Bien Assortis
Pour ce club d’amis – Herb Liverman, Mel Hartman et David McDuffee – les gagnants ont rapides et nombreux. Au fil des ans, le trio a propritaire d’une longue liste de grands coureurs, et cette saison encore, il semble bien qu’ils aient quelques prodiges sous leur aile.
Story by Paul Delean / Traduction Par Louise Rioux
Herb Liverman est un homme de chiffres, mais depuis fort longtemps, il a cessé de compter ses victoires en courses stakes.
Il y en a eu des centaines, littéralement, au cours des quatre décennies durant lesquelles ce Montréalais de naissance a été plongé dans les courses attelées, bon nombre ayant été savourées en compagnie de son père, Irving, dont les accomplissements comme propriétaire et éleveur lui ont valu une place au Temple de la renommée canadien des courses de chevaux en 2002.
Par contre, Liverman se laisse encore enthousiasmer par un bon cheval, et le modèle de cette année paraît être Bee A Magician, une trotteuse de deux ans issue de Kadabra qui termine ses courses à l’image de Usain Bolt.
Son accélération étonnante dans le droit pour gagner la Gold Final de l’Ontario Sires Stakes dotée d’une bourse de 130 000 $, et ce, par cinq longueurs, le 9 août dernier, a laissé les spectateurs et ses propriétaires, éblouis. Son temps de 1:56.4 était son meilleur en carrière, avec un dernier quart accrocheur en :28.1.
Il s’agissait de sa première victoire de la Gold Final en trois essais, mais elle n’avait perdu la précédente, à Flamboro Downs, que par un nez seulement après un ralliement déterminé, à partir de l’arrière du peloton.
« Étonnant, » dit Liverman, 66 ans, qui possède la pouliche avec Mel Hartman, 68 ans, d’Ottawa et David McDuffee, basé en Floride, deux autres personnages qui semblent avoir eux aussi, la touche magique.
Ensemble, seuls et avec d’autres partenaires, ces trois hommes ont connu une remarquable séquence de succès dans le sport. Presque à chaque année, ils semblent avoir un bon cheval. Certaines années, ils en ont quelques-uns.
Justement, Hartman est copropriétaire avec la Brittany Farms, du gagnant inattendu de l’Hambletonian Oaks d’une bourse de 714 050 $, Personal Style.
Lui, McDuffee et Liverman, sont également propriétaires de Miss Paris, la grande vedette des trois ans de l’Ontario Sires Stakes, qui a gagné l’OSS Superfinal à deux ans et a engrangé plus de 600 000 $ à ce jour.
« Herb et moi sommes en affaires dans le trot depuis 10 ou 12 ans. Nous avons été présentés l’un à l’autre par l’entraîneur Chuck Sylvester, un de mes bons amis, » dit McDuffee, qui est âgé de 74 ans. « Mel s’est joint à nous il y a quelques années. Nous sommes de bons partenaires. Je pense que nous n’avons jamais eu de mésentente sur quoi que ce soit. C’est inhabituel. »
Bien qu’ils soient devenus de bons amis maintenant, se visitant les uns les autres à leur domicile en Floride, Liverman et McDuffee n’étaient que des connaissances aux premiers jours de leur association.
« Dans le domaine des chevaux, vous êtes partenaires avec bien des gens que vous ne connaissez pas très bien, » dit Liverman. « D’habitude, les entraîneurs composent les partenariats quand il s’agit de chevaux dispendieux. Je me souviens quand nous avons acheté Bold Dreamer (la mère de Pampered Princess) à deux ans. Ma participation était de 100 000 $ et je n’avais pas de chèque sur moi. David m’a dit de ne pas m’en faire; il en a fait un pour la somme de 300 000 $ en disant ‘rembourse-moi quand tu arriveras à la maison’. Ce que j’ai fait. Notre autre partenaire était Tom Walsh que je n’ai jamais rencontré. »
Liverman connaissait Hartman depuis le temps où l’hippodrome Blue Bonnets de Montréal était encore l’endroit où aller. Hartman était un habitué de l’hippodrome et était le copropriétaire de l’ambleur Boomer Drummond, l’un des plus talentueux et fructueux ambleurs jamais produits au Québec. Liverman se rappelle que Hartman l’avait invité à une occasion à Meadowlands pour voir Boomer Drummond compétitionner dans une course ‘overnight’.
Ils ont perdu contact quand Liverman est parti de Montréal pour Toronto afin d’encadrer (et éventuellement vendre) le commerce d’appareils ménagers de son père, Super Electric, mais ils se rencontraient occasionnellement aux encans. Puis, il y a quelques années, Hartman – qui est propriétaire d’un commerce de vente en gros de fruits et légumes – l’a appelé et lui demanda s’ils pouvaient s’adjoindre un autre partenaire.
« Mon ascension vers les échelons les plus élevés des courses sous harnais a commencé sur les petites pistes d’exposition de la Nouvelle-Angleterre, où j’ai grandi, » dit McDuffy, qui est né à Pepperell, Massachusetts. « Mon père a toujours eu quelques chevaux qu’il faisait courir aux expositions. Il en faisait l’entraînement et le ferrage. Il a même construit une petite piste d’un demi-mille sur notre ferme. Je n’étais pas un touche-à-tout comme lui; j’en suis seulement venu à apprécier l’animal. »
Après avoir étudié à l’Université de Boston et avoir fait son service militaire, McDuffee obtint un poste dans l’industrie de l’assurance. Il a travaillé durant une décennie pour le compte d’autres, puis il a ouvert sa propre agence à Pepperell, se spécialisant en assurance commerciale; et durant les 40 années qui ont suivi, il l’a fait progresser passant d’un bureau de deux personnes à la plus grande compagnie d’assurance de propriété privée de la région. Il a vendu son entreprise en 2005 à un important assureur, Brown & Brown.
Bien que l’assurance payait les factures, les courses de chevaux étaient sa passion. « J’ai probablement eu mon premier cheval de course dès le moment où je suis sorti de l’école. » dit McDuffee en riant. « J’ai eu un cheval avant d’avoir une voiture. »
Il n’a pas connu de succès avant le début des années 1990, quand il lui a été donné de former un partenariat avec le défunt Tom Walsh. « Il fut mon premier partenaire majeur, et jusque là, j’étais plus ou moins par moi-même. J’avais quelques chevaux avec les Haughton en Floride, et lui aussi. Nous nous sommes liés d’amitié et avons connu beaucoup de succès ensemble jusqu’à ce que sa santé lui cause problème il y a quelque deux ans.
Ils comptaient parmi leurs étoiles, le gagnant du 1993 Adios Pace, Miles McCool, et Magical Mike, qui lui s’est emparé du Little Brown Jug en 1994.
McDuffee détient maintenant des intérêts dans environ 40 chevaux, y compris des yearlings, weanlings, chevaux de course et animaux reproducteurs.
Parmi ceux-ci, il y a Kadabra, le cheval qui a cimenté son amitié avec Liverman. Ils faisaient partie du groupe des cinq partenaires recrutés par Peter Heffering pour acheter le cheval d’élevage de l’Illinois pour 800 000 $, à la fin de sa campagne de deux ans, durant laquelle il a gagné 10 de ses 14 départs.
Kadabra a aussi excellé à trois ans, en gagnant la Canadian Trotting Classic et la Breeders’ Crown, et s’est prouvé encore plus prolifique en tant qu’étalon après sa retraite à l’âge de quatre ans. Cette année, il a été intronisé au Temple de la renommée canadien des courses de chevaux.
« Quand Kadabra est passé à la reproduction, Dave et moi avons acheté plusieurs trotteurs ensemble, » dit Liverman.
Leur performance, particulièrement avec les trotteuses, est remarquable. Le tableau d’honneur inclut Her Culese, Victory My Way, Bold Dreamer, Behindclosedoors, Tight Pants et Poof She’s Gone, une yearling de 180 000 $ par Kadabra, qui y est allée pour gagner la Breeders’ Crown à 2 ans, et qui a gagné plus de 1 M $. La seule ombre à son tableau : un bris d’allure non caractéristique alors qu’elle était la grande favorite lors du Hambletonian Oaks de 2010.
C’est un souvenir douloureux pour Liverman, car c’est l’une des quelques courses majeures qu’aucun de ses chevaux n’ait gagnée. Ils détiennent un Hambletonian (Muscles Yankee), Meadowlands Pace (Laughs), quatre Breeders’ Crowns, et même un Jugette (Handle With Care), mais à ce jour, aucun Hambletonian Oaks.
« C’est mon plus grand chagrin dans cette industrie, avec aussi Britelite Lobell qui a brisé son allure à deux ans alors qu’elle était cotée à 3-5 dans la Breeders’ Crown. »
La course The Oaks en est une qu’il aimerait tant gagner, particulièrement avec un rejeton de Kadabra. Il est le plus gros actionnaire unique du circuit Ontario Sires et il administre aussi le syndicat pour les étalons.
Portant ce chapeau, il est plus que très inquiet de ce qui se passe en Ontario depuis ces quelques derniers mois, avec le gouvernement provincial mettant abruptement fin au flux des recettes provenant des machines à sous sur les hippodromes. « J’ai 19 poulinières au Canada, et 18 sont gestantes de Kadabra. J’en ai 14 à l’allaitement issus de Kadabra, et cinq ou six yearlings. J’en ai pris tout un coup. »
Les gens n’enchériront pas autant qu’avant pour des chevaux, Dalton McGuinty, le premier ministre, a parlé. Certaines personnes disent que nous devrions sortir Kadabra d’Ontario. J’hésite à le faire, quoique je sois certain qu’il serait bien accueilli aux États-Unis. Ce serait déchirant de déménager le cheval mais tout peut arriver quand un gouvernement s’implique. Si nous en arrivions à tenir un vote et que la majorité des actionnaires soit favorable à un déménagement, alors c’est ce qui arrivera. »
Pour avoir un succès durable dans les courses de chevaux, il faut la diriger comme une entreprise, admet Liverman. C’est ce que lui et son père ont fait dès le début. Les bonnes années en piste signifiaient de l’argent excédentaire pour réinvestir dans des yearlings ou des poulinières de qualité.
Même si les chevaux coursaient au nom de son père et que le stock de géniteurs était enregistré au sien, il s’agissait vraiment d’une seule opération, dit Liverman. « L’argent venait de la même poche. Nous n’avions qu’un seul compte en banque. »
Des chevaux tels Silent Majority, Handle With Care et Windshield Wiper, qui se sont signalés, ont permis aux Liverman de connaître un début d’enfer dans les années 1970, leur permettant d’acheter les droits d’accouplement aux étalons No Nukes, Super Bowl et Valley Victory, de même que la création éventuelle d’une installation d’élevage qui compte aujourd’hui un groupe de poulinières pur-sang de même que des parts signifiantes dans les meilleurs étalons, Muscles Yankee et Kadabra.
« J’ai 21 poulinières trotteuses et je les mesurerais aux 21 meilleures de quiconque » de dire Liverman. « Certaines coûtent près de 300 000 $.
Il dit qu’il a gravité autour des trotteurs exclusivement, en partie parce qu’il n’aimait pas ce que les « chimistes » faisaient au sport. Avec des trotteurs, la conformation et un horsemanship basique comptent plus, dit-il.
McDuffee dit que lui et Liverman partagent le même point de vue sur la plupart des choses, et c’est la raison pour laquelle ils ont sympathisé comme partenaires.
« Votre partenaire se doit d’être sur la même longueur d’onde, d’avoir la même philosophie et la même théorie, » dit-il. « Tous les deux, nous aimons avoir de jeunes chevaux à faire courser à 2 et 3 ans pour ensuite les vendre ou les accoupler. Nous sommes familiers avec les divers programmes de courses. Nous employons de bons entraîneurs, comme Nifty Norman, et nous leur sommes loyaux; nous ne bondissons pas d’une place à l’autre. Nous allons aux encans à la recherche du meilleur et nous ne sommes pas gênés de payer un fort prix, car quand on divise cela en deux ou trois, ce n’est pas si mal. »
Avoir des partenaires qui respectent leurs engagements est aussi un élément essentiel.
« Je me souviens d’un vétérinaire, qui, à une occasion, n’a pas voulu soigner un cheval parce que mon partenaire dans ce cheval – quelqu’un qui n’est plus dans l’industrie – lui devait beaucoup d’argent. Cela arrive, » dit Liverman.
Bien qu’ils soient régulièrement en contact téléphonique, les partenaires sont rarement aux courses en même temps. Des photographies des trois ensemble dans le cercle du vainqueur sont difficiles à trouver.
Avec autant de chevaux qui coursent à tellement d’endroits différents, McDuffee trouve plus facile de suivre leurs exploits à la télévision. « De cette façon, vous ne manquez rien. Et s’ils ont fait une mauvaise course, tout ce que vous avez à faire c’est d’aller au lit plutôt que d’avoir à monter en voiture et rouler durant quatre heures. »