Deux mondes à part
Je suis dans la vingtième rangée, me tenant fièrement debout parmi une mer d’hommes et de femmes, la plupart portant des manteaux de couleur sombre et des vêtements chic. Ils acclament, encouragent et applaudissent en regardant la dernière ligne droite d’une course de chevaux attelés au plus bel hippodrome standardbred au monde.
Vincennes.
C’est le premier jour de mon premier voyage à Paris et peu de choses m’ont surpris. La nourriture est typiquement française et préparée méticuleusement. Les rues étroites sont bordées de petits marchés, de cafés et boutiques de style. Et l’industrie des courses attelées est robuste et autosuffisante.
J’ai été invité par Cheval Français, l’association française des éleveurs, pour souligner le dixième anniversaire d’une entente visant la promotion de l’élevage français à l’échelle mondiale. Cent vingt délégués en provenance de 17 pays se retrouvent à Paris pour la fin de semaine. Les meilleurs conducteurs de 14 nationalités différentes sont également ici pour se mesurer les uns aux autres dans une course internationale, dont Scott Zeron qui représente le Canada.
En franchissant la porte principale de l’hippodrome, je ressens un étrange sentiment de retour à la maison. Pas de néons clignotants annonçant « Casino », pas de machines à sous bruyantes ni de gens confus ignorant jusqu’à l’existence d’un hippodrome à l’intérieur. Voilà les courses de chevaux – purement et simplement – dans toute leur gloire.
Une file d’attente s’est formée aux guérites d’entrée où les usagers attendent pour acheter leurs droits d’admission à l’hippodrome. Des salles à manger immenses sont bondées et des centaines de serveurs à tenue vestimentaire soignée servent la meilleure cuisine et les meilleurs vins du pays à leurs clients aisés.
En bas, des milliers d’amateurs analysent les programmes, espérant rapporter à la maison la cagnotte du jour soit 3,7 millions d’Euros. L’arôme particulier des marrons grillés et des crêpes fraîches, flotte dans les longs corridors de l’hippodrome où de la bière et du vin, des friandises et des goûters légers sont disponibles en abondance.
Passé l’un des deux centres de jour parfaitement dotés de personnel, une foule s’est rassemblée en attendant le prochain guide qui leur fera faire une visite de l’hippodrome. Ils se suivent par douzaines en se faufilant à travers la foule vers le paddock. Les jours prévus pour les enfants, s’y trouvent un anneau d’équitation, un carrousel, des terrains de jeux pleine grandeur et des sentiers de randonnée.
Les courses sont peut-être classiques et simples, mais elles sont loin d’être ennuyantes. Chaque épreuve à Paris est différente, avec des pelotons pouvant compter régulièrement de 16 à 18 chevaux par course. Des courses se déroulent sur l’anneau central de l’intérieur. D’autres sur la longue colline de la piste extérieure pour se terminer dans une inclinaison dans le backstretch. Des départs arrêtés, sous selle et barrières mobiles sont réguliers durant un même programme.
La dynamique de course qui en résulte est vraiment exceptionnelle avec des chevaux qui sont constamment en mouvement et en course durant les trois à quatre minutes que dure une épreuve (la majorité étant à près de deux milles). Ce n’est pas inhabituel de voir huit ou neuf changements de meneurs lors d’une même course.
Après chaque course, les cinq chevaux gagnants sont fêtés dans le cercle du vainqueur par une présentation qui se déroule au milieu d’une épaisse foule de fans. Il n’y a aucune clôture ni barrière qui sépare les gagnants de ceux qui sont assis dans la section élite tandis que les amateurs caressent les chevaux et se font photographier avec les concurrents.
Après une grande course, les propriétaires et conducteurs gagnants reçoivent des fleurs et des bouteilles de champagne. Ils célèbrent en arrosant de bulles la foule d’admirateurs et la nuée de médias.
En France, il y a 10 000 salons de pari, 9 millions d’Euros sont pariés sur les courses de chevaux annuellement (soit dix fois plus qu’au Canada), et il n’y a aucun propriétaire privé des centaines d’hippodromes du pays. Le pari en simultané est très limité et est confiné à presque exclusivement les courses de France.
Des investissements pour le développement, la mise en marché et la santé future du sport, sont de prime importance en France. Tandis que les bourses sont supportées avec plus de 230 millions d’Euros, l’industrie dépense beaucoup plus pour continuer à bâtir le sport en dépit de la concurrence accrue pour chaque dollar de jeu.
Il ressort de mon premier voyage en France, deux points parfaitement clairs. Le premier, en respectant la taille et l’envergure de nos industries respectives, c’est que la France et le Canada ont beaucoup en commun. Le deuxième, en termes d’investissement pour construire nos sports respectifs, nous sommes à un océan d’écart.
Darryl Kaplan
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