Bouée de sauvetage

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Le meilleur performeur du circuit Ontario Sires Stakes, R Gauwitz Hanover, a rempli un impressionnant portfolio de victoires jusqu’à maintenant cette saison,

mais on pourrait argumenter que le sens de ses victoires pâlit comparativement à l’inspiration que sa carrière en herbe a procuré à l’amateur de course en l’honneur de qui il a été nommé.

Par Dean Hoffman

C’ÉTAIT À L’ÉTÉ DE 1968, une annus horribilis pour l’histoire américaine. Martin Luther King et Robert F. Kennedy ont été assassinés cette année-là, et des émeutes raciales et anti-guerre déchiraient les villes américaines. Avec l’arrivée du mois d’août, je travaillais à l’Illinois State Fair comme palefrenier, prenant soin d’un trotteur, le poulain payé le plus cher à la ferme Castleton Farm lors de la vente en consignation de l’année précédente.

Un jeune homme marchait dans l’écurie, à l’aide de béquilles, pour soutenir ses jambes. Il a vu la plaque d’identification du poulain et s’arrêta pour me regarder lui brosser sa robe baie de pur-sang de deux ans.

« A-t-il déjà couru? » l’homme me demanda-t-il.

Je lui répondis non, et qu’il était peu probable qu’il courre bientôt. Le poulain a donné un coup de sa patte postérieure; c’était un poulain en développement.

C’était ma toute première conversation avec Ralph Gauwitz, qui, à mon insu à ce moment-là, scellait l’étincelle d’une amitié qui a duré au-delà de quatre décennies. Maintenant âgé de 71 ans, Ralph réside dans une maison de repos, et son unique source de revenu consiste en une allocation d’un dollar par jour provenant le l’état de l’Illinois.

Il réside dans une maison de repos depuis cinq ans, soit depuis que sa maladie a fait en sorte qu’il lui soit impossible de demeurer chez lui avec ses parents. Sa mère est décédée il y a quelques années à l’âge de 88 ans. Son père, Ralph, maintenant âgé de 93 ans, vit toujours dans la maison familiale et prend soin d’un autre fils souffrant de troubles du développement. Trop souvent au cours de nos conversations téléphoniques, Ralph m’a dit, « Si je dois rester dans un endroit comme celui-ci pour le reste de ma vie, j’espère que cette vie ne sera pas longue. »

Mais arriva un cheval.

R Gauwitz Hanover, ainsi nommé d’après Ralph lui-même, est devenu une étoile de la division de l’Ontario Sires Stakes Grassroots cette saison. Ralph est incapable de voyager, mais il suit étroitement chaque départ du poulain de Modern Art, grâce aux efforts de Howard Pearce, membre de Landmark IV Racing Stable (partenaire avec Katherine Steacy, David Reid et Bridle Path Stables de R Gauwitz Hanover). Ralph écoutera souvent la course par téléphone ou la regardera sur un ordinateur portatif emprunté. Hormis les propriétaires, il est certainement le plus grand fan du poulain.

RALPH, L’AÎNÉ DES CINQ ENFANTS Gauwitz, est né avec une infirmité motrice générale paralytique. Il n’a jamais pu marcher. Il s’est déplacé à l’aide de béquilles durant plusieurs années, mais il est aujourd’hui confiné à un fauteuil roulant. Un frère est né en 1941, une sœur en 1946, puis un autre frère en 1948. « Mes parents ont eu une autre fille qui est décédée à sa naissance en 1944, » dit Ralph. « J’ai donc une sœur que j’espère rencontrer un jour au ciel. »

Il partage un anniversaire avec les États-Unis; il est né le 4 juillet 1940. À son 13e anniversaire en 1953, Ralph a dit à ses parents qu’il voulait voir les courses de chevaux à l’exposition locale de sa ville natale de Peoria, Illinois. Il admet aujourd’hui qu’il ne savait probablement pas la différence entre les courses sous harnais et les courses de thoroughbred, mais il était littéralement tombé en amour avec les chevaux, comme bien d’autres enfants, et ce, grâce à la série des Black Stallion de Walter Farley. Personne dans la famille n’avait eu d’intérêt pour les chevaux avant Ralph. Certainement pas son père, dont le grand-père avait été tué après qu’un cheval de trait l’eut frappé à la tête.

Il se rappelle encore les courses à cette exposition d’il y a six décennies, tout particulièrement la pouliche Note Book. « Elle me laissait entrer dans sa stalle avec mes béquilles et me laissait la caresser, » dit-il.

« Jusqu’à l’heure du repas, » ajoute-t-il en riant, « alors là, elle me chassait. » Un mois après cette visite à l’exposition, Ralph se rappelle avoir écouté une description radiophonique de l’Hambletonian à Goshen, New York, quand Helicopter devint le premier trotteur de propriété canadienne à gagner la classique.

Cinq années plus tard, Ralph découvre le programme de course de cet après-midi de 1953 à Peoria et remarque que Note Book est la propriété du Dr G. V. Herring, Denmark, Wisconsin. Il ne connaissait pas son adresse civique, mais cela n’empêcha pas Ralph d’écrire une longue et laborieuse lettre au Dr Herring, espérant qu’elle lui parvienne. À l’intérieur d’une semaine, il reçut une réponse dactylographiée de six pages. « Comme vous le savez, il n’y a rien de mieux qu’un propriétaire de chevaux aime faire que de parler de ses chevaux, » d’écrire le Dr Herring à Ralph.

Plus tard, en 1958, Herring envoya une copie de l’édition de Noël du magazine The Horseman Fair World à Ralph.

« Je pense, sans exagération, que je l’ai mémorisé, » dit Ralph en souriant.

Sa passion pour les courses de chevaux se développait, mais à l’automne de 1959 les études collégiales l’appelaient. Son objectif était d’enseigner aux enfants ayant une déficience intellectuelle, comme son frère Michael. Malheureusement, alors qu’il allait au collège, Ralph est tombé gravement malade et son taux de globules rouges a fortement baissé. Son énergie s’est dissipée, ses notes ont baissé, et il fut forcé d’abandonner ses études.

Il s’en est éventuellement remis, mais par contre, il a dû travailler fort pour regagner une place au collège. Sa mère était tellement fière de lui à l’été de 1962, qu’elle lui a dit, « Ralph, tu mérites une récompense. Qu’aimerais-tu? »

« J’aimerais aller à l’Hambletonian pour voir courir Impish, » lui répondit-il sans hésitation. L’Hambletonian avait déménagé dans son état de l’Illinois en 1957, mais c’était encore à 250 milles de la maison. Qu’à cela ne tienne, sa mère fit en sorte qu’il y aille.

À cause de son handicap, Ralph ne put se rendre aux sièges que ses parents avaient achetés, alors il s’assit dans les gradins et gagea vingt cinq cents sur chaque course avec l’homme assis près de lui. (Il n’y avait pas de pari mutuel à l’Hambletonian à l’époque.) La favorite de Ralph, Impish, n’était pas de taille pour le gagnant AC’s Viking ce jour-là.

Après sa graduation du collège, il ne put se trouver un emploi dans l’enseignement parce qu’il n’avait pas de moyen de transport. Les États-Unis n’étaient pas alors aussi hospitaliers aux personnes handicapées. Il a donc travaillé durant plusieurs années chez Couch & Heyle, une quincaillerie de Peoria où son père était chef de l’atelier de réparation.

La vie de Ralph se résumait à sa famille, son église, et les courses sous harnais. Bien que ne pouvant conduire, ses parents l’ont emmené aux expositions locales et de l’État, et il était un assidu à The Red Mile et à l’encan de yearlings du Kentucky durant plusieurs années.

APRÈS CETTE PREMIÈRE RENCONTRE en 1968, Ralph et moi sommes devenus des correspondants. À ma sortie du collège en 1972, Ralph est venu rester avec moi en Ohio pour assister au Little Brown Jug.

Aujourd’hui, Ralph se souvient encore de chaque détail de la victoire de Strike Out’s en des temps records mondiaux. Je me souviens l’avoir réveillé au matin de la présentation du Jug. « Debout! » ai-je crié dans sa chambre. « Nous devons arriver tôt au terrain d’exposition Delaware. Allons-y! »

Notre amitié a grandi au fil des ans, entretenue par les occasions où je l’ai vu à The Red Mile à l’automne ou lors d’autres arrêts du Grand Circuit. Alors qu’un cancer de la prostate ainsi que d’autres malaises frappèrent Ralph, il était incapable de voyager et nos contacts sont devenus plus sporadiques.

J’ignorais beaucoup d’événements de sa vie jusqu’à ce que je l’approche pour partager son histoire. J’ai ainsi appris que quand Ralph s’est fait enlever la vésicule biliaire, il a traversé une période durant laquelle il semblait s’étouffer chaque fois qu’il essayait de mâcher sa nourriture. Il devint si effrayé qu’il ne mangeait plus à moins que quelqu’un pouvant appliquer la manœuvre de Heimlich soit proche. « J’étais fatigué de me sentir ainsi, d’avoir peur à une peur bleue de même manger, » dit Ralph.

Il en vint éventuellement, à attenter à sa vie, dit-il. Alors que ses parents s’étaient absentés un jour, il s’est versé un verre de lait, avait trouvé une bouteille de somnifères, et se dirigea vers la table de la salle à manger. Il s’est assis et avala tous les somnifères. Toutes. Son plan consistait à simplement perdre conscience et ne jamais se réveiller. Au lieu de cela, il s’est rendu très malade et vomit encore et encore. « Je m’attendais toujours à mourir, admet Ralph. Mais quand il trouva finalement son chemin vers sa chambre pour se coucher, la mort ne vint pas. Il a simplement été encore plus malade et vomit encore.

Finalement, penché sur le lavabo de la salle de bain, il s’est aspergé le visage d’eau froide. « Et bien, Ralph, » dit-il à sa réflexion dans le miroir de la salle de bain, « apparemment Dieu n’était pas encore prêt à te recevoir. »

Ses parents sont revenus à la maison et ont immédiatement demandé ce qui était arrivé aux somnifères. Quand Ralph eut confessé, ils ont appelé son médecin qui leur dit de le tenir éveillé toute la nuit. Après cela, Ralph fut placé dans une unité de prévention du suicide.

QUAND J’AI APPRIS QUE RALPH était dans une maison de santé, déprimé, nous avons repris contact par téléphone. Heureusement pour notre amitié, Ralph n’a jamais été à court de mots. Il parle tout le temps. C’est un vrai moulin à paroles. Nous discutons habituellement de sujets pour les initiés concernant les pedigrees et les performances, et Ralph rit à l’occasion de nos conversations. « Dean, » me dit-il, « je ne pourrais parler de ces choses avec personne d’autre au monde. »

Son père est vraiment un saint, et Ralph a aussi pu profiter d’une amitié avec Fred Elmore, un homme d’affaires et propriétaire de chevaux. « J’avais une émission à la télévision locale il y a quelques années, et Ralph m’a reconnu lors d’une exposition, » dit Elmore. « Il a remonté tout le pedigree de mon cheval aussi loin que la Guerre civile. J’étais renversé. »

Il y a deux ans, l’Exposition de l’Illinois a rendu hommage à Gauwitz pour ses nombreuses années de support des courses sous harnais de l’état. Il fut amené au cercle du vainqueur à Springfield pour la cérémonie. C’était la première fois qu’il avait l’occasion de voir les courses de cet endroit au cours de toutes ces années. Le journal The Springfield Journal-Review a publié un article à son sujet et une photo couleur de la cérémonie.

À l’automne de 2009, j’ai demandé à Russell Williams de Hanover Shoe Farms s’il ne considérerait pas la possibilité de nommer un yearling d’après Ralph. Williams – homme de grande classe en tout – m’a damé le pion. Il a nommé deux de ses poulains yearlings, un trotteur et un ambleur, d’après Ralph. Ce fut la seule fois où Hanover a baptisé deux yearlings du nom d’une personne au cours de la même année, dit-il plus tard.

Le trotteur était un poulain de Yankee Glide appelé Gauwitz Hanover, et l’ambleur de Modern Art, R Gauwitz Hanover.

Ralph a été captivé et il a immédiatement commencé à étudier leurs pedigrees en profondeur. Rien ne le passionne autant que l’élevage standardbred et il jouit d’une mémoire encyclopédique remontant à plusieurs décennies. À l’automne de 2010, le trotteur a été acheté par Celebrity Farms, dont la pratique veut d’utiliser le nom de la ferme comme préfixe d’un nom, alors Gauwitz Hanover devint Celebrity Gauwitz. R Gauwitz Hanover a été acheté par Mark Steacy.

Sam Stathis, propriétaire de Celebrity Farms, a eu plusieurs conversations avec Ralph au cours de l’hiver, lui donnant des rapports rayonnants au sujet de Celebrity Gauwitz. Le poulain a démontré beaucoup de potentiel à l’entraînement et il était payé au Peter Haughton Memorial. Quand il a commencé à courser, Celebrity Gauwitz a fait la preuve qu’il avait un esprit vagabond. Il a été castré dans l’espoir qu’il focaliserait davantage sur la piste, mais il a continué d’avoir des problèmes. « Je l’aime toujours, » dit simplement Ralph. Il comprend que la patience est vertu avec les trotteurs.

Entretemps, R Gauwitz Hanover s’entraînait sous la surveillance de Steacy, et aujourd’hui, il a engrangé plus de 85 532 $ en 10 départs à vie. Son record de 8-1-1 comprend des victoires dans chacun de ses cinq départs sur le circuit de l’Ontario Sires Stakes, faisant de lui le leader en points de sa catégorie, en route vers les semi-finales de la Grass Roots Series; et Ralph a été porté au-delà de ses attentes par la séquence des succès de son homonyme. Il parle déjà de l’avenir prometteur du poulain. Ralph connaît toutes les embûches possibles des courses, mais il ne lui en coûte rien de rêver.

Il est clair que le réel succès de R Gauwitz Hanover va beaucoup plus loin que sa seule collection de victoires impressionnantes. Ce poulain s’est fait le porteur de rêve d’un amateur de courses depuis toute sa vie, et lui a donné une raison de vivre.

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