The Lady of Lorien (French)

Il y a quelques mois à peine, Windsong Soprano a magistralement gagné le Peaceful Way Stakes, doté d’une bourse de 501 600 $, par trois longueurs et quart. Lors du Lexington Bluegrass Stakes d’une bourse de 64 100 $, elle a franchi le fil d’arrivée avec six longueurs d’avance sur son plus proche rival et engrangé 344 337 $ en 7 départs dans ce qui s’annonce être une saison très impressionnante pour une deux ans.

La rapide trotteuse a été achetée pour la somme de 110 000 $ à l’encan de Harrisburg l’an dernier – l’un des trois yearlings achetés en tout ou en partie par Susan Grange pour un total de 630 000 $.

Plutôt une bonne affaire pour sa première tentative en course attelée.

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L’allée centrale est impeccable. Quelqu’un vient tout juste d’arroser le sol, imprimant des traces en huit d’humidité qui rabattent la poussière et rafraîchissent l’air, y laissant flotter le frais parfum d’une écurie bien propre.

En face de la stalle de lavage, derrière des planches de pin fraîchement peinturées, le cheval d’obstacle In Style regarde par l’espace entre les barreaux de fer forgé. Âgé de 13 ans, le gros cheval hongre bai a mené Capitaine Canada – Ian Millar – à une médaille d’argent aux Jeux Olympiques 2008 de Beijing. C’était la première médaille du Canada en sport équestre depuis 1968.

Il sait combien il est spécial, et Grange ne sera pas celle qui le niera pas. Elle l’a importé de Hollande il y a six ans et l’a amené au niveau où il est aujourd’hui.

« Il a été élevé à la bouteille, » dit Grange, levant le bras pour caresser sa grosse étoile blanche. Le cheval baisse la tête et accroche la manche de son coupe-vent marine avec ses lèvres, déclenchant un sourire chez sa propriétaire.

« Sa mère est morte alors qu’il n’était qu’un bébé et il a dû être nourri à la bouteille, » explique Grange, tout en tentant de récupérer son bras. « C’est pourquoi il est enclin à mordiller. »

« Tu as été gâté, n’est-ce pas? » lui dit-elle en souriant.

D’ordinaire, In Style est hébergé avec Millar à sa ferme de Perth, mais Sue a insisté pour que lui soit accordé un repos après Beijing. Pour l’instant, il profite des derniers jours de l’été dans un paddock au vert luxuriant, sans l’ombre d’un obstacle en vue. Au lieu de cela, il admire les 400 acres de paysages à leur état originel en compagnie d’autres champions. Et pour une fois, ils ne sont pas tous destinés au spectacle.

Dans un spacieux paddock aux confins de l’est de la propriété, vous y trouverez trois juments poulinières – des juments de race standardbred – qui, tous gains confondus, ont remporté près de 3 M $ en piste avant de retraiter vers la maternité. Leurs rejetons de 2008, engendrés par l’ambleur et superstar Rocknroll Hanover, gambadent près de la maison alors que ceux de 2007, maintenant des yearlings, mâchouillent du foin dans l’écurie.

Grange peut bien avoir commencé dans des spectacles équestres, mais elle a été attirée en course attelée grâce à la passion de sa mère pour ce sport. Maintenant, elle a un pied dans chacun des deux mondes.

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Lothlorien tire son nom d’une magnifique forêt du livre Le Seigneur des anneaux. « C’est un endroit absolument splendide où vivaient les elfes, » dit Grange en souriant. « Il y avait même une ‘Lady of Lorien’. Nous avons une belle forêt derrière la maison et je trouvais que c’était un joli nom. »

Le moins qu’on puisse dire, c’est un choix approprié pour une ferme qui s’étend sur des centaines d’acres dans un des coins les plus pittoresques de l’Ontario. Perchée au sommet d’une colline, Lothlorien se blottit en toile de fond de l’Escarpement du Niagara. Le temps frisquet de l’automne a permis aux feuilles de revêtir leurs chaudes couleurs automnales, de sorte que les collines qui dévalent derrière les écuries se sont décorées de rouges, jaunes, oranges et bruns si invitants, que les gens de la ville, le jour de l’Action de grâce, viennent s’y balader.

Élevée dans un lotissement des alentours du lac à Mississauga, Grange n’est pas originaire de la campagne. Mais à l’âge de 12 ans, elle a accompagné une amie à ses cours d’équitation et immédiatement, elle est devenue accro aux chevaux. Dès l’âge de 16 ans, Grange a participé à des compétitions équestres sur une grande échelle, elle a parcouru le continent en tant que cavalière de compétition et ce, durant presque deux décennies; au milieu des années 1970, elle a acheté ce terrain de cent acres à Cheltenham sur lequel elle a bâti sa ferme de formation. Mais il y a presque 20 ans, elle s’est infligé une blessure au dos et a été contrainte à quitter un sport qu’elle aimait profondément.

Pendant un certain temps, Grange ne s’est presque plus occupée de l’industrie, jurant qu’elle ne saurait jamais se contenter de n’être que propriétaire. Mais incapable de résister, elle s’est vite retrouvée en selle, voyageant à travers le monde à la recherche des meilleurs prospects parmi les chevaux d’obstacle, et des plus prometteurs, pour représenter sa ferme.

« J’essaie de ne pas acheter ceux qui sont déjà prêts pour les grands prix, » explique-t-elle. « Ils coûtent trop cher. J’éprouve beaucoup plus de plaisir à les élever. J’aide à leur formation quand ils sont jeunes – je fais beaucoup d’instruction au sol. »

Avec son sceau d’approbation, les chevaux reviennent d’outre-mer à Cheltenham, où l’objectif est de les développer pour en faire des champions de chevaux de spectacle ou des éléments d’influence dans l’élaboration de son programme d’élevage.

Les cent premiers acres à l’origine de Lothlorien, ont plus que quadruplé en raison des acquisitions faites par Grange tout autour d’elle. « C’est un emplacement privilégié, » dit-elle, « parce que tous les concours équestres importants de l’Ontario se tiennent dans cette région. J’aime les Caledon Hills. Et c’était tellement beau et si peu exploité ici. »

C’est encore très beau, mais ce n’est plus un secret bien gardé. Chaque année, des projets de développement en provenance de la grande région de Toronto, empiètent et s’approchent. Et chaque année, Grange fait tout ce qu’elle peut – comme acquérir les propriétés avoisinantes – pour le protéger.

C’est son aversion pour l’inévitable développement qui l’a en partie convaincue d’acheter la ferme de 1 100 acres - Armstrong Brothers, lorsqu’elle fut mise en vente il y a quelques années de cela. Les possibilités d’investissement ont été une grande source de motivation pour Grange, mais le fait que cette acquisition mettrait un frein à cette mer de nouveaux lotissements résidentiels qui ne manquerait pas de se produire, n’a pas nui non plus.

« J’ai tout simplement pensé que c’était un bon investissement, » explique-t-elle. « Et je n’aurais surtout pas voulu voir s’ériger des maisons alignées comme des allumettes. Tôt ou tard, ce sera développé, que nous le voulions ou pas. Ça s’en vient. Mais, idéalement, si ce doit être développé, j’aimerais plutôt y voir des domaines de campagne, vous voyez? L’idée étant que ce ne soit pas que des maisons mitoyennes, » dit-elle en hochant de la tête. « Ce serait très laid. »

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À peu près au même moment où Grange voyageait à travers le continent montant des chevaux d’obstacle et établissant sa ferme, ses parents, Audrey et Elwood Campbell se découvraient un amour pour les courses de chevaux – une passion durable qui a commencé par une part de propriété dans un seul cheval.

« Fait assez intéressant s’il en est un, » se rappelle Grange, « des gens avec qui je courais à mes débuts – le mari était entraîneur de thoroughbred. C’est là que mes parents se sont d’abord intéressés aux courses, mais aux courses de chevaux thoroughbred.

« Puis mon père s’est lié d’amitié avec quelqu’un qui évoluait dans l’industrie des standardbred et ils ont commencé à aller passer des soirées aux courses, ce qui est beaucoup plus facile pour quelqu’un qui travaille de jour. Il a beaucoup aimé cela et y a amené ma mère. Cela convenait mieux à leur style de vie que les thoroughbred. De plus, les chevaux standardbred sont bien car ils courent un peu plus. Si vous en possédez un, vous pouvez profiter du plaisir de le voir courir un peu plus souvent.

« La première chose qu’on a sue, » dit-elle en riant, « ils avaient un cheval de course! »

Son père étant décédé il y a quelques années, sa mère a poursuivi dans cette voie parce qu’elle aimait cela. Campbell s’était fait des amis et ils sortaient dîner aux courses et s’offraient du bon temps, alors que sous la raison sociale Lothlorien Equestrian Center (une entité séparée de la ferme de Grange, Lothlorien), elle est demeurée bien impliquée. Et c’est une bonne chose qu’elle l’ait été.

Peu après le décès de son mari, Campbell s’est retrouvée dans une guerre d’enchères avec Jeffrey Snyder à Harrisburg au sujet d’un yearling – Red River Hanover – qui allait vite se faire un nom dans le monde des courses, en empochant 1,4 M $ et en inscrivant une marque à vie de 1.48.4s. Les deux ont donc formé un partenariat après que chacun ait refusé de renoncer au poulain, et la paire a continué d’acheter une brochette de chevaux qui ont aussi brûlé la piste – le plus ­impressionnant peut-être, le gagnant 2005 du prix O’Brien - Ambleur trois ans de l’année, Rocknroll Hanover.

En conservant une part de 10% dans Rocknroll quand ce dernier a pris sa retraite pour entreprendre une carrière d’étalon reproducteur, à la fin de son excellente campagne de trois ans, Campbell savait qu’elle voulait y accoupler des juments. Sa fille a donc accepté de partager avec elle, à hauteur de 50%, l’achat de quelques juments poulinières à condition d’acheter les meilleures des meilleures. « Vous n’y allez pas avec des juments médiocres, » insiste-t-elle.

« J’accouple déjà des chevaux d’obstacle ici, » dit Grange en haussant les épaules, « alors une couple de plus ne fera pas une grande différence. Nous avons beaucoup de champs pour les y envoyer. »

Elles ont consulté la Dr Moira Gunn, anciennement présidente de Armstrong Brothers, pour obtenir des conseils quant à la sélection des poulinières appropriées pour leur programme. « Je connais Moira personnellement, » explique Grange. « Elle fait mes travaux de transfert d’embryon avec mes chevaux d’obstacle – et lorsqu’elle a entendu dire que nous voulions des juments poulinières, elle nous a aidées à les trouver. »

Leurs choix? Kikikatie [Real Artist – Katie’s Lucky Lady – Cam Fella] p, $1,415,566, 1.50.3; Please me Please [Camluck – Artistic Pleasure – Artsplace] p, $1,033,155, 1.51.2s; et Beloved Angel [Artsplace – Docomo – Matts Scooter] p, $698,471, 1.50.3. Leur première récolte de rejetons par Rock N’Roll Hanover est arrivée en courant (ou en roulant) en 2007 – tous des poulains.

« C’est fou, » dit Sue en riant et en hochant de la tête.

Plutôt que de garder les trois poulains, elle envoie le rejeton de Beloved Angel – qu’elle a surnommé Rockin’ On Over – aux enchères de novembre à Harrisburg. Elle a confié les deux autres à des entraîneurs qui les prépareront pour leur campagne de deux ans en 2009.

En 2007, elles ont encore accouplé les juments à Rocknroll – produisant cette année, à la déception de Grange, trois autres poulains. Mais il y a quelque chose de différent à propos de cette récolte. Le 23 septembre 2007, Campbell, alors âgée de 90 ans, est décédée, laissant derrière ses trois filles, dix petits-enfants, huit arrière-petits-enfants et le programme d’élevage pour lequel elle était tellement passionnée.

« Il y a sans contredit une valeur sentimentale rattachée à ces poulains, » d’admettre Grange, « parce que c’était le rêve de ma mère et le mien de faire cela. » De fait, comme il s’agit de sa première incursion dans le domaine des courses attelées, cette professionnelle du cheval convient qu’elle ne se serait pas impliquée dans ce sport n’eut été de l’implication de sa mère.

Suite au décès de Campbell, Grange a pris en main l’entreprise de sa mère, Lothlorien Equestrian Center, comme part de succession, de même que les chevaux qui en font partie.

Puisque la voici soudainement en charge des standardbred de sa mère, Grange a pensé qu’elle pourrait tout aussi bien en acheter quelques-uns pour elle-même afin d’apprendre les rouages du sport. À l’encan de Harrisburg de 2007, elle a acheté les ambleurs Venice Menace et Well Said avec l’ancien partenaire de sa mère, Jeff Snyder, et la trotteuse Windsong Soprano en solo.

Windsong Soprano en particulier a connu la meilleure année des deux ans, récoltant 344 337 $, réussissant une marque de 1.53.4 et en s’inscrivant au tableau 6 fois en 7 départs. Mais, en dépit de ses succès, Grange en est encore à ses balbutiements dans l’industrie.

« C’est une tout autre affaire et je suis déjà bien occupée avec mes chevaux d’obstacle. Mais j’en ai héritée et c’est agréable. » Bien qu’elle envisage de se défaire des chevaux de course de sa mère – dont plusieurs seront offerts à la vente mixte de Harrisburg – Grange n’a pas encore décidé de ce qu’elle fera de ses rejetons de 2008 ou de son stock de reproduction.

« Pour ce qui est poulains, » elle réfléchit en s’enfonçant dans son fauteuil, « je veux dire ils ont été engendrés ici, nous les avons gardés ici, nous les avons vu naître ici, élevés. C’est agréable de constater ce que vous produisez. »

Grange sourit. « Je ne me retirerai pas seulement du fait que ma mère n’y est plus. Je pourrais décider dans quelques années, que je ne peux tout simplement pas tout faire. S’il ne s’agissait pas des chevaux de reproduction, probablement que je n’y serais pas aussi présente, mais le fait que toutes les deux nous étions enthousiastes au sujet de ces poulinières, fait en sorte que je veuille voir le produit fini. »

Elle n’a pas encore décidé si elle ramènera plus de chevaux ou non de Harrisburg cette année. Mais vous pouvez parier que quoiqu’il arrive, elle gardera l’œil bien ouvert en quête d’animaux de qualité à ajouter au tableau de Lothlorien – un tableau qui contribue d’année en année à la santé du sport équin à travers le pays.

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