Le rêve est gratuit : et l’étoile de Roy brille durant le temps des Fêtes

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Comme la Saison des Fêtes approche, le conducteur Louis-Philippe Roy, gagnant d’un O’Brien à titre de ‘Future Étoile’ en 2016, occupait la deuxième place du classement à Woodbine Mohawk Park avec 222 victoires en 1 504 départs.

Par Keith McCalmont / Traduction Louise Rioux

En 2018, ce natif de Mont-Joli au Québec maintenant âgé de 30 ans, a atteint de nouveaux sommets en gagnant le prix O’Brien pour le titre de Conducteur de l’Année, un honneur bien mérité pour l’ambitieux Roy, qui, à ses tout débuts à l’été de 2008, enregistrait les kilomètres à l’odomètre de sa voiture à la recherche de conduites au Québec comme Nouvelle, Saint-Hugues, Ayers Cliff ainsi qu’à l’Hippodrome, pour n’en nommer que quelques-uns. Chemin faisant, il a voyagé avec ses talents vers des pistes telles Charlottetown Driving Park à l’Ïle-du-Prince-Édouard et Woodstock Raceway au Nouveau-Brunswick.

Ce n’est qu’à l’hiver 2015 que Roy s’est établi à titre régulier à Rideau Carleton Raceway à Ottawa, en Ontario, et ce n’est qu’une année complète plus tard qu’il commença à avoir un impact à Woodbine Racetrack, Rexdale, en Ontario.

Bien que son père, Jean-Marc, ait possédé des chevaux de même que son frère, Pierre-Luc, initialement aient partagé la passion de Roy pour la conduite, il a terminé son voyage au sommet des palmarès à Woodbine aux guides d’un cheval de son élevage.

« Je suis réellement fier de mes origines, » dit Roy.« Mon père a eu des chevaux alors qu’il était plus jeune, mais il n’était pas dans l’industrie quand j’ai commencé, » dit Roy, et j’ai dû partir de rien et gravir les échelons pour arriver parmi les conducteurs d’élite du Canada. »

Roy occupa la première place au pays grâce à 416 victoires et un total en gains de plus de 7,4 M $, alors qu’il était en partenariat sur des chevaux de premier niveau tels Jimmy Freight et Shower Play. Étant sur le podium, devant un auditoire rempli de ses pairs aux cérémonies des O’Brien Awards, Roy a presque vécu une expérience extracorporelle.

« Les O’Brien Awards sont le sommet de ce que vous pouvez atteindre au Canada, et pouvoir dire une fois dans ma vie que j’ai réussi, fut très spécial, » dit Roy. « Nous passons tous par plusieurs étapes au cours de nos carrières, mais parfois on ne réalise pas tous les chemins parcourus. Ce soir-là, je l’ai réalisé. IL y a cinq ans, je conduisais sur les terrains d’exposition au Québec, et soudainement, me voilà ici, pour être reconnu comme l’un des meilleurs conducteurs du Canada. »

Alors qu’il est facile maintenant de lire un programme et d’y voir le nom de Roy rattaché à des conduites pour le compte d’entraîneurs tels Richard Moreau, chaque soir, le maintenant bien établi maître des guides, s’est retrouvé, réfléchissant sur tout le chemin parcouru.

« À mes débuts comme conducteur à Trois-Rivières et Ottawa, on comptait tellement d’entraîneurs, comme Éric De Champlain, qui m’a donné des occasions m’ayant permis de me rendre où je suis maintenant, » dit Roy. « Juste le fait d’obtenir une conduite sur une piste d’exposition est difficile. Qui vous confierait un cheval si vous n’avez jamais mené auparavant? C’est presque plus difficile d’obtenir un départ aux expositions que ça ne l’est ici à Woodbine.

« Quand j’ai commencé à conduire à Ottawa, ce fut un grand tournant dans ma carrière, » ajoute-t-il. « La distance à parcourir à partir de ma ville natale se faisait en huit heures et je faisais le voyage pour conduire deux chevaux aux cotes à deux chiffres. Les gens disaient que j’étais fou, mais j’avais un plan en tête et je croyais en ma capacité de l’atteindre. »

Toutes ces longues distances pour aller de piste en piste, tous ces innombrables kilomètres passés à écouter la radio à la poursuite d’un rêve, ont porté fruits.

« Peut-être que les gens diraient que je suis un rêveur, mais le rêve est gratuit, » dit Roy en riant. « En autant que vous sachiez que vous rêvez, il n’y a rien de mal à cela. »

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Depuis qu’il s’est imposé à la fin de 2016, Roy a continué à perfectionner son métier tout en s’établissant à titre de régulier sur le circuit de Woodbine. Au cours des trois dernières années, il a facilement dépassé des gains de 5 M $ en bourses annuelles, et il termine encore une autre année avec plus de 300 victoires.

Certaines des plus grandes victoires de Roy sont arrivées pour le compte du propriétaire Adriano Sorella et l’entraîneur Richard Moreau, avec Jimmy Freight maintenant étalon, ainsi que le talentueux gagnant de plus de 600 K $, Double A Mint. Sorella au franc parler a développé une bonne relation avec Roy et dit que le succès du conducteur se résume à une principale caractéristique.

« La confiance, » dit-il. « Lorsque vous courez pour une écurie de haut niveau comme celle de Richard, vous pouvez acquérir beaucoup de confiance. Je pense que Louis croit réellement en lui. Il sait conduire. Il ne craint pas d’être en avant, le premier, quoiqu’il doive faire pour gagner. Une fois cette confiance acquise, vous obtenez d’autres chevaux à conduire. Il se sert de sa tête quand il mène et j’ai confiance en lui pour mener mes chevaux. »

Et Roy refuse de se reposer sur ses lauriers, passant récemment ses matinées à travailler à deux centres d’entraînement – entraînant quelques chevaux à la ferme de Shane Arsenault à Freelton, ON, tout en prenant soin de quelques bébés à la ferme de Moreau près de Puslinch, avant de se préparer pour le programme complet à Mohawk Park en soirée.

« Cela m’oblige à sortir du lit le matin et me tient occupé. Quand vous savez que vous devez vous réveiller tôt, vous ne vous causez pas de problème le soir, » dit Roy en riant. « Alors, j’aide Shane à sa ferme et je vais aussi à celle de Richard où j’y ai deux jeunes pouliches. »

Le développement de jeunes talents a piqué l’intérêt de Roy, qui possède quatre poulinières, dont deux d’entre elles seront bientôt envoyées dans la cour de Jimmy Freight.

« Comme conducteur, vous apprenez à tous les jours, » dit-il. « J’ai beaucoup appris au sujet des jeunes chevaux au cours des dernières années. J’étais incapable de conduire plusieurs jeunes chevaux au Québec. Apprendre à développer ces jeunes deux-ans et leur apprendre à courser est important. »

Ayant cela en tête, Roy et Sorella se sont associés lors de l’encan London Selected Yearling Sale de 2019.

« Nous avons acheté une pouliche issue de Shadow Play ainsi qu’une autre issue de State Treasurer » dit Roy. « Le partenariat en est plutôt un amical que d’affaire – nous les avons payées 22 000 $ et 35 000 $ - et nous avons des espoirs pour elles, mais c’est encore tôt. »

Sorella s’est rendu récemment à la ferme de Moreau pour voir les deux pouliches en action et il garde l’espoir qu’elles dépasseront leur prix d’achat en gains. Quoiqu’il advienne, Sorella sait qu’il peut faire confiance au bon jugement de son ami.

« La seule chose avec Louis c’est que quand nous achetons de jeunes chevaux, il me dira sans détour si nous avons une chance de gagner, » dit Sorella. « Il me dira quels chevaux il aime. Ce sport est une industrie et si je lui demande si le cheval est bon ou non, il me le dira.

« Certaines personnes vous laisseront garder de mauvais chevaux et cela pourra vous coûter très cher à la fin de la journée, » de continuer Sorella. « Bons ou mauvais, les factures finiront par arriver.

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Gradué de l’Université du Québec à Rimouski, Roy détient un diplôme en comptabilité et il a passé deux années à travailler chez Telus à titre d’analyste financier, tout en poursuivant aussi son rêve de courser. Il pourrait facilement administrer sa propre affaire en tant que propriétaire-entraîneur, mais son intérêt c’est de conduire des chevaux rapides.

« Je sais comment administrer une compagnie mais je préfère passer plus de temps avec les chevaux et en laisser d’autres faire cette partie-là. Je n’en suis tout simplement pas passionné, » dit Toy. « Je me suis instruit et c’était facile pour moi. Ce n’était tout simplement pas ma passion. Ce que je vis présentement, voilà ma passion. Comme on dit, si vous faites un travail que vous aimez, vous ne travaillerez jamais un jour de votre vie. »

Cependant, Roy se retrouve à vouloir que d’autres jeunes gens puissent partager sa passion pour ce sport.

« Tout en étant un optimiste dans la vie, c’est difficile de voir une augmentation en termes de croissance de l’industrie. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de choses auxquelles nous ne nous adaptons pas en regard de la manière dont les gens voient ce divertissement en 2020, » dit Roy. « Quand j’amène mes amis à l’hippodrome, des amateurs de sports et même les paris, le commentaire que je reçois c’est que c’est trop long. Pour deux minutes d’action il y a vingt minutes de pause.

« Au baseball, ils essaient de l’accélérer, » ajoute-t-il. « Les gens veulent consommer leur divertissement rapidement et passer à autre chose. Ce qui me fait penser qu’il y a de moins en moins de gens qui connaissent les courses de chevaux. »

Il a un point. Samedi, le 30 novembre, un programme de 11 courses au Mohawk Park a commencé à 19 h 16 et la dernière n’est partie de la barrière que peu avant 22 h 44 pour un programme qui a duré trois heures et demie.

Les Maple Leafs de Toronto de la LNH et les Raptors de Toronto, champions de la NBA, ont conclu leur partie en tout juste moins de 2 heures et 20 minutes par partie, en moyenne. Les deux sports sont généralement complets avec de l’action de bout en bout.

La Ligue Majeure de Baseball a dit que la durée moyenne d’une partie de neuf manches en 2019 était de 3 heures, 5 minutes, 35 secondes, représentant une augmentation comparativement à 3:00:44 en 2018.

« C’est probablement possible de faire que les courses se déroulent en moins de quatre heures, » de dire Roy. « C’est difficile d’accélérer le baseball avec neuf manches à jouer et en accordant du temps aux lanceurs. Mais en courses, on pourrait vraiment les accélérer. »

Une plainte familière entendue de la part des parieurs et de ceux qui les regardent, c’est le rabat-joie de retarder l’heure de départ, une pratique dont les pistes se servent pour repousser le départ de la course, cherchant ainsi à obtenir un revenu de pari de dernière minute. C’est une pratique qui selon Roy, heurte l’habileté du sport à croître et à connecter avec de nouveaux amateurs.

« Je comprends qu’ils disent que d’allonger la durée des courses leur permet d’augmenter les gageures, mais j’ai le sentiment que ce sont les mêmes gens qui jouent via la diffusion simultanée, » dit Roy. « Plus vous retardez le départ, plus vous pouvez attirer l’attention de quelqu’un qui veut parier sur une piste. Mais j’ai le sentiment que c’est comme une compétition entre hippodromes pour les gens qui vont parier de toute façon, et nous tuons ainsi l’opportunité d’attirer de nouveaux adeptes envers notre sport, parce que c’est trop long. »

Bien que le sport pourrait utiliser les services d’un ‘contrôleur aérien’ pour chronométrer le temps entre les courses évitant ainsi que les pistes se chevauchent, Roy est prudemment optimiste en ce qui concerne un changement.

« Je sais que si cela devait arriver, à Woodbine les mises chuteraient durant un certain temps, mais je crois que si chaque piste le faisait, cela aiderait le sport, » dit-il.

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Roy vit maintenant dans une grande ville, mais il tient encore beaucoup à ses racines d’une petite ville. Au cours des trois dernières années, se dirigeant vers la Période de Noël, Roy a donné ses gains d’un programme complet à Moisson Mitis, une banque alimentaire de sa ville natale, Mont-Joli.

Durant son adolescence, Roy a eu des amis dont les familles ont bénéficié de Moisson Mitis, et il s’est fait la promesse que jamais il ne tiendrait sa chance pour acquise.

« À mes yeux, Noël c’est la période de l’année durant laquelle je ne suis pas stressé. Je vais à la maison et j’oublie mon travail, » dit-il. « J’aimerais que d’autres puissent connaître ce sentiment, au moins pour Noël. Pour bien des gens, leur stress c’est qu’ils n’aient pas les moyens de bien manger. Si je peux aider, ne serait-ce qu’un petit peu, cela me rend heureux. »

Le 5 décembre, Roy a poursuivi ses efforts de charité à Mohawk, suite à ses conduites gagnantes ayant rapporté 16 390 $. Roy a remis son pourcentage de la somme gagnée à la banque alimentaire, et le conducteur Canadien Français est reconnaissant de l’appui reçu de la part de ses amis et collègues qui ont jumelé ce montant.

« Mes bourses (commissions) ont rapporté 800 $, et des gens comme Adriano Sorella, Clay Horner, William Donovan ainsi que Michel Allard, se sont joints à moi. Au total, nous avons recueilli près de 4 500 $, » dit Roy. « L’an dernier, ma mère est allée porter le chèque au directeur de l’organisme, et elle m’a dit qu’il s’était mis à pleurer quand elle le lui a remis. »

Roy peut certainement jouer le rôle de modèle pour d’autres jeunes de sa petite ville et d’ailleurs. Il est la preuve vivante que le dur labeur et la détermination, avec un peu de talent inné, peuvent vous mener à des endroits lointains et faire que les rêves se réalisent.

Et il rêve encore.

« Je veux être un conducteur régulier sur le Grand Circuit, aux guides de nombreux bons chevaux et voyager durant l’été. Je sais que c’est un grand pas à franchir à partir de l’endroit où je me trouve, » dit-il.

Mais, hé, rêver c’est gratuit.

Cet article a été publié dans le numéro de janvier de TROT Magazine.
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