Tirer le meilleur parti de son temps

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Si quelqu’un vous posait une question triviale disant : « Quel entraîneur a développé Sintra (1,6 million de dollars), Grace Hill (2 millions de dollars), Allywag Hanover (2,4 millions de dollars) et Party Girl Hill (932 545$) ? » (Ainsi que d’autres chevaux à succès), sauriez-vous que la réponse est « Dan Lagacé » ? Probablement pas, mais c’est bien vrai. L’homme qui a développé et vendu, ou envoyé ailleurs, plutôt que de le courser, une quantité de grands chevaux de course est définitivement passé inaperçu dans une large mesure. Cependant, après s’être concentré pendant des années davantage sur sa jeune famille que sur courser des chevaux le soir, deux des trois enfants de Lagacé lui ont fait savoir qu’ils voulaient suivre ses traces, si bien que récemment l’écurie familiale a décidé de courir un peu plus. L’entraîneur qui n’a eu que 212 départs entre 2013 et 2021 en a maintenant 135 au cours des trois dernières années, et le plus gratifiant financièrement d’entre eux a eu lieu le 12 octobre de cette année, lorsque You Got It Kemp - appartenant majoritairement à Dan, Brady et Brooke - a facilement remporté la super finale OSS de 300 000 $ pour poulains et hongres trotteurs de deux ans au Woodbine Mohawk Park.

« Famille » est le mot clé lorsqu’on parle de l’équipe de Lagacé, et l’homme désigné comme entraîneur ne voudrait pas qu’il en soit autrement. En fait, s’il n’était pas entouré quotidiennement de sa famille dans l’écurie, il ne ferait peut-être même pas cela pour gagner sa vie. Par Dan Fisher // Traduction Manon Gravel

 

YOU GOT IT KEMP

Dan Lagacé marche droit, et cela pourrait être en partie la raison pour laquelle son écurie n’est pas trop grande. Cependant, cela lui convient à 100%. En fait, c’est exactement ce qu’il veut.

« Les gens pensent que c’est impoli, je suppose, mais je dis : ‘Tu ne peux pas m’appeler le matin parce que je travaille. Et tu ne peux pas m’appeler dimanche parce que j’ai besoin d’un jour de congé et toi aussi. Vous n’avez pas le droit de m’appeler le jour de la course… ni après la course. Donnez-moi un jour… si vous m’appelez après la course et que vous êtes en colère parce que le cheval a mal couru, je suis en colère aussi. Même si je ne suis pas le propriétaire, je suis quand même en colère. »

« Certains propriétaires veulent également participer à toutes les courses de « Stakes », alors que nous décidons en fonction de chaque cheval individuellement et de ce qui est le mieux pour eux », intervient Brooke, la fille de Dan, qui a célébré son 26e anniversaire le soir de la victoire par 5 ¼ longueurs de You Got It Kemp dans la super finale en 1:53.4.

Le fait que Dan, qui avec Brooke est également entouré de sa femme Michelle et de leur fils Brady (27 ans) lors de cette interview impromptue au Classy Lane Training Center tôt un matin, permette si volontiers à sa jeune fille d’exprimer ses opinions à ce moment-là, montre bien à quel point cette famille est sur la même longueur d’onde en matière de respect mutuel et d’entraînement des chevaux. »

« Ce n’est pas l’écurie Dan Lagacé », précise clairement l’entraîneur officiel; « c’est l’écurie Lagacé. »

Puis, continuant à expliquer pourquoi il n’aime pas nécessairement avoir beaucoup de propriétaires autour, Dan rit et partage la réminiscence suivante.

« J’adore jouer au golf », commence Dan. « Je ne suis pas très bon dans ce domaine mais nous le faisons beaucoup… comme deux à trois fois par semaine lorsque nous sommes en Floride en hiver. J’ai donc eu ce cheval récemment, Cupid Shuffle, et tout l’été, le seul propriétaire voulait l’envoyer ici et là, et je voulais attendre qu’il soit prêt. Alors finalement, juste pour lui faire plaisir, j’ai envoyé le cheval à Linda Toscano [dans le New Jersey]. Lors de son dernier départ là-bas, il a été battu par environ 30 longueurs, alors nous l’avons ramené à la maison et je voulais juste l’améliorer pour que nous puissions le vendre. Nous faisons donc une course, et il finit deuxième [à Mohawk] deux fois de suite, puis il termine quatrième, en 1:50, dans un stake pour nous à The Meadows. Alors Mark Weaver veut l’acheter pour 90 [mille dollars] et je veux 100 [mille dollars], et il dit « Pourquoi ne le faites-vous pas courir dans le « Simcoe » contre des chevaux de classe, voyez comment il va, et nous pourrons se rejaser ensuite ?’ Alors il a bien coursé là-dedans, termine troisième derrière Nijinsky et Legendary [Hanover] et a été chronométré en [1]:49 et des poussières. Nous l’aurions vendu 100M$ la semaine avant… maintenant, je reçois 130 [mille dollars américains] … plus les 20 000 $ que nous avons gagnés pour avoir terminé troisième dans le Simcoe.  Nous sommes environ 50 à 60 000 $ en avance sur ce que nous étions il y a une semaine avec ce cheval ! »

« J’envoie donc un message-texte aux propriétaires et je leur fais l’annonce, et, plus tard, nous partons jouer au golf. Je sais, je ne suis pas très bon, comme je l’ai dit, mais j’ai trois pars dans mes quatre derniers trous… Je veux dire, je suis cris*&?%$ en feu là. (rires). J’attendais cette partie.  Puis, ce propriétaire m’envoie un texto et me dit : « Je pense que tu aurais dû obtenir 5 000 $ de plus pour lui. » J’ai répondu « Vous @#$%$# - &%$@# », &^%-$%#@&% #$%@. J’ai disjoncté.  Je n’aurais probablement pas dû m’énerver autant, mais je nous avais fait une si bonne affaire… nous le vendions 100 une semaine plus tôt ! Puis il m’a dit de « me détendre » et là je suis devenu VRAIMENT en colère (riant). Je lui ai dit que je ne courserais jamais avec un autre cheval pour lui. Nous possédions un autre cheval ensemble, alors le lendemain, je l’ai contacté afin que nous puissions parvenir à un accord sur la dissolution du partenariat. Il a suggéré que nous n’étions pas obligés de faire ça et j’ai dit : « Tu as SCRAPPÉ l’une des meilleures parties de golf que je n’ai jamais joué… il n’y a pas de retour possible » (riant de bon cœur). Cela avait gâché mon jeu et le reste de ma journée. J’ai dit : ‘Je suis désolé, tu n’es pas une mauvaise personne et je ne dis pas que tu es un mauvais propriétaire, mais nous ne ferons plus jamais courir un autre cheval ensemble’ » (riant).

C’est la version 2024 de Dan Lagacé – celui qui est dans une position où il peut choisir pour qui il entraîne. Mais comment tout ça a-t-il commencé, se demande-t-on, alors que le père de famille dévoué tient sa cour en ce froid matin d’automne, entouré de sa famille adorée.

Comment vous êtes-vous impliqué au départ ? demande-t-on.

Brady et Brooke ont rapidement laissé sortir le chat du sac à ce sujet, riant du fait que leur père n’est qu’un entraineur parce que « il était un rebelle quand il était jeune ».

« Il a séché l’école... beaucoup ! » rigole Michelle. « Personne d’autre dans sa famille n’est dans cette business, juste lui. »

Dan rétorque en ajoutant : « Eh bien, mon seul frère est un gambler… un mauvais gambler.

« Mon père travaillait dans une usine et quand elle a fermé, nous avons déménagé à Elmira », raconte Dan. « Je faisais l’école buissonnière quand j’avais 10 ans, je suis allé me promener et j’ai trouvé l’hippodrome. Bob Ellis était là et voilà! J’ai commencé à faire des « stalls » pour Bobby le matin et tout ça quand j’avais seulement 10 ou 11 ans.

« Le premier cheval avec lequel j’ai été jogger, c’était aussi à cet âge-là. Un cheval appelé Fellers Lady. Ils m’ont dit : « Ne siffle pas après elle »… Alors je la jogge à Elmira ; tu sais, tu as 11 ans et tu penses que tu es cool, alors j’ai seulement craché et elle était partie ! Tout le monde a dû sortir des écuries et faire une file bord en bord de la piste pour essayer de la faire arrêter. Ils ont réussi à la faire arrêter et ils ont dit : « Tu dois rembarquer tout de suite ». Donc le deuxième que j’ai attelé était Best Of Me. Nous allions sortir, elle a remué sa foutue queue, la guide s’est prise en dessous, elle a commencé à reculer et est tombée (la famille rit).

« Ce sont les deux premiers que j’ai joggé… ils disaient tous ‘Tu dois y retourner’ et j’ai dit ‘Non, savez-vous, je vais prendre un jour de congé’ » (rires).

« Je n’ai vraiment pas aimé l’école. Je suis l’un des six frères et sœurs, mais les quatre plus âgés sont beaucoup plus âgés », partage-t-il. « Mon frère, qui n’a qu’un an de plus, et moi étions très proches. En fait, il a échoué en première année, donc nous étions toujours dans la même classe. Mais quand nous sommes arrivés en huitième année, ils l’ont plutôt transféré au lycée – il a retrouvé les enfants de son âge. Après avoir été séparés pendant environ trois semaines, nous étions tous les deux si mauvais… ils ont dit qu’ils ne pouvaient pas me faire monter [en 9e année], mais que je pouvais passer un test d’équivalence de huitième année. J’ai donc réussi et ils m’ont transféré au lycée avec lui, mais non seulement les élèves de neuvième année sont les plus jeunes de l’école, mais j’étais aussi le plus jeune de neuvième année. Cela a rendu les choses difficiles », se souvient Dan.

« Mais il a manqué tellement de jours qu’ils n’ont même pas compté sa présence là-bas », rit Michelle.

« C’est à peu près au même moment où je l’ai rencontrée [Michelle] », dit Dan à propos de l’amour de sa vie. « Elle gardait les enfants chez mon oncle. Quand nous avions 12 ans. Je l’ai regardée et je lui ai dit : « Je vais t’épouser un jour » . Elle m’a demandé pourquoi et j’ai répondu « Parce que tu es jolie »... et depuis, je suis amoureux d’elle », sourit-il.

« J’ai travaillé pour Bob Ellis pendant un bon moment », se souvient Dan. « En fait, les gens pensaient qu’il était mon père. Pour être honnête, j’ai appris plus de lui que de quiconque. »

« Nous avons vécu des moments fous à cette époque. Il y a eu un accident à Elmira un jour et c’est mon frère qui a attrapé le cheval en liberté juste avant qu’il ne s’écrase contre une clôture. Il s’est avéré que c’était Classic Wish, qui est devenue la mère de Bettors Delight !

« J’étais alors copain sur la piste avec Keith et Ken Middleton, et je suis allé à l’école, en huitième année, avec Chad Rozema aussi. Bob [Ellis] s’évanouissait parfois s’il était exposé au soleil brûlant. Je me souviens d’une fois où Bob, Keith [Middleton] et moi ramenions des chevaux chez nous depuis l’hippodrome d’Orangeville et Bob s’est évanoui au volant… nous sommes allés directement dans un champ de fermier avec les chevaux.

« Keith et moi avons conduit à tour de rôle le camion et la remorque pour rentrer chez nous ce jour-là, avec Bob évanoui à côté de nous… nous n’avions que 12 ou 13 ans à l’époque » (rires).

« C’est un peu fou quand on repense à des choses comme ça maintenant. »

« Ensuite, j’ai travaillé pour Gerry Dinelle Jr. pendant quelques années, quand ma première fille [Destiny] est née, j’avais donc 19 ans… puis je suis allée travailler un peu pour Rick Zeron. Quand je travaillais pour Rick, je travaillais avec quelques-uns qui ne faisaient qu’entrainer parce que j’en avais deux des miens à m’occuper. »   

« Le vieux Bill Carroll nous a donné deux chevaux… tous deux étaient sur la liste du vétérinaire et l’un d’entre eux n’avait qu’un œil. Ce sont les deux premiers chevaux qui m’ont appartenu (rires). Ils ont tous les deux bien couru les deux premières fois que je les ai coursés, puis Rick s’est mis en colère. Il disait que je devais être là [toujours] quand il arrivait… mais il n’arrivait habituellement, à Mohawk, que plus tard. Alors j’ai dit : « Je démissionne… »  il a dit : « Tu n’es pas obligé de faire ça » mais j’ai quand même quitté (la famille rit).

« J’étais jeune à l’époque, seulement 20 ans environ, et Brad Gray est venu vers moi parce qu’il connaissait Bill Carroll. Brad a dit : « Réclame-moi quelque chose, et si ça va bien, je serai le meilleur propriétaire que tu n’auras jamais eu, et si ce n’est pas le cas, tu peux aller te faire foutre (en riant). Ses mots exacts. »

« Le premier cheval que j’ai réclamé pour lui était Daylon Command, et il a été bon pour moi… J’ai eu des chevaux pour Brad pendant près de 20 ans après cela. Nous avons eu beaucoup de bons chevaux ensemble au fil des années, mais la seule raison pour laquelle je me suis tourné vers les yearlings, c’est parce que j’ai été suspendu pour un test positif. J’étais jeune et stupide et c’était de ma faute, mais Brad a acheté deux yearlings [pour que je puisse entraîner pendant que j’étais suspendu et que je ne pouvais pas courser] et ils se sont bien comportés tous les deux… Après ça, j’ai pensé : « Bon sang, Je suis bon dans cette « game » ».

« Mais la principale raison pour laquelle nous sommes passés de courser plusieurs chevaux à élever des jeunes chevaux est que toute ma vie a été régie par le temps. Tout était une question de temps. Quand vous vous levez le lundi, vous vous inquiétez du vendredi. Si vos chevaux reçoivent simplement des choses comme la bute ou de la banamine, c’est le temps qui est important. Tout est dans le temps. »

« Mon temps valait trop pour me soucier autant du temps. »

« Quand vous êtes jeune comme ça [et que vous coursez], vous êtes toujours inquiet de ce que font les autres. Finalement, j’ai réalisé que si je pouvais simplement trouver un moyen de gagner 10 000 $ par mois – juste en entraînant – tout irait bien. Je suis une personne sans instruction, mais cela ne me dérange pas de travailler, et si je pouvais rapporter un dix mille dollars par mois, tout irait bien.

« Nous avons donc commencé à faire cela avec les poulains et c’est devenu de mieux en mieux, et nous avons commencé à investir davantage et à être plus intelligents avec l’argent et des choses comme ça. »

« Nous avons également réduit le troupeau. Nous sommes passés de 20 chevaux à environ huit. Nos enfants commençaient tout juste à devenir un peu plus âgés… Je veux dire, nous avons eu trois enfants avant d’avoir 21 ans… Mais je suis là depuis longtemps, et je voyais tellement de ces gars boire et travailler vraiment fort pour essayer de gagner une course, tellement qu’ils perdent la trace de leur famille. La meilleure course que vous puissiez gagner est votre famille. C’est ce que j’ai fait, j’ai juste réduit et j’ai passé plus de temps à être un papa… ou du moins à essayer de l’être de toute façon. »

« Notre fille aînée n’est pas fervente de ça. Elle est tombée amoureuse d’un cheval… J’ai réclamé un cheval appelé Colonel Moffitt. Elle l’a joggé, l’a monté, a tout fait avec lui, mais n’a plus touché un cheval depuis.  Nous l’avons réclamé pour 10 000 dollars et en avons gagné plusieurs d’affilée avec lui, et quelqu’un voulait un cheval pour The Meadowlands et nous a offert vingt mille US$… et j’ai dit « Vendu » (en riant). »

Lorsqu’on lui a demandé si Destiny était en colère à ce sujet, sa sœur, Brooke, a déclaré : « Elle n’était pas ravie, mais nous nous y sommes habitués. Il y a tellement de chevaux auxquels je me suis attachée et un jour il me dit : ‘Désolé, je l’ai vendu.’ »

« En ce qui concerne la vente de chevaux », explique Dan, « cela a vraiment commencé en 2010, lorsque Brad Gray et moi nous sommes un peu disputés. À l’époque, nous partagions la propriété de quatre poulains de deux ans, dont Tea Party Princess [666 934 $] et Watermelonwine [428 289 $]. Je voulais qu’on se les partage, en prendre deux chacun, mais à la fin il m’a fait un chèque de 165 000 $ pour ma moitié des quatre.

« Je suis allé aux encans et j’ai acheté quatre yearlings, mais je n’ai pas dépensé beaucoup d’argent pour eux. J’ai acheté une Striking Sahbra pour 15 ou 20 [mille dollars] et une pouliche Kadabra à Lexington, de Brittany Farms, qui avait un gros jarret. Je suis resté assis là pendant une heure et j’ai regardé les gens demander de la faire sortir… ils ont tous vu le jarret et l’ont fait remettre à sa place. Je l’ai eue pour 7 000 $. »

« En mars [2011], Jack [Darling] m’a dit qu’il voulait acheter la Kadabra, mais elle [Michelle] ne m’a pas laissé la vendre en entier, alors je lui en ai vendu la moitié pour 50 000 $. »

« En février, Ben [Wallace] était venu et m’avait dit qu’il aimait le Striking Sahbra. Je lui ai demandé 45 000 $ et il m’a dit : « Tu veux faire un petit 25 000 $ vite fait en quelques mois seulement ? » J’ai répondu : « Eh bien, c’est toi qui a dit qu’il l’aimait ! » (rires). J’ai dit qu’il pourrait alors l’acheter pour 100 000 $ en juin.  Après l’avoir qualifié en juin, j’ai fini par le vendre pour 120 000 $. »

« Cet automne-là, j’avais aussi acheté un Stonebridge Regal  pour lequel Jack m’avait proposé 80 000 $, mais Michelle ne m’a pas laissé le vendre », rit Dan.

« Il vendait toute notre écurie ! » dit Michelle avec insistance, parmi les rires de sa famille.

« J’ai fini par vendre le Stonebridge Regal », dit Dan impassible alors que Michelle rougit. « Pour 15 000 $ ! Disons simplement qu’il a tiré la 10e position lors de son premier départ à vie, dans une course OSS Gold contre Warrawee Needy… et nous savons tous comment cela s’est passé », rit Dan.

« La morale de l’histoire, cependant, c’est que j’ai d’abord reçu les 165 000 $ à l’automne, puis 120 000 $ et 50 000 $, et c’était la seule fois de ma carrière jusqu’à ce moment-là où j’avais réellement eu de l’argent dans ma poche. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à penser que vendre était la meilleure façon d’y parvenir. 90 % de l’argent que j’ai gagné dans ce métier vient de la vente de chevaux. »

Avance rapide jusqu’en novembre 2023 à l’encan Black Book à Harrisburg et découvrez comment la famille a géré ce qui était probablement la meilleure vente de yearlings de tous les temps.

« Pour être honnête, j’avais à l’œil une pouliche de Captaintreacherous », révèle Dan, « mais j’avais un rendez-vous chez le médecin en FaceTime prévu à peu près au moment où elle allait se vendre, alors j’ai dit : « Pourquoi n’essayons-nous pas simplement d’acheter quelques trotteurs d’élevage « Ontarien » lors de la troisième journée? »

« J’adore les trotteurs, mais je n’ai généralement pas les moyens de les acheter, mais nous avons acheté You Got It Kemp pour 12 000 $ et Artful Dodger pour 15 000 $. Nous n’avions pas vraiment prévu de vendre Artful Dodger lorsque nous l’avons fait, mais il a terminé deuxième en [1]:56 dans le premier Gold et ils ont envoyé un courriel à Brady – pas à moi parce que je n’ai pas donné mon autorisation à Standardbred Canada de divulguer mon numéro - et nous ont proposé un montant qu’on ne pouvait pas refuser.

« Ils [Dominic Chiaravalle] ont également essayé de nous acheter Kemp à plusieurs reprises », ont déclaré Brooke et Brady.

« Mais mon père est dans le métier de vendeur », a déclaré fièrement Brooke, « et il ne voulait pas leur vendre un cheval qui pourrait ne pas tenir le coup. »

« En fait, ils nous ont offert 250 000 $ pour lui », sourit Dan, « mais comme il s’était blessé l’hiver dernier et qu’il avait dû être mis au repos, je voulais voir comment il allait tenir le coup. Je ne voulais vraiment pas leur vendre pour ce genre de montant et qu’il lui arrive ensuite quelque chose à cet égard. Je veux dire, je voulais prendre les 250 000 $ (rires), mais au final, je suppose que nous les avons quand même eus », rit Dan, en faisant référence au hongre par Muscle Mass dont la famille possède 75 %, avec l’un des co-éleveurs, Suojalampi Stable Inc de Delray Beach, Floride.

Aujourd’hui, après une saison au cours de laquelle You Got It Kemp est sorti avec une feuille de route de 6-5-1-0, avec des gains qui s’élèvent à 378 167 $. C’est beaucoup plus que ce que l’offre rejetée aurait rapporté à la famille Lagacé. De plus, il leur appartient toujours.

« L’honnêteté de Dan envers eux a joué en notre faveur », se vante fièrement Michelle.

Même si You Got It Kemp est peut-être le cheval de famille par excellence, Dan Lagacé attribue l’essentiel du mérite de son succès à son fils. « Brady fait tout avec ce cheval », se vante Dan. « Il est un peu fou dans le pacage alors tous les matins, il le met sur le déambulateur pendant 30 minutes, puis il l’envoi manger de l’herbe pendant 30 minutes, puis il le jogge, le passe à la douche, prend bien son temps pour finir de l’arranger et puis le remets à l’herbe pendant un autre 30 minutes. Il passe tellement de temps sur ce cheval qu’il n’a que le temps de s’occuper d’un seul autre ! (En riant) »

Le soir de la course, cela demande cependant un effort familial complet, car le cheval qui est tranquille dans l’écurie est tout le contraire dans le paddock à Mohawk. « Nous avons l’air complètement idiots le soir de la course », rit Brooke. « Nous devons le placer dans l’un de ces stalles les plus récents, fermer les portes et accrocher des couvertures au-dessus des barreaux pour qu’il ne puisse pas voir à l’extérieur. C’est la seule façon pour lui de rester suffisamment calme pour que nous puissions même l’atteler. À Grand River, ils nous ont permis d’utiliser un des stalle à Lasix où il se trouvait seul, mais à Mohawk, ils ne nous le permettent pas. »

En ce qui concerne « l’apparence d’idiots », cette partie peut être discutée, puisque leur trotteur-recrue a terminé sa saison avec cinq victoires consécutives - toutes dans des stakes - après avoir ouvert sa carrière avec une deuxième place serrée dans une course pour deux ans pouliches « maiden ».  La plupart des entraineurs adoreraient « ressembler à des idiots » si tels étaient les résultats qui en découlaient.

Et qu’en est-il des perspectives de vendre la star de l’écurie, qui leur offre le meilleur « thrill » de leur vie ? Dan Lagacé, ils l’admettent tous, travaille après tout dans la vente de chevaux.

« Il en a vendu tellement que j’adorais vraiment », admet Brooke. « Allywag [Hanover] était l’un de mes favoris. J’avais l’habitude de me blottir et de dormir avec lui dans la stalle. Momentarily, c’en était une autre… nous l’aimions tous tellement que nous l’avons presque ramenée avec nous en Floride à l’âge de quatre ans… et nous ne faisons jamais ça », soupira Brooke.

« J’ai volontairement essayé de la surévaluer », rétorque son père. « Je leur ai dit : « Si vous me donnez 95 [mille dollars], je signerai les papiers tout de suite » et le gars a accepté. Puis j’ai pensé « Oh-oh ». Alors je lui ai dit [Brooke] : « Va dans ta chambre, pleure, sors tout ce que tu as à sortir, puis retourne au travail » (rire de la famille).

« Si nous le vendions [Kemp], au moins, ce serait pour beaucoup d’argent », explique Brady, « mais je pense que mon père l’aime vraiment parce qu’il est bon, alors peut-être que nous pourrons le garder. »

« Détermination, en fait, Luc [Blais] m’a demandé à Lexington si nous allions le vendre », partage Dan. « J’ai dit: ‘Je ne sais pas, il est plutôt agréable,’ »

Qu’elle vende You Got It Kemp ou non, la famille Lagacé profite de la vie, travaille avec tous les animaux qu’elle aime et gagne bien sa vie en même temps. Et leur approche actuelle consistant simplement à développer un petit nombre de chevaux pour eux-mêmes et quelques autres, mais en réalité à ne faire courir que ceux qu’ils possèdent, semble être la clé de tout cela.

« J’ai développé un groupe de bons chevaux que je n’ai pas coursés », explique Dan.

« Non seulement j’ai développé Allywag [Hanover], mais nous en avons gardé 5 % après l’avoir vendu et il est allé chez [Brett] Pelling. Il a gagné 2,4 millions de dollars, donc même détenir 5 % était comme un joli chèque de dividende qui arrivait chaque mois chaque été. Et nous avons également gagné de grandes courses comme le Canadian Pacing Derby. En fait, si vous regardez la rediffusion du moment où il a battu Bulldog [Hanover] au Red Mile, après le fil, lorsque le bruit de la foule s’est calmé un peu, vous entendrez une femme crier comme une folle… c’est ma femme Michelle », rit Dan.

« J’ai également développé des chevaux comme Party Girl Hill et Grace Hill pour Tom Hill et Sintra, avant qu’il n’aille chez Dave Menary. Dave a fait un excellent travail avec lui pendant des années, mais cela nous rend toujours très fiers d’être ceux qui lui ont permis de faire ses débuts », déclare Dan.

« J’entraîne toujours des chevaux chaque hiver pour des propriétaires comme David McDuffee et Bill Donovan… c’est super de pouvoir entrainer pour les deux. Nous avons entraîné Reckless Abandon pour Bill Donovan l’hiver dernier, et Pelling a remporté la finale du New Jersey avec elle en août. »

« Pendant des années, lorsque nos enfants étaient plus jeunes, nous ne voulions pas vraiment courser tout le temps, et nous aimions aussi vendre les chevaux parce que nous avions besoin d’argent pour élever notre famille. Nous leur avons acheté leurs premières voitures et leur avons permis de poursuivre leurs études universitaires, et nous ne voulions pas nous endetter pour cela. Maintenant, c’est un peu différent… nous n’avons plus vraiment besoin de vendre comme nous le faisions autrefois. »

« Nous leur avons dit à tous qu’ils devaient faire des études universitaires pour avoir quelque chose sur quoi s’appuyer. Je n’ai qu’une huitième année », rit Dan. « Je ne peux même pas aller travailler chez McDonalds. Mais je fais partie du syndicat des pipelines et Michelle est une PSSP, nous avons donc tous les deux quelque chose sur quoi nous appuyer : nous voulions que nos enfants aient la même chose. »

« Destiny est infirmière, Brady a fait des études universitaires pour devenir policier et Brooke a une année de faite en sciences de la santé », déclare fièrement Dan.

« J’étais censée aller à l’école pour devenir infirmière aussi », ajoute Brooke, « mais à la dernière minute, j’ai changé d’idée. »

« Ouais, elle nous a appelé et nous a dit qu’elle voulait plutôt s’occuper des chevaux », dit son père, puis il la regarde et sourit : « Je savais que tu n’allais pas faire ça de toute façon ! »

« Pendant quelques années, Michelle et moi aimions ne pas courser en été. Une année, nous avons vendu les chevaux et réservé deux vols aller simple vers l’Europe. Nous sommes allés à Paris pendant une semaine, puis à Londres, puis à Majorque et ensuite à Barcelone », se souvient Dan.

« Et puis on t’a dit qu’on avait besoin d’un emploi et nous avons dit ‘Ok, arrête de niaiser », a ri Brooke.

« Elle a raison », approuva Dan. « Et si mes enfants n’avaient pas voulu que nous fassions tout cela ensemble, je ne suis même pas sûr que j’entraînerais encore des chevaux. »

« Mais je ne pense jamais à ce que je ferais, devrais, pourrais… rien de tout cela. Je suis juste content de ce qui se passe aujourd’hui », sourit Dan, tout en regardant son champion trotteur de deux ans grignoter de l’herbe parmi les membres de sa famille et leurs chiens, Denver et Reba.

« Je ne pense pas aux erreurs que j’ai commises dans le passé. Vous devez vous fourvoyer pour vous améliorer et certaines de vos opportunités manquées finissent par devenir vos meilleures opportunités. Et je ne pense JAMAIS à demain », dit-il très sérieusement.

« J’aime les courses de chevaux et de faire ça avec ma famille, car cela me permet d’avoir la liberté de mon temps. Ces jeunes-là font une grande partie du travail – j’en fais peut-être un peu plus en hiver qu’en été… mais maintenant je peux aller faire ce que je veux. Je peux aller passer du temps avec mes deux petits-fils si je le souhaite. Ma vie me donne désormais plus de temps. »

« Comme je l’ai déjà dit, c’est pour ça que j’ai autant ralenti de courser à un moment donné, parce que cela prenait trop de mon temps. Maintenant, la façon dont nous procédons, cela me donne en fait plus de temps. »

« Expliquez-le ainsi », raisonne-t-il. « Si tout le monde ici devait mourir maintenant, ils ne demanderaient qu’une chose : ils demanderaient plus de temps. »

Et pendant ce temps-là, les Lagacé vivent les plus belles années de leur vie.

Cet article a été publié dans le numéro de Novembre de TROT Magazine.

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