La volonté de vivre. Et de gagner.

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Croyez-vous aux miracles? Non? Peut-être devriez-vous parler à Robert Montgomery. Le vétéran horseman peut vous prouver que les miracles se produisent, et vous n’avez qu’à regarder son poulain miraculé, Phoos Boy, pour en avoir l’évidence. Par Norm Borg. Avec la contribution de Brittney Mayotte. Traduction Louise Rioux

C’est un soir de février très froid, dans la grande montée du Rideau Carleton Raceway. L’ambleur hongre brun de quatre ans de Montgomery, Phoos Boy, se prépare pour la course. Après une deuxième place la semaine précédente, Montgomery a toutes les raisons d’être optimiste.

« Suis-je nerveux? » demande Montgomery. « Pas du tout. Surtout pas après tout ce que nous avons vécu avec lui. »

Tout en prononçant ces mots, des souvenirs lui reviennent en mémoire. Ils le ramènent à un jour loin de l’enclos de Rideau Carleton. C’est un long chemin parcouru depuis ces jours sombres alors que son poulain n’était qu’un bébé – un poulain que personne ne croyait allait survivre.

Reportons-nous à il y a trois ans et demi. C’est le dimanche 22 avril 2012, qu’un beau poulain brun issu de la première récolte de l’infortuné Art Colony est né à la clinique vétérinaire équine du Dr Garth Henry de Russell, en Ontario. Alors que le poulain prenait ses premières respirations et apprenait à se stabiliser sur ses pattes tremblantes, son propriétaire Bob Montgomery décida de le nommer Phoos Boy, un nom très représentatif pour le fils de sa solide jument Miss Poole, affectueusement appelée ‘Phoo’ dans l’écurie.

Phoos Boy s’est développé en un poulain fort et en santé, mais cette force allait être mise à l’épreuve au cours des quelques premiers mois de sa vie, et les visages accueillants l’ayant mis au monde allaient finalement devenir ses sauveteurs.

Dans l’après-midi du vendredi 6 juillet, Miss Poole et son fringant poulain de deux mois et demi arrivèrent à la ferme de l’entraîneur Rod and Patsy Zeron à Bishops Mills, Ontario, située à environ une demi-heure de Rideau Carleton Raceway. Le couple fut reconduit à son enclos pour la nuit, les Zeron s’assurant régulièrement, à quelques heures d’intervalle, que les deux s’adaptaient bien à leur nouvel environnement.

« Nous l’avons laissé en après-midi et y sommes retournés à seize heures, vingt heures, et mon fils qui demeure là, a aussi vérifié à 22 h, tout était normal, » se rappelle Patsy Zeron.

Mais quelque part entre tard le vendredi soir et tôt le samedi matin, le poulain a été impliqué dans un incident tragique.

« Ma belle-soeur qui vit tout près, est passée chez nous et s’est arrêtée pour voir le poulain car elle savait qu’il arrivait, et elle l’a trouvé couché, le cou couvert de sang, » dit Zeron, qui fut immédiatement appelé sur la scène. « Très combatif, il ne cessait de marcher dans le champ. Il marchait et marchait et sa mère le suivait, prévenant que quiconque ou quoi que ce soit ne l’approche. »

Provenant de l’élevage domestique, l’attachant rejeton de Art Colony (Miss Poole-Cambest), avait été frappé par l’impensable.

Alors qu’il se trouvait dans l’enclos, Phoos Boy avait été victime d’un tireur au hasard dont la balle lui traversa le cou, le laissant impuissant et saignant abondamment. La balle lui infligea une blessure de près d’un pouce de diamètre pour ressortir lui causant cette fois une blessure d’environ 10 pouces de largeur. La perte de sang était massive.

Il fut transporté à la clinique vétérinaire du Dr Garth Henry où la Dr Tiffany Richards le prit en charge. « Quand il est arrivé ici, il était somnolent – très tranquille, parce qu’en état de choc » se rappelle la Dr Richards. Des radiographies ont été prises afin de déterminer si des vertèbres avaient été endommagées, ce qui aurait considérablement réduit ses chances de survie. Quand il fut établi que a) il n’y avait pas d’éclats dans la blessure et b) que les vertèbres semblaient toutes intactes, sans dommage à la moёlle épinière, le poulain a pu être stabilisé par traitement intraveineux et des anti inflammatoires pour soulager la douleur. Sa tête et son cou faisaient trois à quatre fois leur taille normale.

À la suite de cet incident, la Dr Richards affirma que Phoos Boy avait eu de la difficulté à se nourrir à cause des blessures qui l’empêchaient de tourner la tête, et qu’il était réticent à être nourri au biberon.

« Je dirais qu’il avait quelque peu de retard au plan nutritionnel durant quelque deux semaines, soit jusqu’au moment où il a découvert que le foin et le grain étaient délicieux aussi. Alors il a regagné sa capacité de se nourrir. »

Montgomery était sous le choc à la vue qui se présentait à lui. « Je ne croyais pas qu’il allait s’en tirer » dit-il. « Quand je suis arrivé à la clinique, le trou du côté droit de son cou avait la taille d’un œuf et celui de gauche celle d’un ballon de football. J’ai approché une lampe de poche de son cou et je pouvais voir sa vertèbre. J’étais convaincu que nous devrions l’euthanasier. »

Ce qui arriva par la suite, est le début d’une relation tellement unique au monde des courses de chevaux, et des trucs dont les miracles sont faits. « Je suis entré dans la stalle et il est venu vers moi et posa sa tête sur mon abdomen, et je lui ai dit – C’est décidé mon ami. Nous allons essayer de te sauver. »

Montgomery joignit l’action à la parole, investissant des dizaines de milliers de dollars en traitements, offrant même une récompense de 5 000 $ pour toute information menant à l’arrestation de la personne responsable de cet acte. En premier lieu, une attaque par un coyote fut envisagée, mais un expert en balistique a identifié la balle comme étant celle d’un fusil à bout ouvert, utilisée généralement pour la chasse aux gros animaux pour maximiser les dommages aux tissus et l’impact sur la perte de sang au contact. « Nous en avons déduit qu’il s’agissait de jeunes en voiture, avec une caisse de bière et un fusil. À ce jour, les auteurs sont toujours au large. L’enquête policière est toujours en cours. »

Puis le fragile voyage commença. Chirurgie, traitements, désappointements; rien de tout cela ne découragea Montgomery. « J’ai déjà des milliers et des milliers de dollars d’investis dans ce cheval, alors quand j’ai pris la décision de le sauver, c’était cela. Je garde trace de chaque dollar dépensé sur un cheval et j’en ai eu plusieurs. Quelques-uns étaient vraiment bons mais j’ai plus dépensé sur ce cheval que sur tous les autres que j’ai possédés. C’est mon bébé miraculé et je veux lui donner toutes les chances au monde de devenir un cheval de course. »

Montgomery dit qu’une fois le processus de guérison complété, il y eut des hauts et des bas en entraînement. « Nous avons traversé les saisons de ses deux et trois ans d’entraînement sans aucune chance et ce n’est vraiment que le mois dernier ou à peu près, que les choses ont changé. La dernière fois qu’il a couru c’était la toute première fois qu’il obtenait une position intérieure. Il a terminé deuxième et amblé son mille en 1:59 et des poussières. Il l’a fait comme il se doit et il est revenu de l’arrière pour me prouver qu’il pouvait être un cheval de course. »

Phoos Boy est revenu de loin en peu de temps. « Il a performé de façon fantastique » dit Montgomery. « Comme le dit le Dr Henry, il a une grande volonté de vivre et il n’allait pas se laisser mourir. »

Phoos Boy est présentement entraîné par Steve Norris, et Montgomery donne crédit au conditionneur pour beaucoup dans le succès atteint en faisant que le poulain participe aux courses. « Il ne reste plus grand-chose que nous n’ayons essayé avec lui. Nous avons essayé des couvertures magnétiques, j’ai commandé un appareil magnétique des États-Unis ainsi qu’une machine au laser qu’il porte et qui semblent l’aider. »

« Il a connu des temps difficiles l’année de ses deux ans pour pouvoir pencher sa tête sur le sol et manger du foin, mais avec tout le travail que nous avons fait avec lui, il peut manger du foin par terre comme n’importe quel autre cheval. Il a aussi retrouvé la presque totalité de mobilité de sa tête. La seule bizarrerie le concernant, c’est que nous le faisons courir sans ‘check’ ce qui le fait aller tout droit. »

L’entraîneur Norris dit que les choses s’améliorent pour Phoos Boy mais qu’il y a encore beaucoup de travail. « Il va mieux avec tout le travail investi. Un chiropraticien équin le voit maintenant et cela l’aide aussi. Mais c’est du travail. Une côte est désalignée ainsi que quelques vertèbres sont détraquées, mais les traitements de chiropractie semblent l’aider. »

Son seul désavantage c’est que les traitements de chiropractie laissent Phoos Boy avec des raideurs, mais Norris croit qu’il a une solution. « J’espère que son chiro pourra le travailler quatre ou cinq jours avant une course pour lui donner le temps de s’assouplir. Norris dit aussi que Phoos Boy développe le désir d’être un cheval de course. « Au début, il ne pouvait finir le deuxième quart en 32 secondes. Il s’arrêtait tout simplement. Maintenant il veut suivre les autres chevaux et les concurrencer. Et de plus, c’est un pur bonheur que d’être autour de lui. Je peux faire n’importe quoi avec lui, je pourrais même envoyer un enfant pour le faire marcher tellement il est amical. »

Phoos Boy porte encore les cicatrices de sa mésaventure, mais en ce qui concerne Montgomery, ses cicatrices lui sont un insigne de courage. « Si vous le regardez aujourd’hui du côté de la main droite, vous verrez qu’il y a une encoche de la grosseur d’un œuf. Et si vous le regardez du côté de la main gauche par où la balle est ressortie et qui était de la taille d’un ballon de football, c’est encore une grosse encoche. SI vous passez votre main dessus, vous vous reculerez et direz – oh, mon Dieu! Comment a-t-il pu survivre ? »

Montgomery dit que le cran qu’il a démontré lors de son dernier effort, lui a rappelé des souvenirs de la mère de Phoos Boy, Miss Poole. « C’était une jument honnête, elle revenait toujours de l’arrière et elle m’a gagné 187 000 $, et cela à la dure – pas de stakes. »

Quelles sont les attentes de Montgomery face à Phoos Boy? « J’aimerais beaucoup connaître ne serait-ce qu’une seule victoire avec lui. Si je pouvais l’avoir cette victoire, ce serait réellement quelque chose. »

Si cette partie du miracle ne se produit pas, il y a encore des jours meilleurs à venir pour Phoos Boy. Montgomery est totalement engagé à s’assurer que le cheval hongre ait une belle vie à sa retraite, sans égard au moment où cela arrivera. « S’il n’y arrive pas, un vétérinaire le prendra et lui trouvera un bon foyer pour le reste de sa vie. »

L’amour d’un cheval et sa volonté de vivre; une combinaison faisant l’objet d’une autre histoire de miracle dans le sport que nous aimons.

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