La nuit avant Noël

Blottis bien au chaud dans leurs petits lits,
Des trotteurs dansaient dans la tête des enfants endormis;
Maman et moi, dans nos chemises de nuit,
Venions à peine de souffler la bougie…

C’est le lendemain de Noël. Quelques légers flocons de neige ne nous empêcheront pas d’aller à l’hippodrome cet après-midi. Onze courses sont au programme, et chacune compte des pelotons complets. Nos programmes marqués, les enfants dans l’auto, quelques billets de vingt dollars en poche – nous voilà partis!

Nous arrivons dans un parc de stationnement bourdonnant d’activités. Des étudiants du coin bravent le vent de l’ouest et festoient derrière leurs Honda Civic bien entretenues.

Dès que nous franchissons l’imposante entrée principale, un placeur en uniforme impeccable, prend nos billets d’admission pour le pavillon. Achetés deux mois plus tôt, ils nous garantiront une bonne visibilité durant les trois heures que durera le programme de course.

Un homme à la forte stature portant un chapeau mou des années ’50, se tient sur une estrade et nous invite à acheter son bulletin de pronostics jaune. « Onze gagnants pour un huard, » crie-t-il. « Vous ne pouvez pas vous en priver, monsieur. » Je mords.

De mon long manteau, je sors les quatre laissez-passer aux couleurs brillantes donnant accès au paddock, et je les donne avec précaution; un à mon épouse et un à chacun des enfants. Ça n’a pas été facile de m’en procurer, et à 15 $ pièce ils n’étaient pas donnés, mais comme seulement 40 au total étaient vendus pour ce programme, les attentes étaient grandes. Les enfants sont tout sourire et passent leur laissez-passer autour de leur cou. Une odeur de maïs soufflé fraîchement éclaté remplit l’air.

Une fanfare collégiale locale marche sur la piste en jouant une version enlevante d’Ô Canada. « L’Équipe Pari », vingt jeunes femmes portant les couleurs des conducteurs, sont au garde-à-vous. Dès la note finale, elles se dirigent droit vers la foule, appareil de pari informatisé en mains. « Aimeriez-vous parier sur la première course, madame, » dit l’une d’entre elles en s’adressant poliment à mon épouse. « Avez-vous déjà assisté aux courses? » Mon épouse sourit et acquiesce d’un signe de tête, tout en lui donnant son premier choix pour la Trifecta!

Il reste onze minutes avant le départ de la course et « l’Équipe Ambiance » formée de bénévoles, lance des tee-shirts et des chapeaux dans la foule, gracieuseté d’un restaurant local. Les enfants reçoivent des pom-poms et on leur explique les règles du concours « Partisan d’un jour ». Ils nous supplient d’aller voir la première course à partir du lieu de la « Fête d’enfants ». Nous acceptons, et nous dirigeons vers le modeste site où se tient l’événement intérieur, passé les préposées au pari de l’hippodrome.

Un spectacle de marionnettes et de magiciens est au programme. Ça me semble une troupe à faible budget, mais pour trois dollars seulement par personne, les enfants s’amusent, et nous sommes heureux. Tout en écoutant ‘Soggy the Froggy’ chanter ‘Jumping Song’, les partants de la première course s’amènent à la barrière. Bien que nos sièges de loge m’appellent, la vue à partir du théâtre de marionnettes est plutôt bonne. Une guichetière s’approche pour nous offrir une dernière occasion de parier. Je lui donne 10 $ à miser sur le cheval numéro sept gagnant. Le fait que je ne l’aie pas sélectionné dans ma mise tôt ‘Jackpot’ et que le gagnant remportera une cagnotte garantie de 100 000 $, sème le doute dans mon esprit.

Nous sirotons une coupe de vin et rions tandis que Soggy, qui est particulièrement prédisposé aux accidents, tombe de scène. Le trio de chevaux a deux longueurs d’avance sur le reste du peloton qui va à fond de train à l’arrière-piste. « Les fractions sont beaucoup trop rapides, ce cheval est fini, » dis-je à mon épouse. Je sors mon Blackberry pour vérifier les lignes de pari en course. « On peut encore acheter le favori 6-1 au départ, » lui dis-je, et je mise 20 $ sur gagnant puis j’appuie sur « Confirmer ».

Le favori prend l’initiative tant en course qu’en pari. Soggy Froggy salue la foule et les enfants se précipitent vers la fenêtre panoramique au bord de la piste. Une clameur monte de la grande tribune au moment où un groupe de jeunes dans la vingtaine sortent du ‘Maxim Beer Party’ pour ne pas manquer le dernier droit. La course franchit le fil – tout juste manqué! Ma femme sourit en se dirigeant vers le guichet pour y encaisser son billet.

Nous traversons rapidement la piste pour assister à l’activité présentée en intermède devant la grande tribune. Les enfants nous entraînent vers le paddock pour aller à la rencontre des chevaux – un préposé vérifie nos laissez-passer et nous laisse aux mains d’un guide désigné pour la visite.

La prochaine course en est une grosse et elle comprend une somme de 5 000 $ ajoutée à la poule – c’est la course boni quotidienne. « J’ai fait le calcul, » dis-je, tout excité, à mon épouse. « Peu importe le pari que je fais, il a une valeur attendue positive! » Elle se moque un peu de moi et sourit.

Je suis heureux et mon épouse l’est aussi. Les enfants sont emballés. L’hippodrome a encaissé 32 $ en droits d’entrée, 60 $ en laissez-passer de paddock, 12 $ pour la fête d’enfants, 40 $ pour la nourriture et les breuvages, et 42 $ en commissions de pari. Ce sont les 186 $ les mieux dépensés de ma vie, et je puis vous assurer que nous reviendrons.

Prière de ne pas me réveiller.

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