Notre esprit est fort
C’est la fin de semaine de la Fête du Canada. Je suis à Montréal, et je marche le long de la ligne droite arrière de l’Hippodrome Blue Bonnets.
La piste est à l’abandon, laissée dans l’état où elle était le jour de sa fermeture en 2009. Il n’y a pas âme qui vive en vue.
Pourquoi, alors, puis-je entendre les fans qui applaudissent, voir des chevaux en réchauffement? Il n’y a aucun billet sur le tablier. Mais je les vois – tourbillonnant près des portes de la grande tribune.
Le paddock de la course demeure vide, endommagé, laissé aux vandales et aux artistes du graffiti. Je vois des légendes se préparant à la course, des palefreniers travaillant dur et des soigneurs mettant la main aux derniers préparatifs. Pourquoi sont-ils ici?
Je continue à marcher.
Je pense aux funérailles auxquelles j’ai assisté tout juste le jour précédent, à Gatineau. Le grand Hervé Filion était porté à son dernier repos. À la fin de la journée du premier anniversaire des 250 ans des courses de chevaux au Canada, la vie du conducteur le plus victorieux de l’histoire, était commémorée.
Plus tard, au cours de la même journée, je me rendrai sur les Plaines d’Abraham à Québec, site de la présentation de la toute première course à se tenir, le 1er juillet 1767. En route, je m’arrêterai à la Rivière Saint-Pierre aujourd’hui asséchée, au centre-ville de Montréal, là où la première course à être organisée a eu lieu au tout début des années 1800.
À ces deux sites historiques des courses de chevaux, ce sera plus difficile de m’imaginer les chevaux et leurs soigneurs. Ce sera plus difficile d’envisager une journée de course ainsi que les odeurs et les bruits expérimentés il y a plus de 200 ans. Mais ce ne sera certainement pas impossible. Durant quelques instants, l’œil de mon esprit m’y amènera. À la ligne de départ. Au fil d’arrivée. Au cercle du vainqueur.
Pourquoi? Parce que les courses de chevaux sont les courses de chevaux, et que ce que tous les hommes de chevaux font ce mois-ci, aux hippodromes du monde, ne diffère pas tellement de ce qui se faisait il y a des années, des décennies et des siècles avant nous. Ils étaient certainement aussi remarquables, athlétiques et loyaux il y a 250 ans qu’ils le sont aujourd’hui,
Comme la communauté des courses sous harnais mondiale vient au Canada ce mois-ci pour assister au Championnat mondial des conducteurs ainsi qu’à la World Trotting Conference, rappelons-nous que nous sommes une communauté globale. Nous sommes unis par l’amour du sport et son industrie, qui ne connaît pas de frontières internationales. Nous parlons tous la même langue.
Ma marche se termine devant la grande tribune. Les lumières de la piste sont éteintes. Le tableau de résultats géant aussi. Pour un instant, je suis ramené à 2017.
Les pistes sombreront dans le noir, et fermeront. Les souvenirs s’effaceront.
Heureusement, nous vivons dans un monde où les courses sous harnais sont quelque chose que nous pouvons encore expérimenter en direct et en personne pratiquement tous les jours de l’année. Nous vivons dans un monde où les centres d’entraînement et les fermes sont occupés quotidiennement, où nous pouvons encore élever, posséder et expérimenter les incroyables hauts du sport.
Nous vivons dans un monde où les liens que nous tissons avec nos chevaux et les autres, font de nous de meilleures personnes. Nous nous bâtirons d’autres souvenirs et célébrerons la prochaine génération des légendes. Et plus important encore, nous n’oublierons pas qu’il a fallu du travail acharné, de la vision et de la persévérance pour bâtir ce sport et nous amener là où nous sommes aujourd’hui.
Nous demeurerons déterminés.
Darryl Kaplan
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