Pierre Charette: droit au centre
Sous les projecteurs de la scène nationale le curleur Pierre Charette, n’est certes pas un étranger, ayant connu le succès à l’échelle mondiale en de nombreuses occasions. À l’écart de la glace, la nouvelle passion de Charrette, les courses de chevaux, et ses objectifs n’en sont pas moins ambitieux.
Story par Perry Lefko / Traduction Louis Rioux
Pierre Charette pourrait très bien entrer dans une salle de curling ou sur les lieux d’une compétition partout au Canada, et les chances sont que quelqu’un s’arrêterait probablement pour lui parler de sa carrière ou même lui demander un autographe, mais il pourrait marcher dans un hippodrome et personne n’aurait la moindre idée de qui il est ou de ses accomplissements durant sa carrière d’athlète.
Au cours des années ’90, Charrette jouait dans une équipe du Québec qui s’est rendue à la finale du ‘Brier’, l’épreuve de championnat national Hommes, deux saisons consécutives, et dont le meneur était un coéquipier excentrique devenu célèbre pour ses bouffonneries et sa chevelure ébouriffée.
Charrette détient aussi le record en ‘Brier’ comme étant la seule personne à avoir occupé les positions de capitaine, troisième, deuxième, premier et substitut. Il était, et jusqu’à un certain point, est toujours, une vedette d’un sport typiquement canadien. Il y est toujours très activement impliqué à titre de président de la World Competitive Curlers Association et, à l’occasion, il joue encore en compétition d’élite. À travers tout cela, il gère deux terrains de golf, exploite une petite entreprise tout en étant mari et père, son horaire étant passablement chargé. Mais son loisir est d’acheter, présenter en course et faire l’élevage de chevaux de course standardbred.
Charrette est un propriétaire unique de chevaux mais également en partenariat avec d’autres, nommément l’entraîneur Luc Blais, un ami de longue date, son frère Jacques Blais et son oncle, Michel Blais. Leur meilleur cheval est Frankies Dragon, un poulain de quatre ans issu de Dragon Again, qui a connu 49 départs et gagné au-delà de 161 000 $. En 2013, Frankies Dragon a gagné quatre de ses 19 départs, sa victoire la plus importante étant celle du ‘Beat the Heat Stakes’ de 43 500 $ à Mohawk en juillet par quatre longueurs et demie, pour une marque de 1:48.4.
« Je ne dispose que d’un certain budget à investir dans ce hobby, et s’il arrivait qu’il se tarisse, alors il serait tari, » de dire Charrette. « J’ai été chanceux en réussissant avec les chevaux considérant le peu d’argent que j’ai payé pour les acquérir, mais même à cela, c’est difficile de joindre les deux bouts chaque mois. »
Charrette a connu Blais par le hockey. Charrette a été entraîneur d’une équipe de hockey mineur au Québec après avoir joué en compétition en tant que joueur de centre au niveau immédiatement sous la Ligue Junior Majeure. Un autre des frères Blais, Charles, a joué dans une équipe Midget dirigée par Charrette, tandis que Luc jouait dans les rangs Bantam.
Charrette, Luc, Jacques et Michel Blais, ont poursuivi leurs activités ensemble en devenant propriétaires d’un cheval d’élevage québécois, Illico Grade, qui a couru à la fin des années ’80. Le cheval a gagné une course stake modeste à deux ans à Trois-Rivières, mais a échoué à sa troisième année et fut vendu. Charrette décida alors de se retirer du sport.
Charrette a travaillé comme pro de golf et participa à des compétitions de curling, en tant que skip d’une équipe québécoise au ‘Brier’ 1989, sa première participation à l’événement. Il a aussi été skip d’une autre équipe pour le ‘Brier’ 1993. Mais ce fut en 1998 et 1999, alors qu’il jouait troisième pour Guy Hemmings, que Charrette a connu ses plus grands succès en tant que joueur de curling. Charrette avait contacté Hemmings dans l’intention de former une nouvelle équipe de laquelle (Hemmings) serait le capitaine. Cela ne faisait rien à Charrette de descendre d’une position dans la rotation parce qu’il tenait absolument à gagner, sans égard à sa propre position, comprenant la stratégie et comment la communiquer à Hemmings.
Lors du ‘Brier’ ’98 à Winnipeg, Hemmings, personne plutôt gênée et réservée, s’est métamorphosé en une personnalité colorée, réussissant des coups cruciaux et devenant le centre d’attention des foules en adoration et des médias. Lors de la finale, une panne électrique dans l’aréna a occasionné l’extinction des lumières entraînant ainsi la suspension temporaire de la partie dans laquelle l’équipe de Hemmings tirait de l’arrière. Hemmings, dans l’intention de s’amuser, a changé le tableau de pointage pour y installer son équipe en tête. Bien que l’équipe du Québec perdit la partie, ils ont entrepris une séquence torride la saison suivante sur le circuit des cashspiel et se sont encore rendus à la finale ‘du Brier’. Les amateurs voulaient que l’équipe gagne, mais encore une fois, elle l’a échappé. Après cela, Hemmings décida de procéder à des changements dans l’alignement et Charrette ne faisait pas partie de la nouvelle équipe. Hemmings s’est qualifié pour les ‘Brier’ 2001 et 2003, mais n’a pas connu le même succès. Pendant ce temps, Charette continua de curler et participa à deux autres ‘Briers’, en tant que skip en 2007 et comme substitut en 2013.
La magie de cette période passée avec Hemmings demeure gravée dans la mémoire de Charrette, ne serait-ce que par son surréalisme.
« Nous avons vécu deux années fantastiques, et où que nous allions au Canada, les gens nous reconnaissaient, alors que quand nous revenions à la maison, personne ne savait que je jouais au curling, » dit-il.
« Quand on allait curler dans l’Ouest canadien ou en Ontario, on savait qu’on allait signer des autographes, on savait qu’on pouvait être interpellé au restaurant, mais quand on rentrait à la maison, c’était retour au normal. C’était comme si le curling n’existait pas dans les environs. Les gens viennent vers moi aujourd’hui et me parlent du ‘Brier’ de 1998 disant comme c’était agréable de nous regarder et me demandent un autographe, même après 15 ans. »
« Nous n’étions que quatre gars qui sympathisions. Peu importe le pointage. de la partie, nous trouvions toujours un moyen de gagner. C’était assez étonnant.
Quand Guy a exécuté un placement vers le bouton contre la Saskatchewan pour gagner les semi finales devant plus de 17 000 amateurs à Edmonton, c’est l’acclamation la plus forte que j’aie jamais entendue au curling. Ce fut tout un moment que je n’oublierai jamais. C’était assez spécial. Jusqu’à aujourd’hui, beaucoup de monde m’appelle Guy. Ou bien ils viennent vers moi et me disent, ‘il faut que vous me disiez comment va Guy.’ Plusieurs d’entre eux diront ‘Vous êtes la raison pour laquelle j’ai commencé à suivre le curling. »
En 2008, Charrette est revenu au sport des courses de chevaux, faisant équipe avec Jacques Blais, ils ont acheté une couple de yearlings à l’encan de Harrisburg : Mood Rings, une pouliche issue de Artiscape valant 7 000 $, et Dans Ideal, un poulain issu de Western Ideal valant aussi 7 000 $. Luc en était l’entraîneur.
« Je suis un joueur dans l’âme, » dit Charrette. « C’était un temps où j’en avais les moyens. Je ne voulais pas non plus y revenir avec n’importe qui.
Je ne serais pas un participant de l’industrie des courses de chevaux si Luc n’était pas mon entraîneur. »
Mood Rings a gagné un peu plus de 20 000 $ en deux années de course, principalement à Rideau-Carleton à Ottawa, et vendue privément; elle vient d’avoir son premier foal. Dans Ideal a été vendu et course encore dans les Provinces Maritimes, avec des gains à vie d’un peu plus de 20 000 $ aussi.
En 2009, Charrette a une fois de plus assisté à l’encan de Harrisburg et a payé 4 000 $ pour Done Fooln Witcha, une pouliche issue de I Am A Fool et de la poulinière Real Artist, Real Fool.
La pouliche était grosse mais bien proportionnée. Enregistrant une marque de l:54f à quatre ans, elle allait constituer la base de l’écurie de Charrette comme cheval de course, et en tout optimisme, pour l’avenir, comme poulinière. Maintenant âgée de cinq ans, elle a engrangé presque 70 000 $ en 59 départs en carrière et elle sera probablement fécondée l’an prochain.
En 2010, le yearling et demi-frère de Done Fooln Witcha qui avait été mis en consignation à la Harrisburg Yearling Sale allait retenir l’attention de Charrette. Plus petit mais plus trapu que sa demi-sœur, le poulain Dragon Again a suscité des éloges impressionnants de la part du horseman Yves Filion, un ami de Charrett, qui l’a longuement examiné.
Charrette l’a payé 9 000 $ et a changé son nom de Frankie and Dana à celui de Frankies Dragon. Le jeune cheval a initialement connu quelques problèmes, se frappant la tête et s’arrachant des fragments de peau dans la région d’un œil lors d’une collision en entraînement avec la barrière alors qu’il était débourré. Puis il s’est infligé des coupures aux pattes arrière lors d’un accident dans le paddock. Lentement le poulain s’est façonné en cheval de course, et aujourd’hui il compte comme le 7e plus rapide fils de Dragon Again.
En 2010, Charrette a fait également partie d’un groupe de dix personnes, Les Écuries Meritas, qui ont investi chacun 10 000 $ et acheté deux chevaux de course de trois ans à la Harrisburg Mixes Sale. Un Poulain issu de Betters Delight du nom de SNP Chip coûtant 32 000 $ ainsi qu’un autre poulain celui-ci issu de Ken Warkentin du nom de Celebrity Ferrari coûtant 26 000 $. Le groupe a aussi acheté une yearling issue de Kadabra au prix de 17 000 $, Parlor Trick.
Le partenariat a connu peu de succès parce que les chevaux de course n’ont pas performé selon les attentes et la poulinière ne s’est jamais rendue aux courses. SNP Blue Chip a été réclamé pour 12 000 $ et Celebrity Ferrari s’est éventuellement vendu privément à 3 000 $. Un an et demi après le début du partenariat, il a été dissous.
Frankies Dragon a procuré à Charrette son plus grand frisson jusqu’à maintenant en tant que propriétaire de cheval de course, en gagnant une course stake en juillet. Il avait fini deuxième lors de la première manche de la série et a gagné la suivante… pour passer à la finale favori à 1-2. Durant la course, Charrette a pensé que le cheval était en problème quand il l’a vu emboîté à la mi-course en 53.3 partant de la septième. « Je me suis dit, ‘Shoot, c’en est fait. Qui peut survivre à l’extérieur sur une distance d’un demi-mille en 53.3? » dit Charrette. Le cheval bai a alors mis le chronomètre électronique en marche passé le poteau du ¾ dans un incroyable temps de 1:20.2 pour se hisser en tête par trois longueurs. Mais même avec ces fractions de secondes, il n’a fait qu’élargir la marge jusqu’au fil d’arrivée. « C’est étonnant de gagner. C’est exactement ce que nous espérions obtenir tout en le préparant pour cette course. Au cours de l’hiver, nous nous étions dit que notre objectif était de gagner cette course. Nous figurions qu’il était assez bon pour la gagner. Nous savions qu’il avait beaucoup d’énergie en réserve. Luc est l’un des meilleurs pour préparer un cheval en prévision d’une grosse course. Il l’a prouvé avec Intimidate maintes et maintes fois. Nous pensons de la même façon quand il s’agit de chevaux. »
Charrette comprend qu’il est important de garder ses attentes à un niveau raisonnable. Mai, du même souffle, cela ne l’empêche pas de parler de son meilleur ambleur, Foiled Again, l’un des plus grands standardbred à avoir jamais coursé.
« On ne peut comparer Frankies Dragon à Foiled Again, mais Foiled Again n’était pas très bon à trois ans, » de dire Charrette. « Mais plus il vieillissait, plus il s’améliorait, et j’ai lu une histoire dans le Trot qui racontait qu’il dormait beaucoup dans sa stalle, qu’il se couchait aussi, et c’est exactement ce que fait Frankie, ce qui n’est pas très commun chez les chevaux. Chaque jour, il fait une sieste, ce qui est assez étrange. »
Charrette s’est laissé fasciner par Real Fool, mère de Done Fooln Witch et de Frankies Dragon et il a pu acquérir la poulinière de son propriétaire antécédent, basé en C.-B. et qui avait comme règle personnelle de ne pas féconder une poulinière plus de quatre fois. Il lui cherchait un bon endroit, et il a consenti à la donner à
Charrette, qui a payé son expédition à la ferme de Luc Blais au Québec. Charrette l’a accouplée à No Pan Intended et le résultat en fut un poulain maintenant weanling et qui sera enregistré du nom de Fore Real. Real Fool est présentement gestante d’un foal par Big Jim.
Charrette et Luc Blais sont également les copropriétaires d’un poulain ambleur de deux ans par Dragon Again, What I believe, un yearling acheté au prix de 5 500 $ à Harrisburg.
« C’est mon prochain prospect. Je garde les doigts croisés, » dit Charrette. « Il est né en juin et il était petit lors de l’encan, et Luc n’était pas très chaud quant à lui, mais j’ai suivi mon instinct et l’ai quand même acheté. Nous avons été patients avec lui et aujourd’hui il est monstre. Il ressemble à une bête. Luc est devenu un partenaire, ce qui me démontre la confiance qu’il a en lui. » Lors de sa première course avec pari mutuel à deux ans, le poulain a fait le tour de Mohawk en 1:56.1, complétant le dernier quart en : 27.1
Charrette fait aussi partie d’un syndicat comprenant quatre personnes avec la famille Blais dans Face To Face, une pouliche ambleuse issue de Camluck achetée à Harrisburg pour la somme de 17 000 $ comme yearling. Elle devrait courir à trois ans.
« Je ne suis pas impliqué dans cette aventure pour faire beaucoup d’argent, mais ce serait agréable si elle faisait ses frais, pour elle-même et pour chacun, quand on a un bon cheval, » dit Charrette. « J’ai un certain montant que je suis prêt à investir chaque année, et pour le moment, cela m’a permis d’aller de l’avant depuis cinq ans.
Parfois, le puits vient près de s’assécher, mais à la fin de l’an dernier, Frankie gagna cinq de ses sept dernières courses et il gagna aussi quelques courses en juillet et nous lui donnons présentement une période de repos. J’espère qu’il sera bien avec Frankie et qu’il me permettra encore de continuer.
« L’industrie est très difficile et les bourses ont récemment diminué. Cela est très coûteux de faire entraîner un cheval à Toronto. Je crois vraiment dans les jeunes chevaux. Je ne réclamerais pas un cheval. On ne sait pas ce qu’on achète. On ne sait pas si le cheval a été blessé ou malade. Nous avons acheté deux chevaux de course qui n’avaient absolument rien dans le ventre. Je préfère plutôt prendre une chance sur un yearling et savoir ce que je lui donne à manger, ce qu’il fait en entraînement plutôt que d’acheter de quelqu’un d’autre.
« Ce n’est pas le truc de Luc non plus de réclamer des chevaux. Il aime les jeunes chevaux. Tous les chevaux avec lesquels Luc a eu du succès, sont soit nés sur sa ferme ou ont été achetés aux encans. Je connais Luc. Il prend tellement soin de ses chevaux. Il ne ferait jamais courir un cheval qu’il sait blessé ou malade.
Il prend soin de ses chevaux comme s’ils étaient ses enfants. Je respecte cela et c’est comme cela que je veux que mon entraîneur les entraîne. Des entraîneurs les font courir et courir jusqu’à ce qu’ils n’aient plus rien dans le ventre et qu’ils soient au repos durant six mois. Quand les chevaux de Luc arrêtent à la fin de l’année, leur période de récupération n’est pas trop longue.
« Le seul problème c’est la grande difficulté dans laquelle se trouve l’industrie, et je pense que nous devons évaluer les chevaux vraiment rapidement, » d’ajouter Charrette. « Nous ne pouvons pas attendre et attendre et encore attendre. Nous devons choisir ceux que nous pensons vont réussir; quant aux autres, il ne nous reste plus qu’à s’en défaire. C’est le même coût pour un cheval qui ne gagne jamais que pour un autre qui gagne. Je ne sais pas combien de courses j’ai gagnées jusqu’à maintenant avec mes chevaux, mais j’en ai probablement gagnées plus que ma juste part comparé à beaucoup d’autres dans l’industrie des courses.
J’ai connu beaucoup de vrais bons frissons, mais le plus gros c’est celui d’aller à un encan et de sélectionner entre mille, celui qui réussira mieux que la plupart. Je suis assez fier de cela. À l’évidence, il y a beaucoup de chance là-dedans, mais à chaque encan il y a de bonnes aubaines à faire. Il faut faire nos devoirs, faire affaire avec un grand entraîneur et en y ajoutant une solide gérance, on a une chance. »