Profondément enracinée

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Les racines des courses canadiennes courent fermement dans tous les coins de notre pays, mais tout particulièrement dans les provinces Maritimes, où de nombreuses grandes familles

sont impliquées dans notre sport dans tous ses aspects. Nous vous présentons une famille – comptant 16 enfants, ni plus ni moins – qui a conservé la tradition des courses sous harnais bien vivante et solide depuis plusieurs générations.


By Melissa Keith

Parlant de pedigree dans le contexte de courses sous harnais, très souvent les discussions porteront sur les étalons et les juments poulinières ayant produit les meilleurs chevaux. Mais il est un fait bien connu que notre sport s’enorgueillit aussi de ses dynasties humaines, de ses longues traditions où à partir du grand-père ou du père, à la mère ou à un oncle, on enseigne les rudiments du horsemanship aux plus jeunes.

La famille Barrieau, par exemple. Ses racines sont solidement enracinées au Nouveau-Brunswick – et ce depuis bien avant 1948, l’année où Léonard Barrieau a acquis deux fermes dans la région de Brûlis-du-Lac, Dieppe aujourd’hui. Vétéran de la Première Guerre Mondiale, lui et sa femme Léonie ont élevé 16 enfants après son retour dans son Nouveau-Brunswick natal. Léonard était un homme d’affaires et il a fondé puis vendu l’Acadia Telephone Company, mais sa plus grande renommée repose sur ses contributions à l’histoire des sports. Il n’a pas qu’élevé des chevaux de course. Cinq de ses fils ont continué à propager le nom Barrieau pour en faire un synonyme des meilleurs entraîneurs-conducteurs.

Marcel est le plus jeune des frères Barrieau. Coursant aujourd’hui à Rideau-Carleton Raceway, l’entraîneur-conducteur de 65 ans, a toujours été plongé dans le sport. « Je me souviens des jours d’hiver sur la ferme quand j’étais très jeune – on utilisait des traîneaux, » dit-il à partir de sa résidence de Laval, au Québec. « J’ai aussi commencé à conduire en très bas âge. »

Aujourd’hui, Marcel exploite une écurie de 13 chevaux, et fait remarquer que son frère Alfred est encore impliqué dans les courses à titre de propriétaire avec son fils, Gilles. Marcel Barrieau lui-même a deux filles, Jocelyn (une joueuse élite canadienne de rugby) et Lindsey (qui en est à un an de l’obtention d’un doctorat en Psychologie), mais ni l’une ni l’autre n’a songé à faire carrière dans les courses sous harnais. Comme les onze sœurs de Marcel, elles ont choisi de poursuivre d’autres intérêts, quelque chose que Marcel attribue à l’absence de modèles féminins de marque en tant qu’entraîneuses et conductrices, jusqu’à tout récemment.

Tandis que Marcel souligne le fait « que ce n’est plus comme avant » dans l’industrie moderne, il admet que la tendance vers de plus petites écuries dans lesquelles chacun est à son compte, comme il dit, fait qu’il devient important pour les membres de la famille de se serrer les coudes. « J’aimerais enseigner à beaucoup plus d’enfants, si je le pouvais, » dit le horseman, dont la carrière en piste s’étend sur une période de 40 ans et plus. « J’aimerais les amener et leur expliquer comme c’est bon. » Malgré le fait qu’il n’y ait pas d’héritier au legs équin de la famille Barrieau par ses propres enfants, Marcel mentionne fièrement les noms de deux des plus jeunes membres de la famille qui portent admirablement bien le flambeau des Barrieau. « Mes neveux, Gilles et Michel, fils d’Alfred et Rufin respectivement. » Selon ses dires, ils représentent la troisième (ou peut-être la quatrième) génération de Barrieau à exceller dans ce sport.

« C’est pratiquement un emploi à vie que mon père m’a donné. De façon réaliste, je suis seul et responsable depuis l’âge de 21 ans, » réfléchit Marcel à propos de son implication dans les courses. « Nous sommes originaires d’Acadiaville, au Nouveau-Brunswick. J’avais un an et demi quand nous sommes déménagés à Moncton. Nous avions une ferme d’assez bonne grandeur où nous avons élevé des poulains durant un certain temps, quand mon père était plus jeune, puis nous sommes allés vers l’aspect course. »

La ‘Léonard Barrieau Farm’, construite en 1870 ou peut-être avant, était utilisée par Rosaire et Alfred, deux des frères plus âgés de Marcel, jusqu’au moment où elle a été expropriée par la Ville de Dieppe. « Mes frères y avaient quelques chevaux qu’ils joggaient et entraînaient – et je crois que le dernier cheval est parti en 2005 ou à peu près. Une fois qu’ils eurent pris le terrain sur lequel nous y avions notre piste (au profit du développement d’une partie d’un parc industriel), c’était insensé d’y maintenir des chevaux puisque nous ne pouvions pas les entraîner. » Mais cela n’allait pas clore le chapitre Barrieau dans l’histoire des courses sous harnais.

Gilles Barrieau est un nom familier chez la plupart des amateurs de courses canadiens, puisqu’il a représenté le pays au Championnat mondial des conducteurs en 2007 et qu’il s’est acquis le meilleur ratio de conducteur pour 2011 avec 0.464. Cet entraîneur-conducteur aguerri des Maritimes dit qu’il a su qu’il allait devenir un horseman professionnel dès son jeune âge. « C’est tout ce que j’ai fait. J’ai quitté l’école pour le faire, » dit Gilles, qui à l’origine aidait son père Alfred avec ses « sept ou huit » chevaux qui couraient au Brunswick Downs à Moncton. Le moment du changement pour Gilles est arrivé à l’été où il devait entreprendre sa deuxième année collégiale.

« Je vivais à Moncton, et je suis venu ici (à l’Exhibition Park de St. John) où j’ai commencé à travailler avec Marcel; puis j’ai décidé que c’est ce que je voulais faire, » dit-il. « Marcel est le type qui m’a lancé, réellement. Il était mon idole et c’est de lui que j’ai tout appris. » Alfred, le père de Gilles, a tout d’abord participé aux courses sous harnais comme passe-temps, puisqu’il était aussi à l’emploi du CN Rail et était entrepreneur en construction. Mais Marcel était, dans les mots de Gilles, un entraîneur-conducteur du plus haut niveau, qu’il admirait déjà alors qu’il n’était qu’un petit gars, parce qu’il s’était fait un nom dans les courses partout dans les Maritimes et même aux États-Unis.

Un autre conducteur Barrieau est devenu une légende avant Gilles, mais il est décédé tragiquement à l’apogée de sa carrière à l’âge de 35 ans. Gilles raconte qu’il devait avoir environ six ans quand Rufin Barrieau, son oncle, est mort. Le conducteur, membre du Temple de la renommée du Nouveau-Brunswick et en l’honneur de qui la course Barrieau Memorial a été créée à l’Exhibition Park, a fait grande impression sur son neveu. « Apparemment, c’était le meilleur, ou c’est ce qu’on m’en dit. »

D’autres membres de la famille ont aussi joué plusieurs rôles dans le sport, soit à partir de son oncle, l’Abbé Yvon Barrieau (oui, il conduisait et était prêtre! confirme Gilles) jusqu’à l’appui extraordinaire et sans failles de ses tantes (sur qui vous en apprendrez davantage dans un moment), ce n’est pas surprenant que Gilles poursuive la tradition familiale. Il admet qu’un de ses frères et une sœur n’évoluent pas dans ce sport, et son autre frère Rheal s’en est retiré quand les pistes de la région de Moncton ont été fermées (Brunswick Downs, suivies par le Champlain Raceway). Mais il subsiste encore quelque chose à propos des courses qui maintienne le clan Barrieau intéressé, même dans l’adversité.

En octobre dernier, au Truro Raceway, Gilles a été victime d’un événement fatidique qui devait mettre son réseau de soutien à l’épreuve. À la suite d’un alarmant accident comprenant six chevaux, il s’en est sorti avec un poignet cassé ainsi que plusieurs doigts. « Je n’étais pas vraiment prêt pour un retour, mais nous manquions d’aide, alors j’ai commencé à jogger les chevaux, » explique-t-il. « De retour depuis à peine trois jours, il se produisit un accident bizarre – je fus rué par un yearling et je me suis cassé le fémur. » Pour quelques athlètes, une telle blessure aurait sonné la fin d’une carrière. Mais pas pour Gilles Barrieau. Avec son amie et propriétaire de chevaux, Sandra Foley, qui en prit la tête, les membres de la famille tout comme la communauté des courses se sont réunis pour lui venir en aide.

Une collecte de fonds des plus réussies, a réuni quelque 150 supporteurs. Sa famille par le sang ainsi que la famille élargie des courses, même ceux qui ne pouvaient pas y assister, ont contribué. De son côté, Marcel dit qu’il n’y est pas allé - « ils me demandaient 1 000 $ pour le billet, alors je me suis dit qu’il valait mieux les lui donner directement plutôt que les donner à la compagnie d’aviation! » raconte-t-il.

Marcel ajoute que des dons provenant de plusieurs conducteurs de réputation de Woodbine au profit de la vente aux enchères pour Gilles, démontrent l’appui de cette famille de course élargie. Gilles admet que les dons réguliers de repas maison et autres friandises de la part de ses parents et ses tantes, auront peut-être contribué à ajouter quelques livres à son poids. Mais, il ne s’en plaint pas du tout.

« Oh oui – mon Dieu, sans eux, je ne sais dans quel état je me serais retrouvé, franchement, » répond Gilles quand on lui demande si le soutien de sa famille a joué un rôle important dans son retour imminent à la conduite à la fin d’avril à l’Exhibition Park. « Ils ont maintenu mon moral. Ils ont été parfaits. Alors que j’étais immobilisé soit pendant trois mois à cause de ma fracture, ils sont venus me visiter, tous les deux jours de Moncton. »

Ses parents, Alfred et Edna, de même que ses tantes Maria, Margaret, Rosa et Cecile étaient parmi ses visiteurs assidus durant sa convalescence, l’aidant à soulager le stress sur Gilles et sa femme Kelly. Deux de ses tantes – Cecile et Rosa – furent particulièrement enthousiastes à ce que Gilles revienne dans le sulky. « Oh oui – elles savent ce qui se passe parce qu’elles me suivent ainsi que Marcel sur l’Internet comme vous ne le croiriez pas! » dit-il en riant.

Gilles et Kelly sont copropriétaires de deux chevaux (Mc Awesome et Veto Hanover, lesquels courent en Ontario sous les soins de la Gregg McNair Stable) en partenariat avec un autre propriétaire. Mais leur fille de 17 ans, Devon, ne semble pas intéressée à poursuivre une carrière dans le domaine des courses, fait remarquer Gilles. Bien qu’une vie dans les courses de chevaux sous harnais puisse très bien ne pas convenir à tous, il émet l’hypothèse selon laquelle elles auraient empêché bien des jeunes de sombrer dans des situations problématiques au fil des ans. « Au temps de ma croissance, des enfants venaient de la rue à la recherche d’un travail sur les hippodromes et ils flânaient aux alentours; nous ne voyons plus cela aujourd’hui. Il n’y a pas si longtemps de cela, quand même. »

Une famille aux nombreuses légendes en guise de rôles modèles devrait probablement inspirer la plus jeune génération à devenir des chefs de file dans quoi que ce soit qu’ils fassent. Avec un peu de chance et quelques petits-enfants, il y aura éventuellement plus de jeunes Barrieau pour faire perdurer l’histoire de l’excellence de cette famille sur les hippodromes des Maritimes et d’ailleurs.

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