BRAVO-BRAVO HERVÉ!

Tandis que le Canada se prépare à accueillir le Championnat mondial des conducteurs, les amateurs de courses sous harnais canadiens ainsi que les participants,

furent frappés par la triste nouvelle du décès d’une authentique icône canadienne – l’homme qui a aussi été le premier gagnant du Championnat mondial en 1970. Par Debbie Little / Traduction Louise Rioux

Le Championnat mondial des conducteurs de 1970 étant le tout premier, il était impossible de savoir comment allait se dérouler la compétition.

À moins, bien sûr, que vous soyez Canadien. Alors, vous vous attendiez à ce que le grand Hervé Filion gagne, coûte que coûte.

Ray Remmen, natif de la Saskatchewan, partageait son temps cette année-là, entre le Windsor Raceway et l’Ouest Canadien, et il se souvient que le CMC était très connu dans la ligne droite arrière.

« Je pense que personne au Canada croyait que Hervé pouvait perdre. Il était l’un des rares qui avait une mystique et qui la méritait aussi. Quand j’étais enfant, il y a longtemps, c’étaient Keith Waples et Joe O’Brien, et c’est de cela que nous entendions parler. Puis quand Hervé entra en scène, ce fut Hervé, » dit Remmen.

Selon le président de Harness Tracks of America (HTA), Preston Jenuine, le Championnat mondial était une extension logique des efforts de l’association pour améliorer les courses sous harnais à travers le monde, et favoriser la compétition internationale et la bonne volonté.

Les huit conducteurs représentant sept pays étaient les meilleurs des meilleurs, aux dires du concurrent de Nouvelle-Zélande, Peter Wolfenden.

«Ils avaient les meilleurs de chaque pays, alors que maintenant ils ne procèdent pas toujours de cette façon. Les gens qui se disputaient la victoire étaient tous bien connus puisqu’ils devaient être les meilleurs. Le conducteur en tête dans son pays devait y aller. Ils ne voulaient pas de deuxièmes meilleurs, » dit Wolfenden.

Wolfenden, mieux connu comme entraîneur et conducteur de Cardigan Bay, en Australie, allait continuer à représenter son pays natal sept fois au CMC. Il admettait que les conducteurs d’aujourd’hui coursent pour tellement d’argent, qu’il leur est difficile de prendre congé pour participer à une compétition.

Le représentant d’Australie était le champion des ‘stakes’ et le gagnant de premier ordre des courses aux Nouvelles-Galles du Sud, Kevin Newman.

Les conducteurs nord-américains, Filion du Canada, Stanley Dancer et George Sholty des États-Unis, ont terminé premier, deuxième et troisième dans la compétition déterminant le Conducteur de l’Année HTA 1969, laquelle est fondée sur une formule tenant compte de l’argent gagné, des courses gagnées, et du pourcentage de courses gagnées dans l’argent.

Un tournoi a eu lieu à Recklinghausen, en Allemagne, pour déterminer les trois conducteurs qui représenteraient l’Europe et qui seraient invités. Afin de participer à ce tournoi, les 11 conducteurs se devaient d’être les champions nationaux de leur pays respectif sur les courses gagnées en 1969, et tous les concurrents attendaient avec impatience l’occasion de se faire concurrence au CMC. Eddy Freundt, d’Allemagne de l’Ouest, fut le vainqueur tandis que Nello Bellei d’Italie et Ernst Fischer d’Australie, terminèrent à égalité en deuxième position.

Le CMC s’est déroulé sur une période de 10 jours en avril et s’est déplacé sur sept pistes HTA à travers l’Amérique du Nord, à commencer par Louisville Downs au Kentucky. Tel que prévu, Filion est sorti fort de la barrière avec deux victoires et une deuxième place en trois départs le premier soir.

Le Saratoga Raceway n’offrit aucune victoire à Filion, mais le natif d’Angers, au Québec, inscrivit deux deuxièmes et une troisième position en trois courses, ce qui lui permit de conserver une confortable avance dans le classement.

Filion disait toujours : « La seule course que je ne puisse gagner est celle que je regarde. »

Jamais cette déclaration ne fut plus vraie qu’au Hazel Park du Michigan, alors que trois retraits en quatre courses ont fait que Filion a passé la majeure partie de son temps dans les tribunes. Par chance, pour Filion, HTA accepta de tenir compte des retraits, créditant au conducteur des points en fonction de son total pour la série entière.

Même en l’absence du charismatique Canadien, le reste des concurrents a présenté tout un spectacle au Michigan, avec peut-être le haut fait de Fischer, qui a gagna deux courses de suite, la seconde étant un amble avec handicap. Dans toute sa carrière de 32 années, Fischer n’avait jamais manœuvré un ambleur auparavant.

Le tournoi atteint son étape intermédiaire à Liberty Bell en Pennsylvanie, une piste sur laquelle Filion avait l’habitude de conduire, et ce, régulièrement.

Le publiciste et membre du Temple de la renommée, Marv Bachrad était l’annonceur de la piste à Liberty Bell et se souvient très clairement de cette soirée.

« Je me souviens que c’était une belle soirée à Liberty Bell avec une salle à manger remplie à capacité de même que la grande tribune et le clubhouse, comptant plusieurs dignitaires et propriétaires du sport qui étaient présents, » dit Bachrad.

« Filion était un conducteur très confiant. Même s’il ne connaissait pas ses opposants au CMC, il était confiant du fait qu’il avait rencontré et battu les meilleurs en Amérique du Nord. Il était fier de représenter son pays natal, et connaissait chaque endroit sablonneux de la piste de 5/8 de mille du Liberty Bell Park, » d’ajouter Bachrad.

« A la fin de la soirée, Filion avait une étroite marge de 14 points sur Bellei, d’Italie, en vertu de deux deuxièmes places en trois départs.

« Hervé était un super héros sur les pistes du Delaware Valley, et ‘le chouchou du public’ sur tous les chevaux qu’il menait, » dit Bachrad.

Joe O’Brien avait une écurie du Grand Circuit à Liberty Bell, et Remmen se rappelait une histoire dont quelqu’un lui avait parlé au sujet d’O’Brien et Filion.

« Quelqu’un m’a raconté que Joe O’Brien, quand il se trouvait à Liberty Bell, allait dans la grande tribune, quand il ne coursait pas, seulement pour voir Hervé mener, » dit Remmen.

Le Northfield Park de l’Ohio, a vu Filion augmenter son avance à 50 points suite à une victoire, une deuxième et une troisième place en trois départs. Sholty y est aussi allé d’une victoire, une deuxième et troisième place pour accéder à la deuxième place.

En quatre courses disputées au Mohawk Raceway en Ontario, Filion n’a pas réussi à marquer, ce qui le menait à une épreuve finale qui allait être présentée à Blue Bonnets, Montréal, Québec.

« S’il avait perdu contre Sholty ou Dancer, ç’aurait été correct. Mais je crois que nous pensions tous qu’il allait surmonter cela tout comme il faisait tout le reste. Comment pouvait-il perdre? Et cela n’importait pas que ce ne soit qu’à la dernière journée, » de dire Remmen.

Mike Lachance, âgé de 19 ans, et natif de St-Augustin, au Québec, était à Blue Bonnets pour la dernière course.

« A l’époque, quand il s’agissait de grosses courses ou de courses spéciales, personne en Amérique du Nord ne pouvait faire mieux que Blue Bonnets. Ils le faisaient avec grande classe, » dit Lachance.

Lachance entraînait et faisait le paddock d’un cheval participant à la compétition et qui était mené par Dancer. Lachance dit avoir dit à Dancer de le mettre en boîte et de ne pas le laisser prendre la tête, et Dancer l’a écouté pour enregistrer son unique victoire de la soirée.

Newman gagna deux des cinq courses et Sholty en gagna une, portant la compétition à la 25e et finale course du tournoi.

Lachance regarda la course finale à partir de la cuisine de la ligne droite arrière.

« J’ai vu Hervé monter à la fin, à trois ou quatre de large, et gagné; je me rappelle avoir eu la chair de poule partout. C’était gros à Montréal, parce que nous étions tellement fiers qu’un des nôtres gagne. Tout le monde était très fiers de lui, » dit-il.

Denis Larochelle de Mirabel, Québec, connaissait Filion depuis leur enfance, et il menait dans ce programme à Blue Bonnets plus tôt dans la soirée. Il se rappelle combien il était fier de voir que Filion allait gagner la compétition.

« Il était fier de cela, et je pense que toute la province était fière de lui. On ne pouvait demander mieux. Les circonstances ont fait que tout était tombé en place. C’est le rêve de toute une vie. Il a fait remarquer à la population que les gars du Québec s’adonnent assez bien avec les chevaux. Beaucoup d’entre eux sont allés aux États-Unis parce que Hervé leur en a indiqué la route, » dit-il.

Quand tout ait été et fait, Filion, le plus jeune conducteur de la compétition à 30 ans, a gagné par un total de 472 points. Sholty fut deuxième avec 418, Dancer a terminé troisième avec 392, Newman, quatrième avec 298 points, et Wolfenden fermait le groupe des cinq avec 285 points.

Avec tellement de conducteurs étrangers participant à la compétition et voulant tous être couronnés champion, chaque course était chaudement disputée. N’y figurait pas, la course typique en file associée à l’Amérique du Nord. Tous les conducteurs ont gagné au moins une course, et des records d’assistance de saison ou normale et de paris mutuels ont été enregistrés aux sept pistes.

John Campbell, d’Ailsa Craig, Ontario, n’avait que 15 ans quand Filion a gagné le CMC, mais il se rappelle avoir lu sur ce sujet dans les journaux.

« Tout le monde savait qui était Hervé Filion. Hervé est une icône, et pas seulement dans notre industrie, mais dans les années 1970, il était une icône dans les sports canadiens. Une année, Il a gagné le titre d’Athlète de l’Année au Canada. Quand on y pense maintenant, dans ce monde d’aujourd’hui, où nous ne sommes pas au niveau national comme cela, c’est plutôt impressionnant, » dit Campbell.

« Hervé a connu une carrière remarquable, mais il était aussi un héros national des sports dans les années ’70 », ajoute-t-il.

Le succès de la compétition a fait que la HTA a immédiatement commencé à planifier une deuxième édition pour l’année suivante.

Wolfenden se rappelle de l’importance que la compétition représentait pour Stan Bergstein,de l’HTA.

« Ce fut très agréable parce que bien administré. Stan l’a fait, et ce fut fait proprement. Il voulait que ce soit une belle expérience pour tout le monde, » d’ajouter Wolfenden.

Bergstein a toujours semblé être un fan de Filion, et il a répété à plusieurs occasions, que le fait que Filion ait gagné la première édition de ce championnat, a contribué à en faire un événement spécial.

Yves, le plus jeune frère de Hervé, se rappelle que c’était très important pour son frère de non seulement gagner le championnat, mais de le faire au Québec, où cela avait une si grande signification.

« Je suis certain que gagner ce championnat, là où il a commencé à mener ici au Québec, était très important pour lui. Quand Sylvain a gagné en 1999, tout le monde lui parlait encore de son oncle Hervé, » dit Yves.

« Nous savons d’où nous venons, et Hervé qui s’est retrouvé au sommet du monde pendant un certain temps, fut un moment très important pour la famille, » ajoute-t-il.

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