir mon diagnostic et j’en étais bien heureux. »
En effet, (et presque incroyablement), Condren ne paraît pas plus mal question vestimentaire, même à la fin d’une journée de sa première série de traitements. Notre conversation se déroule sur un ton optimiste et drôle, et parfois même avec un sens d’autodérision brutal. En d’autres mots, je lunch avec le Condren des beaux jours… pas simplement avec un Condren plus âgé.
Bien que ne refusant pas les vœux de rétablissement, Condren ne veut pas de sympathie, ni être le centre d’attraction. Son désir d’éviter toute agitation, voilà la raison pour laquelle depuis qu’il a informé les officiels de Woodbine Entertainment Group de sa maladie au mois de mai, Condren n’est pas retourné du tout à l’hippodrome. Sa présence à la cérémonie d’intronisation au Temple de la renommée, en fait, était son tout premier contact avec ses collègues de course autrement que par téléphone. « Je ne veux pas que les gens fassent toute une histoire autour de moi, » de répondre Condren quand je lui demande pourquoi il s’est éloigné.
Si cela vous paraît quelque peu comme un homme s’apitoyant sur son sort, je pense que c’est mal connaître Condren. Ce n’est pas qu’il se soit isolé dans le sous-sol de sa maison attendant que le cancer se guérisse par lui-même.
Durant la majeure partie de sa vie adulte, sa passion hormis celle de mener des milliers de chevaux à la victoire est certainement d’apporter ses bâtons de golf au club de golf. En effet, c’est au Trafalgar Golf and Country Club (où il a longtemps été membre), que Condren a trouvé son plus grand groupe de soutien. Aller au club de golf presque tous les jours au cours de son traitement, s’est avéré un exercice thérapeutique bénéfique, tant sur le plan physique que mental.
« Il doit y avoir eu des périodes où il ne se sentait pas bien, mais il a poursuivi ses efforts, » selon le professionnel du club Trafalgar, Fraser McIntyre. « Il m’a dit une fois qu’il avait l’impression que quand il marchait sur un terrain de golf, c’était comme si le mal s’en allait. »
« Il n’a pas l’air différent, » d’ajouter McIntyre. « C’est le même gars, le même bonhomme maigrichon qui a réussi à me soutirer de l’argent à plusieurs reprises au cours des ans. Je crois vraiment que cela lui est une grande thérapie – il a même joué le par l’autre jour, alors je peux vous dire qu’il n’a pas trop perdu ses moyens! »
Bien que quand il est revenu au club de golf, Condren a dit qu’il avait de la misère à se pencher pour ramasser sa balle dans la coupe sans se sentir étourdi, et quand il a joué 80, ce fut toute une histoire. Pour un gars qui, de façon routinière peut tirer dans les moyens et bas 70, c’était un tout nouveau sentiment, mais le score ne comptait presque pas. « Le parcours de golf est sensiblement comme l’arrière-droit d’une piste de course – le mot se répand vite, » me dit-il. « Bien des gens sont venus vers moi me disant qu’ils avaient vécu la même chose et qu’ils sont encore là. Mes amis proches au club de golf m’ont été d’un grand soutien. »
« J’essaie de faire quelque chose. Si je ne peux pas jouer au golf, j’essaie de sortir marcher – tout pour faire un peu d’exercice. Si une journée, je me sens trop fatigué pour le faire, c’est alors que je fais l’effort parce que cela me fait me sentir mieux. »
Il n’y a pas de bon moment pour apprendre qu’on a le cancer, certes, mais il y a eu quelques coups au derrière supplémentaires pour Condren quand on lui a annoncé la mauvaise nouvelle. Premièrement, il revenait tout juste de son congé sabbatique annuel en Floride, ce qu’il fait depuis les sept dernières années. Comme ce semble être le cas à chaque printemps, le retour derrière ces puissantes machines chevalines des plus prometteuses, a encore fait recirculer des flots d’énergie en Condren, réénergisant sa passion pour le sport, source d’une belle vie et d’un mode de vie agréables.
À la perspective de guider plus de jeunes chevaux, ce qui fait toujours sa force, s’emmêlait le désir de montrer aux jeunes loups dans le vestiaire des conducteurs du circuit WEG, qu’il l’avait encore.
Peu de temps après son retour par contre, Condren suivit le conseil de son bon ami, Andre St. John, et alla passer une colonoscopie, une procédure se disait-il, qui se voudrait un moment désagréable de la médecine préventive. « La seule chose qui me dérangeait (à propos de ce rendez-vous), c’est que j’avais plusieurs engagements de conduites les jeudi et vendredi, desquels je devais me désister, » dit Condren.
Mais c’était loin du pire.
« Quand vous vous réveillez sur la table de colonoscopie et qu’on vous envoie passer un CT scan parce que vous avez le cancer… a probablement été pour moi, le moment le plus sombre de ma vie, » dit Condren. « Cela et les quatre semaines à attendre le résultat de l’imagerie par résonance magnétique. J’ai vécu environ six semaines sans beaucoup de sommeil. »
Tel que l’inconstance du destin le voudrait, quelques jours après l’annonce de la terrible nouvelle, Condren a reçu un appel encourageant lui apprenant qu’il allait entrer au Temple cet été. Bien que la célébration n’ait pu être aussi étoffée qu’elle ne l’aurait été en des temps plus heureux, l’honneur qui lui échouait a été une distraction bienvenue.
Bien que le traitement ne commencerait pas avant quelques semaines, il se sentait comme à 25 ans encore, après son repos hivernal. Condren prit la décision d’informer le bureau des courses de WEG qu’il allait être à l’écart pour un certain temps. Bien qu’il s’agisse du lot d’un conducteur de relève de remonter sur le sulky aussitôt que possible, Condren dit qu’après son diagnostic, il a rapidement pris sa décision de ne pas conduire. C’était en partie la recommandation du médecin – mais c’était aussi en partie le bon sens. « Les courses des jeunes chevaux allaient commencer, les courses ‘stakes’ aussi et je ne voulais pas me désengager envers les autres, » dit-il en hochant de la tête. « Je ne voulais pas gagner quelques courses et disparaître ensuite. La principale chose est que je ne voulais pas indisposer les entraîneurs qui auraient voulu m’utiliser. »
« C’est ce que je voulais faire. C’était la décision la plus professionnelle à prendre. C’est différent quand vous courez et que vous vous faites frapper et que vous êtes hors circuit durant six mois, mais je savais ce qui s’en venait et que je ne travaillerais pas. Croyez-moi, j’ai fait beaucoup de questionnement personnel, mais continuer à travailler jusqu’à ce que mes traitements commencent, aurait été inéquitable pour les gens pour qui je travaille. »
Outre la période difficile qui a suivi immédiatement son diagnostic, Condren dit qu’il est resté déterminé à chasser la maladie et revenir aux courses attelées quelque part en 2012. Cette inspiration lui vient d’un certain nombre de sources, y compris de son beau-père, Doug Hyatt, qui, selon Condren, a combattu la maladie à trois reprises.
Il y eut aussi cet appel mémorable du propriétaire de standardbred et éleveur, Dr Cal Stiller, président de l’Ontario Institute of Cancer Research; il a conseillé à Condren sur la façon de s’attaquer au diagnostic de plein front. « Il m’a dit qu’une grande partie repose sur le mental, » dit-il. « Il dit que c’est ce qui atteint les gens. J’ai pris cela à cœur. Outre les quatre ou cinq premières semaines, alors que je n’allais vraiment pas bien, j’ai maintenu cette vraie bonne attitude. La pire chose à faire est de s’asseoir et se demander qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter cela? Je me rends au Princess Margaret Hospital et je vois probablement des centaines de personnes qui sont beaucoup plus mal en point que moi. Vraiment révélateur. »
Même si Condren a l’air et se sent bien aujourd’hui, sa plus grande bataille reste à venir. Avec la fin de son premier traitement, il a eu droit à une période de six semaines pour refaire ses forces avant l’intervention chirurgicale prévue pour le début de septembre. Après cela, on lui a dit de s’attendre à vivre avec une colostomie durant six mois. Les étapes suivantes dépendront en partie sur la chirurgie, mais comprendront fort probablement cinq autres semaines de thérapie. En tout, et si tout va bien, il ce sera écoulé au minimum 13 mois à partir du moment où il a couru sa dernière course jusqu’à ce qu’il ait à nouveau la chance de remonter sur le sulky.
Condren sait qu’il aura besoin de chaque once de ses forces et de sa persévérance au cours de la prochaine étape, qui nécessitera son hospitalisation durant 10 jours et le laissera immobile au cours des deux mois suivants. « C’est un protocole très agressif et ils me disent que c’est parce que je suis en bonne forme, » explique Condren. « Quoique jusqu’à ce qu’on y arrive (à la chirurgie), on ne sait jamais… alors l’inquiétude est toujours là, derrière la tête. Ils m’ont donné la possibilité de sortir gagnant de cette épreuve, alors je ne vais pas rester là, tranquille, à ressasser la liste de mes doléances. »
Mais comme vous pouvez vous y attendre, le sport manque à Condren, même plus aujourd’hui puisqu’il est gardé temporairement en hors de sa portée. Le fait de ne pas pouvoir faire son pèlerinage annuel au Delaware, en Ohio et au Little Brown Jug pour la première fois en un quart de siècle, sera très difficile pour lui. Mais encore, il regarde les courses à la télévision avec cette même ardente passion – et la démangeaison d’y retourner. « Disons-le comme cela… l’action me manque, » admet-il. « Je m’ennuie de la camaraderie qui existe dans le vestiaire des conducteurs et je m’ennuie de la compétition. »
Lors de son bref retour en course, Condren a bien su trouver le moyen de se rendre deux fois au cercle du vainqueur, ce faisant, allongeant sa séquence d’au moins une victoire durant 34 années consécutives. Le vétéran a connu sa part de plaisir à répandre cette nouvelle dans le vestiaire des conducteurs, plus particulièrement à l’endroit des jeunes loups qui n’étaient pas encore nés quand il a gagné sa première course.
Y aura-t-il une 35e saison, et d’autres? Allez, misez contre lui – Condren acceptera volontiers votre pari. « Après ma dernière soirée de conduite, j’ai remisé mon casque dans mon casier et j’ai dit au préposé de vestiaire, Chris Baise : ‘Je vais revenir. Je te dirai quand tu devras l’épousseter. »