Stew Firlotte

Prologue (Avec les fichiers de Beverley Smith)

Durant des décennies, cet entraîneur et membre du Temple de la renommée, Stew Firlotte, a combattu le syndrome de Cheynes-Stokes, un trouble du sommeil qui prédispose à un arrêt cardiaque et qui, par le passé, l’a presque tué. La maladie a commencé à le hanter peu après avoir mis au point la carrière de l’ambleuse dominante qu’elle a été, Town Pro. En 1996, il a été frappé par son premier accident vasculaire cérébral qui l’a laissé paralysé du côté gauche. Stew s’en est remis, mais les symptômes sont réapparus en janvier 2000.

Après s’être effondré à l’aéroport de Toronto et avoir été transporté à l’hôpital, Stew fut informé qu’il avait besoin d’une transplantation cardiaque. Entretemps, les médicaments qu’on lui administrait pour écarter les symptômes, lui causèrent de dangereuses hallucinations – faisant qu’il proférait des menaces à l’égard des infirmières et lançait des chaises partout dans la chambre – et tout son corps se couvrit de phlyctènes. La soixantaine révolue, par contre, on lui refusa l’occasion d’accepter un don d’organe ! Trop vieux, lui dirent les médecins, sa productivité étant terminée, ses enfants élevés… ils lui signèrent son congé de l’hôpital.

N’ayant personne vers qui se tourner hormis ses amis et sa famille, Stew prit les choses en mains. Sur la recommandation d’un ami, il a rencontré Patrick Hanley, spécialiste des troubles respiratoires, qui a su diagnostiquer son trouble du sommeil, et Stew s’est résolu à adopter un mode de vie plus sain. Il s’est mis au Thai Chi durant des mois avec ses amis chinois afin d’essayer d’améliorer son taux d’oxygénation. En quelques mois, Firlotte a trouvé une clinique qui a accepté de le réinscrire sur la liste des candidats à une greffe, mais à sa grande surprise, les médecins lui annoncèrent que son cœur fonctionnait bien. Qu’il n’avait plus besoin d’un donneur.

À l’automne de 2001, Firlotte a partagé son histoire avec la journaliste Beverly Smith, dont le récit a paru dans Trot Magazine, The Canadian Sportsman, et The Globe and Mail, entre autres.

Will to Live (Désir de vivre) et Horse Trainer Breathes Easier (L’entraîneur de chevaux respire mieux), titraient les manchettes. Aujourd’hui, dix ans plus tard, un autre chapitre s’ajoute à cette incroyable saga.

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Le jour de la North America Cup 2003, Stew Firlotte se croyait immortel, à l’abri de tout. Il détenait une victoire de la Triple Couronne. Trois de ses chevaux s’étaient qualifiés ce même jour pour la saison qui allait débuter. Leur écurie, à lui et son épouse Joanne, était remplie de promesses cette année-là.

Par contre, après s’être mis au lit ce soir-là, Stew s’est soudainement retrouvé sur le plancher, incapable d’appeler. Une hémorragie cérébrale avait pratiquement anéanti tout le côté droit de son cerveau.

Le 21 juin 2003, Stew a été victime de ce qu’il a appelé ‘le grand coup’… un accident vasculaire cérébral qui l’a obligé à devancer le moment de sa retraite à titre d’entraîneur et qui l’a contraint à une période de réhabilitation de presque sept ans.

Maintenant qu’il est capable de parler, marcher et conseiller ses fils Brad et Terrance, entraîneurs eux aussi de leurs propres chevaux, le vétéran entraîneur, âgé de 69 ans, fait un retour sur la voie de sa guérison avec le désir d’aider les autres. « J’ai retrouvé ma force et je suis prêt, » dit Stew. « Je suis prêt à aider quiconque dans l’industrie est aux prises avec ce terrible mal. »

Stew est né à Noranda, une ville minière de cuivre du nord-ouest du Québec. Là-bas, « les chevaux n’étaient pas nécessairement considérés comme une occupation ou même une carrière, » admet Stew. Mais quand il est arrivé à Toronto, dans la vingtaine, il a commencé à aller aux courses au Greenwood Raceway – et tout a changé.

En 1968, il a épousé Joanne et ils sont déménagés à Campbellford, Ontario. « La première chose que nous avons faite a été d’acheter une paire de chevaux, » dit-il. Leur première pouliche, une deux ans du nom de Presto Stone, a coûté 500 $ à l’achat, plus 1 000 $ d’équipement et a gagné un gros 32,50 $ à son premier départ. Mais deux ans plus tard, Stew et Joanne ont quitté leur emploi respectif, entassé leurs deux jeunes enfants, Brad et Terrance – leurs lits de bébé et poussettes – dans leur Buick Century et sont partis pour la Floride, s’adonner sérieusement à l’entraînement. « Nous nous dirigions vers le sud pour apprendre des grands et conquérir le monde, » dit Joanne en souriant. « C’est ce qu’on appelle faire ses classes. »

Quand les Firlotte sont revenus au Canada au bout de six ans, ils ont commencé à sérieusement s’investir dans l’Ontario Sires Stakes. Parmi ses propres chevaux, il y avait Pointsetta, Goldie Omaha, invaincu en 1979 en coursant sans entraves, et AM Playgirl, une partante tardive, invaincue elle aussi en 1980. « C’est ce qui fait que j’ai augmenté mon investissement dans un cheval du nom de Ralph Hanover, » dit Stew.

Stew a acheté Ralph Hanover en tant que yearling conjointement avec le conducteur Ron Waples en 1981, pour seulement 58 000 $. « Il partait à l’encan dans l’intention de n’acheter que lui, » de dire Joanne. « Il a remarqué que Ronnie y était lui aussi intéressé. » L’année suivante, Ralph Hanover démontrait tout son potentiel alors qu’il était le deux ans canadien le plus rapide à l’époque, puis à trois ans, il a dominé la piste.

Bien que Ralph Hanover n’ait jamais bien performé à l’entraînement - « il pouvait vous donner un mille impeccable en 15 et c’était cela, » dit Stew – mais il en était tout autrement lors d’une journée de course. « C’était un excellent cheval lors d’une journée de course. Les autres jours, il se contentait de n’être qu’un vieux bébé rondouillet. Il ne coursait qu’aussi rapidement que nécessaire pour gagner un jour de course. » Mais ce fut suffisant pour se mériter la Triple Couronne de l’Amble 1983, ce qui faisait de lui le septième standardbred seulement à réussir cet exploit.

Au cours des vingt années qui ont suivi, Stew s’est concentré sur ses champions, avec l’aide d’une équipe complète, y compris l’entraîneur en second James ‘Friday’ Dean, et d’une écurie d’environ 32 chevaux.

C’est après quelque trente années de succès que Stew commença à remarquer – puis ignorer – les premiers signes de son accident vasculaire cérébral à venir. Il avait des épisodes occasionnels d’étourdissements, de mouvements brusques et parfois, de la difficulté à parler. Parfois ces symptômes étaient terrifiants. « En revenant à la maison pour l’heure du lunch, la première chose que j’ai sue, c’est que je voyais des objets passer par-dessus le toit de ma voiture, » se rappelle Stew. Il avait quitté le côté de la route pour gravir le trottoir tout près d’un abribus vide. Mais ni lui ni Joanne n’ont su reconnaître ces incidents comme des signes avant-coureurs.

Le 21 juin 2003, avec Casimir Camotion, Articulator et Economical Clout dans son écurie, il anticipait une année extraordinaire. « Mon épouse et moi avions justement discuté ce même jour, de l’excellence de notre écurie, » dit-il. Ce soir-là, au retour de leur journée à la North America Cup, Stew s’est plaint d’un violent mal de tête puis il est allé se coucher. Quelques minutes plus tard, Joanne a entendu un bruit de chute en provenance de la chambre à coucher. « J’étais en train de faire un sandwich, » dit-elle, et je me suis dit « Stew, qu’est-ce que tu fais encore? » Mais quand elle est montée pour vérifier, il était sur le plancher. « Il essayait de se lever et il ne le pouvait pas. Il essayait de parler.

« Je ne savais pas ce qu’il avait. Lui non plus, » dit-elle. Mais pendant ce temps, son cerveau était en hémorragie. Du sang se répandait dans son crâne, lui paralysant le côté gauche.

Alors Joanne composa le 9-1-1.

Stew a passé les sept semaines suivantes au Toronto East General Hospital. D’abord, les médecins pensaient qu’il souffrait d’un coma, dit Stew. Le côté droit de son cerveau était complètement mort, et résultat, son côté gauche était paralysé. « J’avais connaissance de tout ce qui se passait autour de moi, » dit-il. « Je continuais à essayer de me lever par moi-même. Je continuais à engourdir et je ne pouvais pas bouger. »

Après avoir obtenu son congé au mois d’août, les Firlotte ne trouvèrent que peu de support, dit Joanne.

Il a immédiatement été admis au Bridgepoint Health, où il a passé trois mois, cloué à son lit et à son fauteuil roulant. « Il avait peur de mourir dans son sommeil. J’ai dû engager une infirmière pour le veiller la nuit, » raconte Joanne.

Avec ces résultats décourageants, la dépression de Stew qui s’approfondissait et ses visites fréquentes à l’unité d’urgence à cause d’une apnée du sommeil qui s’amplifiait, Joanne décida de le sortir de là. « ll me suppliait de le sortir de là, ‘ il faut que je sorte d’ici.’ » Alors en octobre, elle appela un taxi et le ramena à leur appartement à l’est de Toronto, où elle a dû le porter sur son dos pour le monter.

À partir de là, ne sachant trop vers qui se tourner, Joanne a contacté le Victorian Order of Nurses, qui ont dépêché une infirmière pour lui prodiguer une heure de soins par jour. « Ils lui ont obtenu un lit d’hôpital qui fut livré le jour même et installé dans mon salon, » dit-elle. Joanne profitait de cette heure de répit pour faire ses courses, aller à l’épicerie, mais durant le reste de la journée, elle avait la charge des soins de Stew.

À peu près au même moment, Joanne mit les chevaux en vente.

Après avoir passé les mois d’hiver en Floride avec ses fils et ses petits-enfants, Stew est retourné en réhabilitation, cette fois au Providence Care. Mais là encore, il ne faisait pas de progrès, dit Joanne. Alors, après seulement deux mois, il en est sorti encore une fois.

C’est alors qu’il commença des traitements au Florida Hospital, récipiendaire d’une aide financière de l’Ontario Harness Horsemen’s Association, de dire Joanne. Et il s’est amélioré de jour en jour en entrant en thérapie dans un centre affilié à l’hôpital, ajoute-t-elle.

Il peut maintenant marcher à l’aide d’une canne bien que son côté gauche soit toujours paralysé.

Sa dépression a aussi été allégée du fait qu’il a été intronisé au Temple de la renommée canadien des chevaux de course en 2005, dit Stew. « Au départ, le seul fait d’être mis en nomination, puis mon intronisation… Cela m’a remonté comme un jeune coq. »

La famille de Stew, ses amis et collègues se sont réunis pour l’appuyer lors de cet événement. « Ce fut assez particulier, » dit Dean. « Il vous faut beaucoup accomplir. Stew a plusieurs bons chevaux et il méritait d’être là. »

En faisant un retour sur la voie de son rétablissement, Stew est reconnaissant à sa famille pour leur support. « Ma famille a été extraordinaire, » dit-il de Joanne, Brad et Terrance. « Mon épouse a été mon aidante naturelle 24 heures sur 24, sept jours par semaine durant presque sept ans maintenant. S’ils n’avaient pas été là à venir rallumer ma chandelle à chaque fois… »

Mais son rétablissement lui a aussi fait réaliser que tous les survivants d’accidents vasculaires cérébraux, ne reçoivent pas toujours le support dont ils ont besoin. « Vous arrivez à de nombreuses voies sans issue en cours de rétablissement s’il n’y a pas quelqu’un qui vous encourage, qui vous tend la main, » dit-il. « Si vous ne rencontrez pas les bonnes personnes, vous vous perdez dans les dédales. »

C’est ce qui l’a incité à se tourner vers d’autres victimes d’AVC et de leur famille dans l’industrie des chevaux de course. Il avait même fait la promesse à Walter Gretzky rencontré lors d’un match des Maple Leafs de Toronto alors que lui-même était encore confiné à son fauteuil roulant, qu’il allait venir en aide aux autres. « Il venait toujours dans la section des fauteuils roulants. Dès qu’il m’a vu, il a tout de suite su que j’étais un survivant d’un AVC. Il m’a regardé et m’a dit, ‘Depuis combien de temps?’ »

Joanne dit qu’il parle déjà à d’autres victimes d’un AVC au Florida Hospital. « Quand il voit quelqu’un là-bas, il leur dit toujours : ‘Ça va aller. J’ai subi la même chose, alors garde courage. »’

Il insiste aussi sur l’importance de réagir rapidement aux signes avant-coureurs. « Vous avez beaucoup d’avertissements. Dès le premier, il y a certaines choses à faire pour que ce soit le moins horrible possible, » dit-il. « Il y a des gens qui vivent de ces signaux et qui n’en disent rien. »

Agissant comme consultant auprès de ses fils aux Écuries Firlotte, il passe trois ou quatre jours par semaine à l’écurie ou à l’hippodrome, prodiguant des conseils sur l’entraînement. « Les chevaux, voilà ce qui lui donne sa raison de vivre à chaque jour, ainsi que le fait de parler aux gars, » dit Joanne.

Dean, qui travaille maintenant à son compte, partage une écurie avec les Firlotte à Southern Oaks à Sacramento. « Il possède sa voiturette de golf, ce qui lui permet de circuler et de raconter des histoires, » dit-il. « Nous parlons du bon vieux temps. Nous parlons des chevaux que nous avons eus. Il regarde ceux que j’ai et me dit ce que je fais de travers, » ajoute-t-il, en riant.

Bien que Stew connaisse encore certains effets persistants du ‘grand coup’ – comme des maux de tête terribles, par exemple – il met l’accent sur sa meilleure santé aujourd’hui. Et il est prêt à aider. « Je pense que c’est fait. Sept ans et je vais bien, » dit-il. « Je suis encore plutôt en form! »

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