De la royauté sur piste
Les amateurs de sports connaissent la famille Rooney à titre de fondateurs des Steelers de Pittsburgh de la NFL. Mais leur lien avec les courses attelées est tout aussi solide.
Aujourd’hui, Tim Rooney est toujours l’administrateur du Yonkers Raceway. Et il est optimiste quant à l’avenir. Par Debbie Little / Traduction Louise Rioux
Bill Popfinger, Billy Haughton, Tim Rooney & Rejean Daigneault
Tim Rooney, président du Yonkers Raceway de New York, est reconnu comme un traditionaliste, mais n’allez surtout pas croire qu’il est coincé dans le passé.
Sa démarche novatrice pour l’application régulière de diffusion en simultané en France ainsi que le retour de l’International Trot d’un million de dollars, fait en sorte que Yonkers se dirige vers un brillant et rentable avenir.
Rooney a entendu de la bouche d’un ami, que Yonkers Raceway était à vendre, et sa famille l’a acheté en 1972.
« À ce moment-là, Yonkers était l’un des plus grands hippodromes au monde, indépendamment du fait qu’il y avait des courses de thoroughbred ou courses attelées. C’était un endroit important, très important. Nous atteignions une assistance moyenne de 20 000 personnes par jour. Nous étions plus gros que les Yankees de New York ou les Mets ou les Giants ou les Jets quant à l’assistance totale en ces temps-là, » de dire Rooney.
Ajoutant « que la raison de leur acquisition était qu’il était le plus gros et le meilleur de l’époque. »
Ce n’est pas la première entreprise de la famille en matière de piste de course. À une certaine époque, ils étaient propriétaires du Liberty Bell Park en Pennsylvanie, du Green Mountain Kennel Club au Vermont, et ils possèdent présentement le Palm Beach Kennel Club en Floride. Ils sont également propriétaires de Shamrock Farms, une ferme d’élevage au Maryland.
« Je ne saurais dire si nous sommes la plus ancienne ferme à être détenue de façon ininterrompue, par une famille au Maryland, ou la seconde. Le Maryland est, historiquement, un très ancien état où se pratique l’élevage de chevaux. Nous y avons notre ferme depuis 1948, nous sommes donc en affaires depuis très longtemps, » dit Rooney.
« Il y a quelques années, quelqu’un qui achetait tous les hippodromes du coin, essaya d’acheter notre piste pour chiens en Floride, intéressé aussi à conclure un marché concernant Yonkers; je lui ai dit que nous n’étions pas intéressés. Il n’a pas trop insisté, mais ce quelqu’un était un de mes amis qui travaillait pour lui, et je lui ai finalement dit ‘tu sais, nous sommes en affaires depuis beaucoup plus longtemps que la personne que tu représentes,’ et j’ai poursuivi en disant que nous n’avions pas autant de pistes que jadis mais à un certain moment donné, je pense que nous en avions quatre ou cinq, et nous y sommes impliqués depuis au-delà de cinquante ans, c’est quelque chose que nous aimons faire, et nous allons continuer à le faire si nous le pouvons, » ajoute-t-il.
Descendant d’émigrants irlandais catholiques, Rooney a grandi dans un voisinage de classe ouvrière dans la partie nord de Pittsburgh, Pennsylvanie.
Rooney était le troisième des cinq garçons de la famille du propriétaire des Steelers de Pittsburgh, Art Rooney.
Rooney se souvient qu’en grandissant, la famille faisait son pèlerinage annuel au sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré, mais il raconte que lors d’un voyage en particulier, il avait plaisanté avec son père sur les autres saints endroits qu’ils avaient visités au cours de leurs voyages au Canada.
« Je lui rappelé que nous avions commencé par le sanctuaire Our Lady of Charles Town, puis celui du Laurel Raceway pour se diriger ensuite à ceux d’Aqueduct et de Blue Bonnets, » dit-il.
C’est lors d’un voyage de retour du Québec que Rooney a eu son premier aperçu de Yonkers Raceway, ne sachant pas à l’époque qu’il s’agissait d’une piste de course.
« Durant des années, à chaque fois que nous passions au nord-ouest de l’état de New York, nous pouvions apercevoir la toiture en porte-à-faux, et je ne sais pour quelle raison, je nous croyais déjà au centre-ville de New York, sur le quai de la 97e rue, puis j’ai eu un choc lorsqu’en passant près de l’endroit, j’ai constaté que c’était Yonkers Raceway, » Rooney dit.
C’est en 1968 que Rooney est finalement entré pour la première fois à l’intérieur de l’hippodrome en compagnie de son père, pour assister à la victoire de Nevele Pride dans le Yonkers Trot.
Après avoir acquis la piste, les Rooney ont fait face à une dure et inattendue concurrence de la part de la New York City Off-Track Betting et Meadowlands.
« C’est difficile d’amener les gens à un hippodrome quand quelqu’un en cours de route, le fait gratuitement, » dit Rooney à propos d’OTB.
« Ce fut réellement difficile quand Meadowlands a ouvert, » ajoute-t-il.
Rooney savait qu’ils allaient devoir livrer une dure bataille contre le flambant neuf Meadowlands.
« Quoi que nous fassions dans notre bâtisse, que ce soit de changer les tuiles, de peinturer, changer les chaises, quoi que nous fassions rendus à ce point d’un stade de style gradin construit en 1899, il y avait trop de choses à faire pour lui donner l’air d’une construction datant des années 1970, » de dire Rooney.
Quelques personnes voyaient la piste d’un demi mille comme un désavantage.
« Il y a plusieurs années, les éleveurs de New York sont venus me voir me disant que si nous modifiions la taille de notre piste pour en faire une de cinq huitièmes de mille, cela ferait de nous la plus grosse piste des États-Unis. Nous allions alors surpasser Meadowlands quant à notre popularité. Je leur dis, ‘pourriez-vous nous garantir que vous construiriez la piste et que nous vous rembourserions selon la croissance de l’entreprise, que nous connaîtrions grâce à la piste de cinq huitièmes de mille?’ Ce fut la dernière fois que j’ai entendu parler de cela, » dit-il.
La taille de la piste et la concurrence avec Meadowlands étaient oubliées depuis longtemps quand deux avions volèrent dans le World Trade Center le 11 septembre 200l, changeant le monde tel que nous le connaissions ainsi que l’avenir de Yonkers Raceway.
Cette inoubliable tragédie a incité les législateurs à légiférer pour permettre l’implantation d’appareils de loterie video (VLT) aux hippodromes, y compris Yonkers, ce qui a permis la naissance d’Empire City à Yonkers Raceway, une exploitation de jeu rénovée en octobre 2006.
« Depuis l’implantation des machines à sous ici, nous sommes au même niveau que tout autre exploitation que je vois. Nous ne sommes pas d’aussi grande taille que d’autres, mais les autres grosses exploitations, du moins celles des États-Unis, la seule fois où ils en ont besoin c’est à Churchill Downs pour le Derby ou le Preakness à Pimlico. Et désolé de le dire, mais la seule fois que Belmont en a besoin, c’est pour le Belmont Stakes Day, autrement personne ne va à ces endroits. Maintenant, Saratoga est une exception, et peut-être Del Mar, mais les courses pour je ne sais quelle raison, n’ont plus le panache qu’elles ont déjà eu, mais en Europe, elles l’ont, » de dire Rooney.
Rooney a effectué plusieurs voyages en Europe après la reprise de l’International Trot par Yonkers, quand Roosevelt se retira des affaires en 1988.
« À chaque année, je me rendais à Paris pour assister au Prix d’Amérique. J’y allais et j’invitais le gagnant à venir participer à notre course, » dit-il.
La dernière version de l’International fut disputée à Yonkers en 1995, mais Rooney pense depuis plusieurs années à le ramener, et le voyage en France de l’année dernière, l’a aidé à consolider cette décision.
Rooney est allé en France en janvier, afin de signer des contrats concernant la diffusion en simultané qui devait commencer plus tard en 2014(?), et malgré ses visites précédentes, il ne pensait pas que sa présence aurait beaucoup d’impact, puisqu’il n’y était pas retourné depuis un bon moment.
Joe Faraldo, président de la Standardbred Owners Association de New York, faisait partie de la délégation américaine pilotée par Rooney, et il croit au contraire, que sa présence a eu un grand impact.
Quelques jours après que Rooney eut confirmé sa participation au voyage, Faraldo se souvient avoir reçu un appel du directeur exécutif de la SOA, Alex Dadoyan, disant qu’il y avait un problème d’hôtel.
« J’ai dit à tous ceux faisant partie de notre groupe, que nous allions dans un Motel 6. Quand nous leur avons dit que Rooney venait aussi, c’est là que le problème d’hôtel survint. Je ne pouvais pas me l’expliquer jusqu’à ce que nous arrivions au nouvel hôtel, alors qu’il s’agissait vraiment d’un endroit de grande qualité, » dit Faraldo.
Faraldo se rappelle que pour la dernière soirée du voyage, ils sont allés dîner en Normandie, et tous les gros bonnets Français ont donc aussi pris le train; durant tout le voyage, ils n’ont cessé de bombarder Rooney concernant leur souhait de voir le retour de l’International Trot.
« Cela fait partie de mon plan depuis que nous sommes dans les casinos, avec les revenus provenant des machines à sous, de pouvoir encore une fois ressusciter l’International en donnant l’argent des bourses dont vous avez besoin pour attirer un tel événement, et ce que nous espérons faire c’est de nous en servir comme percée pour pouvoir prendre de l’expansion encore plus loin en Europe, » dit Rooney.
« Je crois que cela fonctionne déjà jusqu’à un certain point, parce qu’il y a un certain nombre d’autres pays qui vont accueillir l’International, et je pense que si cela réussissait, qu’en cours de route, avec quelques modifications aux règlements en ce qui concerne le mélange de paris, notre entreprise serait capable de connaître une expansion dramatique là-bas. Et plus nous grandirons à l’internationale, plus nous serons forts ici, » ajoute-t-il.
Ramener l’International peut se révéler un grand moment pour Yonkers, mais il y a eu des commentaires sur les réseaux sociaux, critiquant la décision de tenir la course la même journée que le Kentucky Futurity.
Faraldo dit que le plan était de tenir l’International le dimanche 11 octobe, afin d’éviter tout conflit avec la Futurity, mais on n’a pu le faire.
Selon Faraldo, un représentant français a dit : « Si vous tenez la course le samedi 10 octobre, nous prendrons quatre courses. Si vous voulez poursuivre et la présenter le dimanche, nous pourrons peut-être insérer une courte vidéo de votre course. »
Vu que la Suède est d’accord de prendre l’International, nous espérons que quand la diffusion en simultané reprendra en France en novembre, peut-être que la Suède pourrait s’y engager aussi.
« Est-ce une percée? Juste le fait de voir nos courses traverser en France, oui, parce que c’est l’ouverture d’un dialogue et cela ouvrira plus de marchés. À l’évidence, les Suédois, » dit Faraldo.
Sans l’ombre d’un doute, Rooney est engagé à faire de Yonkers une marque de commerce globale aussi bien qu’un plus gros joueur ici à la maison.
« Je me rappelle que quand nous avons acheté cet endroit, je n’ai pu aller au 50e anniversaire de mariage de mes parents, parce que c’était le soir du Yonkers Trot ou le Cane Pace et je croyais que je ne pouvais pas partir pour cela, ce qui était probablement très stupide. Mais il faut que vous supportiez quelque chose et que vous soyez là si des problèmes surviennent, et le fait de voir un Rooney ou un Galterio (le gendre de Rooney), est très important. C’est primordial pour les gens de savoir que vous êtes impliqué en tant que direction et copropriétaire, » dit Rooney.
En sa qualité de président de la SOA depuis plus de 30 ans, Faraldo a conclu plusieurs marchés avec Yonkers et il dit que de traiter avec Rooney est très différent du temps où il représentait les hommes de chevaux à Monticello, Saratoga ou Vernon.
« Je n’ai besoin d’aucun document par écrit avec Tim, et la plupart du temps, je n’en ai pas besoin avec Tim. Si Tim dit que nous avons une extension de contrat et en voici les termes, je n’ai pas de souci à me faire, » dit Faraldo.
Pour illustrer cette confiance, Faraldo raconte qu’une année, il a découvert une erreur de la part de la comptabilité de Yonkers privant les hommes de chevaux d’un bon montant d’argent, et il porta cette erreur à l’attention de Tim.
« Et il me dit ‘si je te dois 2,5 M $, tu auras 2,5 M $.’ Et ce fut tout, » de dire Faraldo.
Peu de temps après, Faraldo rencontra Rooney qui l’informa qu’il y aurait quelque chose de plus dans le compte des bourses.
« Puis il me dit ‘notre avocat nous a dit qu’il ne croyait pas que nous ayons à vous payer. Il pensait que nous pourrions vous débouter en cour, mais j’ai dit à l’avocat, si l’argent est dû aux hommes de chevaux, tu le paies aux hommes de chevaux.’ Alors la parole de cet homme est bonne et je pense qu’il a tout appris cela de son père, » au dire de Faraldo.